« Histoire d’espoir », « La Tunisie offre d’excellentes opportunités d’affaires », « l’Europe doit soutenir massivement la Tunisie », « engagement envers la Tunisie » …, autant de messages vivifiants ayant fait preuve d’un élan de sympathie manifeste et d’un grand soutien dela communauté internationale envers la Tunisie à l’occasion de la Conférenceinternationale sur l’investissementdes 29 et 30 novembre à Tunis.
Une présence de quelques 1500 acteurs économique venus de différents pays, 146 projets public et privé proposés et une mobilisation de 34 milliards de dinars entre dons, accords de crédits et promesses d’investissement, un bilan éloquent qui a dépassé toutes les attentes. « L’objectif atteint désormais et la conférence a tenu toutes ses promesses, il ne manque plus qu’un attelage au service après-vente », ont déclaré les responsables du Forum.
Dans la foulée, le premier sommet Tunisie-Union européenne tenu le 1er décembre courant à Bruxelles n’a pas manqué de réitérer la « fidélité » des engagements de l’Union vis-à-vis de la Tunisie. « La Tunisie n’est pas seule », un nouveau message d’appui et de confiance envers le pays d’autant plus fort que venait de s’achever dans la même atmosphère la conférence sur l’investissement.
Autant ces évènements historiques apportent un grand réconfort etfont le plein d’espoir et de promesses pour le pays, autant ils le soumettent à la rude épreuve de l’ajustement et de la réforme pour pouvoir gagner le pari de l’investissement.
A l’évidence, le plus important reste à faire.Le regain d’optimisme avec la réussite dans la réinscription de la Tunisie au cœur de la carte de l’investissement et du partenariat mondial, à même de faire d’elle une plateforme ouverte sur les investissements mondiaux, devra être étayé par des actions concrètes balisant l’itinéraire de la transition économique et permettant au pays de retrouver le chemin del’investissement et de la croissance.
Ce qui est important aujourd’hui serait d’assurer le suivi des engagementsde financement, de coopération et de partenariat conclus. La réponse à quoi et comment faire est venue aussi des partenaires eux-mêmes : « il importe que la Tunisie s’aide elle-même en commençant plusieurs chantiers, notamment concernant les réformes, la gouvernance et la création propice aux affaires », « il faut seulement favoriser le climat d’affaires », « préserver la santé des finances publiques », « améliorer l’efficacité et l’efficience des services publics », « maintenir un rythme régulier des réformes », autant d’éclairages etd’indications, voire d’exigences pour traduire les promesses en actes et rendre les déclarations d’intention des contrats gagnant-gagnant. Beaucoup de publicité et de promesses mais pour quels résultats ? Faut-il agir et mettre à profit son énorme potentiel pour récolter les fruits des engagements ?
Bien gérer les projets publics pour le bon usage des prêts
La majeure partie des accords de financement signés lors de la conférence sont des engagements de crédit qui vont servir à financer 68 projets publics de développement inscrits dans le plan stratégique 2016-2020.Une mobilisation appropriée des emprunts affectés aux projetsdépend de la bonne exécution des ouvrages publics, ce qui appelle le renforcement du dispositif de gouvernance de l’investissement public. Remédier aux goulots d’étranglement passés ayant limité le taux d’exécution des projets publics est un impératif de la situation. Une harmonisation des travaux des différentes structures publiques chargées du suivi de l’exécution des projets publics au double plan national et sectoriel s’impose ainsi pour gagner en efficacité et en efficience. Le suivi ne devrait pas seulement être centré sur les projets en cours l’exécution et à difficultés, mais aussi et surtout sur l’élaboration des études préparatoires pour les nouveaux projets qui exigent des examens indépendants de l’évaluation et des analyses de risqueet ce, pour optimiser les conditions d’approbationpar les bailleurs de fonds des projets de développement.
