“Investir en Tunisie, start-up pour la démocratie” : L’espoir prendra-t-il corps ?

Le gouvernement provisoire a réussi à présenter des documents crédibles et à organiser en un temps record une conférence internationale qui a rencontré un vif succès par l’affluence et la qualité des participants qui ont pris des engagements pour investir et soutenir la relance de l’économie tunisienne.Tout cela mérite d’être suivi et concrétisé.

La conférence internationale du 8 septembre relative à la promotion de l’investissement pour asseoir la démocratie, organisée par le gouvernement provisoire tunisien avec l’appui de la France, n’est pas estimée comme une réunion des pays donateurs ou un plan Marshall pour la Tunisie, mais une réunion à l’intention des investisseurs publics et privés venus manifester leur intention de soutenir sur le plan économique un pays qui a choisi la démocratie.

Trois catégories de participants

Trois catégories de participants ont été conviés à cette conférence des investisseurs internationaux. Les pays amis tels que les pays de l’Union européenne, ceux du Moyen-Orient, les pays d’Amérique du nord et d’Asie qui sont environ 33 à être représentés à très haut niveau avec des premiers ministres, des ministres des Affaires étrangères, des Finances et de l’Économie.

Ces responsables politiques et économiques membres de gouvernements sont bien sûr accompagnés par des collaborateurs administratifs et des experts financiers à même de juger les documents présentés et d’évaluer les projets mais aussi d’assurer la continuité des engagements à prendre et le suivi des projets à financer.

Il y a aussi les chefs de grandes entreprises et de groupes industriels privés susceptibles d’être intéressés pour investir dans les projets de partenariat public-privé ou bien de participer dans les appels d’offres qui suivront, une fois que des investisseurs auront décidé de financer des projets. C’est ainsi que Manuel Valls, Premier ministre français et co-organisateur de la conférence avec Mehdi Jomâa, chef du gouvernement provisoire s’est déplacé à Tunis (1er voyage hors d’Europe depuis sa nomination) accompagné de 15 patrons du CAC 40, ce qui est remarquable et significatif de l’intérêt accordé par la France au soutien et à l’aide apportés par la France à la Tunisie durant cette difficile transition démocratique à la fois politique et économique.

Rappelons que François Hollande président de la République est venu en Tunisie à deux reprises en sept mois. Une quinzaine d’entreprises multinationales parmi les 80 invitées sont également présentes, à l’affût des opportunités qui s’offrent pour participer à la réalisation de certains projets de développement.

Sont également présents une trentaine de bailleurs de fonds et d’institutions financières internationales telles que le FMI, la BIRD, la BEI, l’AFD, la BAD, le FADES, la KFW, la JICA, la BID,….

Trois documents de base

Le gouvernement provisoire s’est livré à une réflexion approfondie et à une préparation minutieuse de cette conférence avec la désignation de deux coordinateurs qui ont abattu du travail considérable : Tahar Sioud pour la Tunisie et Pierre Duqesne, ambassadeur, pour la France. Il y a eu élaboration de trois documents qui ont été présentés aux participants : une note d’orientation stratégique qui montre quels sont les objectifs à réaliser à moyen terme et quelles sont les conditions susceptibles d’y parvenir. Un document consistant de vingt pages qui force le respect.

Une note sectorielle qui identifie les secteurs porteurs et prioritaires à forte valeur ajoutée avec des idées de projets à creuser pour l’avenir par les investisseurs potentiels.

Enfin, une liste de grands projets structurants portant sur les infrastructures et les équipements de base à réaliser par des institutions publiques mais aussi des projets à vocation partenariale entre public et privé.

Processus de transition politique : renouvellement de la confiance

La séance d’ouverture a été consacrée au thème des enjeux et des défis du processus de transition politique en Tunisie. C’est Mongi Hamdi, ministre des Affaires étrangères qui a co-présidé la séance avec son homologue français Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international.

