Interview conduite par Nada Fatnassi
Tout comme son prédécesseur, Habib Essid, Chef du gouvernement, a opté pour une femme à la tête du département du Tourisme. Salma Elloumi Rekik, qui a pris les rênes d’un ministère stratégique et exposé. Inscrite dans la continuité de l’Etat, elle va poursuivre les réformes dans un secteur qui n’a que trop souffert d’une conjoncture peu favorable. Entre la saison 2015 qui a mal démarré, l’endettement du secteur hôtelier, l’amélioration de la qualité, la restructuration de la formation professionnelle et l’amélioration de la gouvernance, la ministre a du pain sur la planche. Elle n’aura pas de répit et devrait mettre en œuvre des mesures urgentes pour sauver un secteur dont la contribution au PIB, à l’investissement et aux rentrées en devises ne sont plus à démontrer. Mme Salma Elloumi Rekik, ministre du Tourisme et de l’Artisanat, a accepté de nous accorder sa première interview, pour nous parler de ses projets, de sa vision, et de ses actions futures.
Depuis que vous êtes à la tête du département, quelle radioscopie faites-vous du secteur touristique ?
Le tourisme tunisien souffre de problèmes structurels depuis une dizaine d’années au moins. Intrinsèquement, il n’a pas réussi à s’adapter aux mutations profondes qu’a connues le tourisme dans le monde. Quatre ans après la Révolution, l’impact sur le secteur se fait ressentir fortement. Un impact assurément négatif : plusieurs hôtels ont fermé, d’autres n’arrivent plus à s’acquitter de leur dette. La situation financière des entreprises touristiques est très dégradée… Il en est de même pour la qualité du produit…
D’un autre côté, la situation sécuritaire qui a eu un impact direct sur le secteur s’est améliorée, il n’empêche qu’on doit rester vigilants. Car, ce genre d’évènements risque de compromettre tous les efforts de promotion. On n’a pas besoin de rappeler que le tourisme est un secteur conjoncturel et que des évènements négatifs extérieurs ou intérieurs l’affectent profondément. A ce titre, l’impact de la situation dans la région est fortement ressenti. En 2014 il y a eu une baisse des entrées par rapport à 2013.Quant aux recettes, elles ont également baissé. Les recettes sont passés de 212 MD, en janvier 2014, à 206,5 MD, en janvier 2015, enregistrant ainsi, une baisse de 2,6%. Ceci étant, nous comptons nous inscrire dans la continuité de l’Etat. Il y a une multitude d’études qui ont été réalisées, des plans d’action, la stratégie « vision 3+1 », après mise à jour, sera mise en place pour relancer le tourisme et redonner à la destination son rayonnement.
Sur un plan purement organisationnel, une certaine amélioration devrait être apportée, aussi bien au niveau du ministère que de l’ONTT et des différentes structures y relevant. Les études sont là, il faudrait mettre en place les plans d’action relatifs à la restructuration.
Concrètement, qu’en est-il du cadre institutionnel et organisationnel ? Il est aussi important dans les enjeux et pour les perspectives du tourisme tunisien ?
Le plan d’action issu de la stratégie du tourisme proposée par le bureau Roland Berger a prévu une réforme du cadre institutionnel et de la gouvernance de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) et du ministère du Tourisme qui, depuis leur création, n’ont connu, presque, aucune évolution. C’est la même structure, les mêmes méthodes de travail. Il est question de redéfinir les rôles. En d’autres termes, l’ONTT – qui emploie environ 1200 personnes dont 600 relevant de la formation professionnelle – éclaterait en trois structures. D’abord, une agence de formation professionnelle avec une réelle implication des professionnels du secteur touristique privé, aux fins de répondre aux besoins du marché. Il s’agirait d’une cogestion entre le public et le privé, au niveau des programmes de la formation, de la formation par alternance et la formation continue dans tous les métiers du tourisme. L’Etat apporterait le soutien logistique, à travers notamment les programmes de coopération internationale.
D’un autre côté, il s’agirait de redéfinir les missions de l’ONTT et de son rôle de contrôle et de régulation. Enfin, l’idée est de créer une agence de promotion afin que l’ONTT se concentre sur sa véritable vocation, à savoir la promotion et le marketing. Une agence de promotion qui ne travaille que sur la promotion et la publicité, avec une implication du secteur privé. Car, le secteur privé est un partenaire indispensable.
D’ailleurs, dans ce contexte il serait intéressant que les trois fédérations professionnelles, s’unissent sous le même drapeau. C’est-à-dire qu’ils formeraient ensemble une confédération du tourisme. Ainsi, le secteur privé pourrait mieux jouer le rôle qui lui est dévolu, dans le développement du tourisme et pourrait, ainsi, s’ériger en une institution avec une force de proposition. Une confédération du tourisme qui réunirait l’ensemble des métiers du tourisme.
Il est aussi recommandé de restructurer l’Agence foncière touristique (AFT) qui devrait s’ériger en une agence de développement touristique. Une agence qui veille sur un aménagement urbain qui tienne compte des développements futurs du tourisme. Il faudrait imaginer un développement touristique intégré dans l’urbain. Car, on est bien d’accord que le concept de zones touristiques est, désormais, aujourd’hui, effrité.
Lire l’intégralité de l’interview dans Réalités Magazine de cette semaine numéro 1525.