Investissements Directs Etrangers : “Nous sommes optimistes, mais nous devons être agressifs”

Vecteur de développement et de richesse pour le pays, les IDE ne reprennent toujours pas de couleur en Tunisie. On n’entend pas parler de nouvelles sur l’implantation de grandes marques et de franchises étrangères mais plutôt de délocalisation de grands groupes et de marques étrangères vers d’autres pays dont le Maroc. Les raisons ? Les spécialistes du secteur pointent du doigt la dégradation du climat des affaires en Tunisie vu l’instabilité politique, économique et sociale que le pays traverse depuis la Révolution.  Avec la Covid-19, la situation a empiré et évolue de façon aggravante pour atteindre durablement le monde économique.
Face à ce constat, Abdelbasset Ghanmi, Directeur Général de la FIPA ( Agence de Promotion de l’Investissement Extérieur ) dont la principale mission est l’attraction des investissements étrangers et leur accompagnement, s’est dit optimiste.
Dans une interview accordée à Réalités, il a déclaré que malgré la baisse drastique des flux d’investissements directs étrangers (IDE) dans le monde, la Tunisie pourra toujours tirer profit de relocalisations d’entreprises européennes qui sont, selon lui, en train d’étudier les possibilités d’établir des circuits de production courts.

 Vous avez récemment parlé d’une étude sur les coûts des facteurs de production en Tunisie qui est en cours d’élaboration au niveau de la FIPA. Peut-on avoir plus de détails sur ce document ? Quelle est son utilité ?
Le document présente une étude comparative sur les coûts des facteurs de production avec nos principaux compétiteurs. Ce document est réalisé avec la contribution de l’outil FDI Benchmark du groupe Financial Times. Cet outil connu pour sa crédibilité nous permet de structurer nos propositions de valeurs aux potentiels investisseurs qui seraient intéressés par nos atouts compétitifs.
La concurrence est de plus en plus rude pour attirer les IDE. C’est pourquoi nous devons être plus agressifs dans notre communication sur les atouts de la Tunisie.

Pour certains, la Tunisie n’est plus compétitive. Qu’en pensez-vous?
L’outil FDI Benchmark montre justement que notre compétitivité, en ce qui concerne non seulement les facteurs de production mais aussi les ressources humaines qualifiées, est toujours bien présente.
Les classements internationaux confirment également les avantages comparatifs du site tunisien d’investissement, notamment dans le domaine des ressources humaines et de l’innovation. La Tunisie a été dernièrement classée première en Afrique du Nord dans le Global innovation index.
La meilleure preuve que la Tunisie dispose encore de ces avantages comparatifs par rapport à ses compétiteurs, c’est la confiance renouvelée des opérateurs étrangers dans le site tunisien, matérialisée par les extensions de leurs investissements. Maintenant, les efforts qui doivent être faits concernent l’image de la Tunisie à l’étranger et la manière avec laquelle nous devons véhiculer ces atouts. Selon leurs déclarations, beaucoup d’entreprises étrangères actives dans les industries mécaniques, électriques et électroniques, le développement de logiciels, l’agrobusiness et le textile, s’intéressent toujours à la Tunisie.

L’investissement étranger en Tunisie ne cesse de régresser. Où en est-on actuellement ? Peut-on parler d’une reprise en 2021 ?
En 2019, le volume total des IDE a atteint 2,5 milliards de dinars, ce qui est une valeur supérieure à la moyenne des 5 dernières années.
Il est vrai que pour les 9 premiers mois de 2020, nous avons enregistré un recul de 26,4%. Cela est l’effet de la baisse drastique de l’activité dans le monde et les flux mondiaux d’IDE n’ont pas fait exception. La CNUCED prévoit une baisse de 40 à 50% de ces flux.
Nous sommes optimistes pour 2021 et nous espérons profiter à court-moyen terme de relocalisations d’entreprises européennes qui étaient implantées en Asie et qui sont en train d’étudier les possibilités d’établir des circuits de production courts.
En effet, la pandémie et son impact sur leurs activités, leur ont fait prendre conscience de la nécessité de diversifier leurs sources d’approvisionnement et de rapprocher leurs productions de leurs marchés cibles.