M. Hamdi a introduit la conférence en indiquant qu’il s’agit non d’une réunion de donateurs mais de pays amis, d’institutions partenaires et d’acteurs économiques et financiers majeurs venus pour manifester leur confiance et leur soutien à une démocratie émergente et à la relance du processus de développement du pays par la promotion et le financement de grands projets structurants et l’adhésion à des projets de partenariat public-privé gagnant-gagnant. Il s’agit d’un bond qualitatif et d’une démarche responsable de la part du gouvernement provisoire tunisien.

Laurent Fabius : un message de soutien et de confiance

Le ministre des Affaires étrangères a pris la parole pour affirmer que la communauté internationale et en particulier la France et l’Union européenne apportent à la Tunisie un message de soutien et de confiance pour ce qui est de la poursuite de sa transition politique qui a besoin d’un soutien économique pour asseoir sa fondation sur un support solide et durable.

M. Fabius a poursuivi son discours en disant qu’il s’agit pour la communauté internationale de provoquer un choc de confiance sur cette nouvelle page de l’histoire du pays. La Tunisie doit regarder l’avenir avec optimisme, car elle dispose de tous les atouts pour réussir sa transition démocratique et son redressement économique.

Ces perspectives positives impliquent la définition des voies et des moyens pour consolider le processus. C’est pourquoi, la France accorde son soutien à la Tunisie pour favoriser le développement du pays.

Mettre le pays au cœur d’un processus vertueux

Mehdi Jomâa a prononcé un discours structuré dans lequel il s’est félicité de la présence d’invités illustres à cette conférence qui est considérée comme un signal de l’engagement et de l’appui de pays amis et d’institutions partenaires venus manifester leur soutien à cette nouvelle phase de relance du processus de développement du pays. Il s’agit pour le chef du gouvernement provisoire de sceller de nouveaux partenariats durables et bénéfiques pour le développement du pays. Nous avons amorcé des réformes structurelles pour engendrer la relance de la machine économique. La stabilisation de la situation politique et sociale doit être accompagner par la relance de l’économie du pays mise à mal par l’instabilité politique et les perturbations sociales durant plus de trois ans.

La politique de développement du pays consiste en la refondation de l’État stratège et régulateur qui doit asseoir la dignité du citoyen par le travail et mettre en place une société solidaire à l’abri des aléas du contexte sécuritaire régional.

Le chef du gouvernement provisoire a rendu hommage au dialogue national, une “machine inventée par la Tunisie pour concevoir des consensus libérateurs”. Ce sont les tensions sociales qui ont trois années durant, provoqué des turbulences économiques. “On a oublié et marginalisé l’économie mais celle-ci ne nous a pas oubliés”.

Pour mettre fin à la dérive économique, il y a lieu d’engager les réformes économiques : équité fiscale, société solidaire, consolidation du système financier. La Tunisie doit devenir un pôle d’émergence pour l’avenir. Certes il y a de nombreux défis à relever ensemble : “parier sur la jeunesse, ouvrir la voie à des partenariats d’aujourd’hui pour partager les dividendes de demain”. C’est pourquoi nous vivons un moment historique et devons partager la vision stratégique que nous avons proposée.

Retrouver une croissance rapide : soutien de la France

Le Premier ministre français, Manuel Valls, a prononcé un discours énergique et vigoureux pour ce qui est de son soutien sans réserve au processus démocratique et à la relance économique de la Tunisie.

Il a commencé par saluer la persévérance de la Tunisie dans son processus de transition, même si elle a vacillé par moment et a rendu hommage en passant à la vitalité de la société civile à travers le rôle joué par le quartet. Certes les choix ont été parfois difficiles mais responsables.

Le Premier ministre français a confirmé que tous les pays sont mobilisés pour lutter contre le terrorisme avec une aspiration collective à la justice sociale. La Tunisie a besoin aujourd’hui d’une aide substantielle pour retrouver le chemin d’une croissance économique rapide et l’investissement dans les projets de développement s’impose pour baliser la route de la croissance.