Réduire les risques pour des PPP convenablement structurés
Le développement des projets de partenariats public privé avec des entreprises étrangères serait un grand levier à l’investissement direct étranger en Tunisie et permettrait surtout de desserrer les contraintes budgétaires et réduire la dette du pays, tout en s’assurant des rendementséconomiques et sociaux des dépenses d’infrastructure en particulier. En même temps, le Gouvernement devrait s’y prendre pour garantir une fourniture de services de grande qualité. Parce qu’un PPP mal conçu peut entrainer un risque beaucoup plus élevé pour l’Etat en raison des dispositions contractuelles de longue durée qu’il comporte.
La promulgation d’un cadre réglementairerelatif aux PPP représenteen lui-même un grand acquis et un premier facteur d’attractivité. Il reste,pour la mise en œuvreeffective des 33 projets PPP offerts aux investisseursétrangers, à veiller au grain, notamment, en ce qui concerne les obligations contractuelleset les risques budgétaires. En effet, dans le partage des risques entre l’investisseurprivé et l’Etat, ce dernier se charge généralement des risques soumis à son action,en l’occurrence les risques politique et réglementaire, dont il devait être apte de le gérer au mieux. L’Etat devrait, ainsi, s’atteler à la consolidation de la transition démocratique, à la simplification de la règlementation, à la réduction des exigences de conformité, ainsi qu’à la stabilité de la législation, cautionnant la rentabilité recherchée par les entreprises intéressées au site Tunisie.
L’Etat devrait, également, œuvrer à minimiser les risques éventuels liés aux PPP, à l’instar des risques liés à l’obtention des agréments indispensables à la construction et des risques liés aux retards de la construction, tels que les problèmes fonciers. La souplesse et la célérité administrative, ainsi que l’autorité de la loi sont de mise.
Simplifier la vie des investissements privés pour plus d’IDE
«Si les entreprises sont convaincues que les pouvoirs publics mettront leurs réformes en œuvre petit à petit, elles investiront, même si les premières initiatives ont modestes ». Certainement, les 19 milliards de promesses d’investissement requièrent un environnement plus favorable pour voir le jour.
Aujourd’hui, la Tunisie s’efforce à créer un cadre règlementaire accueillant pour l’IDE en assouplissant l’accès au marché et en accordant les garanties nécessaires aux investisseurs, mais beaucoup reste à faire. Il est question, tout d’abord, de rétablir les grands équilibres de l’économie. Les investissements étrangers n’auraient bonne mine et ne manifesteraientl’engouement pour le site Tunisie, tant que les fondamentaux de l’économie soient vulnérables et l’incertitude plane sur le retour à la normale. Figurant en tête des risques macroéconomiques auxquels les investisseurssont confrontés, la faible croissance, la situationbudgétaire et extérieureinquiétante, le fort taux d’endettement et le glissement alarmantde la valeur du dinar. Il s’agit, en deuxième lieu, d’œuvrer à la facilitation du « doing business » au travers dela mise en place de la Haute instance de l’investissement, le parachèvement des textes d’application de la nouvelle loi de l’investissement, l’assainissement du climat social favorisant les gains de productivité, l’allègement de la bureaucratie, la lutte contre la corruption,la modernisation de l’infrastructure, la mise en œuvre d’une stratégie de lutte contre l’économie informelle, la promulgation de la réforme fiscale et la poursuite des réformes structurelles ayant trait au climat d’investissement en général.
Le diagnostic fait, les solutions identifiées, il faut tout simplement savoir s’y prendre pour saisir les opportunités offertes et savourer le vrai triomphe, celui de voir les investissements étrangers s’installer, produire, recruter et exporter. La conditionnalité de l’appui extérieur à la transition et au développement de la Tunisie devrait être scrupuleusement suivi en faisant montre d’une capacité immuable de faire bouger et révolutionner les choses, de rompre avec des années d’immobilisme, de faire des réformes et de changer la réalité.
Alaya Becheikh