Y a-t-il de grandes marques qui souhaitent s’installer en Tunisie ? Si oui, peut-on connaître les noms et leurs domaines d’intervention ?
Nous recevons ce qu’on appelle des «signaux faibles» d’entreprises qui sont en train de s’intéresser aux potentialités du site. Mais il est encore prématuré de dévoiler des noms.
La FIPA ne communique à vrai dire que les investissements réalisés et pour des raisons compréhensives de confidentialité ; les entreprises étrangères, de leur côté, souhaitent que leurs opérations de prospection se fassent discrètement.
Ce qu’on peut toutefois avancer, c’est que l’essentiel de l’intérêt émanant des entreprises étrangères, concerne les industries mécaniques, électriques et électroniques, le développement de logiciels, l’agrobusiness et le textile.

Qu’est-ce qui nous manque aujourd’hui pour attirer les IDE à l’instar d’autres pays comme le Maroc qui ne cesse de devancer la Tunisie ?
L’investisseur étranger vise un site d’implantation qui lui fournit toutes les conditions pour faire prospérer son business. Actuellement, l’un des problèmes auxquels doivent faire face les entreprises exportatrices, qu’elles soient étrangères ou tunisiennes d’ailleurs, est relatif à la logistique.
C’est un atout indéniable qu’ont certains de nos compétiteurs. Nous sommes confiants que les problèmes au niveau du port de Radès seront résolus à brève échéance compte tenu de l’importance de la logistique dans l’attractivité d’un pays.

A croire certaines informations, plusieurs entreprises étrangères ont mis la clé sous la porte en 2020 en raison de la détérioration du climat des affaires en Tunisie. Si tel est le cas, quel serait leur nombre ?  Quelles sont les principales raisons ?
A vrai dire, nous n’avons pas observé jusqu’à présent et de manière significative de fermetures liées directement à la pandémie.  Nous avons enregistré du chômage technique, c’est vrai. Mais cela est essentiellement dû à la baisse importante de la demande. La crise que nous vivons est une crise mondiale qui touche tous les pays et toutes les activités du commerce et  de l’investissement.
Surtout dans les secteurs qui ont été fortement impactés par la pandémie comme les composants aéronautiques ou dans une moindre mesure, les composants automobiles.

La FIPA a joué un rôle crucial dans l’attraction de l’investissement étranger et vous avez récemment remporté  le prix «AIM Investment Award 2020- Middle East and North Africa», pour le projet d’implantation, en Tunisie, du géant japonais «SUMITOMO». Partant de cela, est-ce qu’on peut parler d’une stratégie ou d’un business-plan visant à attirer d’autres grandes marques et mégaprojets ?
Le projet dont vous parlez a été réalisé grâce à la nouvelle stratégie que nous avons mise en place à la FIPA depuis ces dernières années. Il s’agit d’un contact direct avec les entreprises.
La FIPA s’était davantage focalisée sur la promotion générale et la prospection dans les salons sectoriels. Aujourd’hui, nous constatons que le contact direct avec les entreprises préalablement ciblées donne un meilleur retour sur investissement. Cette méthodologie de travail nous permet non seulement de nous recentrer sur notre corps de métier, la promotion de l’investissement, mais nous permet également d’adopter une réelle approche client qui personnalise notre travail et nous fait rejoindre les meilleures pratiques utilisées au niveau international pour attirer les investissements directs étrangers.
Pour 2021, nous avons un programme de prospection directe qui sera appuyé par l’IFC, filiale de la Banque mondiale.
Nous croyons beaucoup en ce genre de programmes qui a donné des résultats tangibles et l’occasion m’est donnée pour remercier l’IFC pour son appui dans ce genre d’initiatives.

Propos recueillis par Khadija Taboubi

Related posts

L’OPEP maintient ses prévisions pétrolières malgré les turbulences économiques

Tunisie : +1,6 % de croissance du PIB au premier trimestre 2025

Pour un renouveau de la politique budgétaire