C’est pourquoi les institutions financières internationales, la France et l’UE doivent apporter leur contribution aux efforts de la Tunisie dans ce sens. M. Valls a poursuivi que la France est proche du peuple tunisien avec des prêts et des dons exceptionnels du trésor public, outre les crédits de l’AFD. De nouveaux partenariats ont été signés ou le seront prochainement dans les secteurs du numérique, de l’agriculture, des énergies renouvelables.

Rappelons qu’une forte délégation du MEDEF accompagne le Premier ministre français dans son déplacement en Tunisie. Le Premier ministre n’a pas manqué de citer que plusieurs grandes entreprises françaises ont l’ambition légitime de voir leurs offres aboutir dans certains projets d’infrastructures en cours ou à venir en Tunisie telles qu’une grande centrale électrique, une importante station d’épuration d’eaux usées, l’aménagement et l’équipement de la zone logistique de Radès ainsi que des projets d’énergies renouvelables ou encore des projets touristiques intégrés à caractère écologique ou de tourisme médical.

M. Valls a rappelé que la France est le premier investisseur en Tunisie, en flux et en stock, et que les entreprises françaises implantées en Tunisie ont créé 130.000 emplois stables. En ce moment décisif la France est fière d’être aux côtés de la Tunisie”, a ponctué le premier ministre.

Les pays maghrébins présents au rendez-vous

Les deux Premiers ministres algérien et marocain ont tenu à confirmer leur appui et leur soutien au processus démocratique par leur présence active à la tribune de cette conférence. Les discours prononcés par MM. Abdelmalek Sellal et Abdelhilah Benkirane ont porté sur leur soutien et appui au processus transitionnel en Tunisie.

C’est ainsi que l’Algérie continuera à soutenir la Tunisie sur le plan sécuritaire, politique et économique : confiance et solidarité avec le peuple et le gouvernement tunisiens.

De son côté, Benkirane a dit qu’il est temps que l’investissement devienne courageux pour se concrétiser en Tunisie. C’est la meilleure façon de lutter contre le terrorisme. Le contexte régional est difficile sur le plan sécuritaire mais la Tunisie a besoin du soutien de ses amis par un partenariat gagnant. Le roi du Maroc a donné des instructions aux hommes d’affaires marocains pour investir en Tunisie.      

Transition économique, fondement pour le développement futur

La première séance a été présidée par Naoufel Gouerfelli ministre chargé de la coordination et du suivi des affaires économiques alors que M. Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la BEI a assumé le rôle de modérateur. Celui-ci a fait plusieurs propositions intéressantes relatives à l’originalité de cette conférence pour laquelle il a suggéré un rendez-vous au printemps 2015 à Tunis pour faire le point des réalisations faites entre-temps par les mêmes investisseurs.

C’est peut-être aussi un moyen de tester l’efficacité et l’empressement de l’administration tunisienne à faciliter et accélérer les procédures et les formalités. Michel Barnier, vice-président de la commission européenne a confirmé l’aide et l’appui aux choix stratégiques faits par la Tunisie et la commission poursuivra son soutien financier au processus de relance de l’économie tunisienne. 

Les 22 projets proposés sont prêts pour l’exécution

Selon M. Hédi Belarbi, ministre de l’Équipement et porte-parole de la conférence, les 22 projets présentés sont rapidement prêts à la mise à exécution dans la mesure où les études de faisabilité sont bien avancées ou déjà disponibles.

Il s’agit de trois grands hôpitaux à construire à Béjà et à Gafsa le 3e  celui de Tunis sera spécialisé dans le traitement des maladies cancéreuses en raison de la grande diffusion de cette maladie.

Il y a ensuite la construction de routes express et intérieures. Il s’agit d’améliorer la desserte des gouvernorats de l’intérieur à partir de l’autoroute Tunis-Gabès-Médenine. Ainsi Sidi Bouzid, Kasserine et Gafsa seront rapidement reliées aux zones littorales où se trouvent les ports et les grandes villes pour favoriser importation-exportation en faveur des investisseurs. Les routes express étant moins coûteuses que les autoroutes (trois fois moins cher que les 6 millions de dinars par km nécessaires pour les autoroutes et offrent les mêmes avantages alors que l’intensité du trafic ne justifie pas l’autoroute.

Deux stations de dessalement de l’eau salée sont à construire dans le sud pour assurer l’approvisionnement de la population en eau potable. Un barrage réservoir est à construire sur l’oued Tessa pour l’irrigation des terres et la fourniture d’eau potable. Une centrale électrique de 600 mégawatts est à construire à Mornaghia pour alimenter l’extension urbaine du Grand Tunis. D’ailleurs tout le réseau de distribution de haute tension de l’énergie électrique du pays a vieilli et doit être rénové et modernisé pour un investissement de l’ordre de 500 millions de dollars sur cinq ans.

Le terminal container du port de Radès doit être étendu sur 1,300 km soit les quais 8 et 9 pendant deux ans en vue d’une gestion privée et efficace. Il y a également un important projet intégré portant sur l’environnement dans la région de Médenine. Le tout est évalué à 7 milliards de dinars.

4 projets de PPP

Parmi les 22 projets proposés à l’investissement il y a 4 projets à vocation partenariale public-privé. Il y a l’aménagement intégré de Sebket Ben Ghadaya au Sahel pour l’exploitation touristique. Il y a l’aménagement, l’équipement et l’exploitation de la zone logistique de Radès. Il y a la construction et la concession du port en eau profonde de l’Enfidha ainsi que le projet Taparura à Sfax. Il y a également l’équipement de la Tunisie en très haut débit pour l’Internet qui exige des investissements énormes.

Enfin une vision stratégique en 5 volets

L’intervention de Hakim Ben Hammouda ministre des Finances et de l’économie a porté sur la stratégie de développement conçue par le gouvernement provisoire et déclinée dans le document présenté aux participants, porte sur 5 volets.

D’abord, le rétablissement des grands équilibres macro-économiques : déficit budgétaire, déficit du commerce extérieur, inflation galopante, endettement extérieur , détérioration de la balance des paiements,… une tâche difficile et de longue haleine à réaliser progressivement. Parallèlement il y a la relance de la croissance économique et la promotion de l’emploi.

Il y a là tout un programme qui implique l’amélioration du climat de l’investissement et la mise au point d’incitations au profit des investisseurs privés pour les encourager à entreprendre. Il y a ensuite la mise en application de plusieurs réformes économiques telles la recapitalisation des trois banques publiques qui va favoriser le financement des PME, la réforme fiscale qui permettra de trouver de nouvelles recettes pour alimenter le budget de l’État, la lutte contre la contrebande et le commerce informel une tâche colossale. Le développement des régions intérieures du pays implique la décentralisation des décisions et l’encouragement des promoteurs privés à investir dans les régions avec la transformation des matières premières locales et le renforcement des infrastructures de base locales.

Enfin il est nécessaire de favoriser la solidarité et l’inclusion sociales. Nouveaux secteurs porteurs et projets structurants. La séance plénière de l’après-midi a été consacrée à l’examen des nouveaux secteurs porteurs à forte valeur ajoutée susceptibles d’être financés et créateurs d’emplois pour les diplômés du supérieur.

La présentation a été faite par M. Hédi Balarbi, ministre de l’Équipement, de l’aménagement du territoire et du développement durable qui a présidé la séance. M. Fathallah Sijilmassi, secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée a été modérateur. MM. Kamel Ben Naceur, ministre de l’Industrie et M. Taoufik Jelassi, ministre de l’Enseignement supérieurs sont intervenus en remettant l’accent sur les projets initiés par leurs départements.

Ridha Lahmar

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