J-3 : dimanche, les électeurs voteront pour une Tunisie moderne et démocratique

Mardi 9 décembre : la campagne électorale du 2e tour de la Présidentielle a commencé ce matin. Les deux adversaires avaient prévu de concentrer leurs efforts sur la capitale. L’équipe de Béji Caïd Essebsi s’est mise au travail dès minuit et l’on a pu voir Ben Salem, l’éphémère président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) le jour de son inauguration, parcourir les rues en pleine nuit pour participer avec les jeunes au collage d’affiches de BCE, retrouvant à 83 ans l’enthousiasme de sa longue vie de militant.

Si El Béji, quant à lui, a rencontré dans un “café culturel” une foule de jeunes qu’il a encouragés à prendre leur place dans la société démocratique de demain.

De son côté, Moncef Marzouki s’est offert des bains de foule à Bab Souika et dans les souks de Tunis. Il a même — ce qui est interdit — porté la campagne électorale dans une école primaire de la rue de la Kasbah ! Mais pourquoi se gêner quand on est (encore) président (même provisoire) de la République ?… Diverses prises de position d’hommes politiques ont marqué cette journée. Mohamed Bennour a annoncé sa décision de quitter son poste de porte-parole d’Ettakattol pour ne pas défendre “une politique qu’il ne partage pas”, alors que Khalil Zaouia annonçait que ce même parti ne donnait pas de consigne de vote. Par contre Mustapha Kamel Nabli a annoncé qu’il soutiendra la candidature de BCE, car “le meilleur scénario qui se présente à la Tunisie est d’avoir un gouvernement, un Parlement et un président de la République qui soient du même bord.”

Les députés de l’ARP n’ont pas chômé et ont décidé dans une ambiance cordiale d’utiliser le règlement intérieur proposé par la commission élue à cet effet.

Ils ont aussi décidé du lutter contre l’absentéisme qui a tant nui à la défunte ANC. Noureddine Bhiri, président du groupe parlementaire d’Ennahdha, a souhaité une “plus large distribution des responsabilités dans la gestion de l’ARP”. Je pense, pour ma part, que la discipline devrait être respectée à l’intérieur de l’hémicycle pendant les séances plénières afin de ne plus revoir les scènes burlesques et les disputes qui ont émaillé certains débats pendant les années de l’ANC et je souhaite, à cet effet, la création d’un corps d’huissiers (ou autre appellation) qui veillerait à la distribution des documents et à la bonne tenue des séances, comme cela se passe dans d’autres pays.

 

Mercredi 10 : la campagne électorale s’est poursuivie sans dépassements notables. Béji Caïd Essebsi s’est rendu au mausolée de Sidi Belhassen (Tunis) où il a été accueilli par les cheikhs de la Zitouna qu’il a accompagnés dans des chants soufis et il a récité avec eux la fatiha sur les tombes des martyrs. Moncef Marzouki a visité plusieurs délégations du gouvernorat de Zaghouan où il a harangué les foules en faisant appel à la fibre régionaliste.

Kamel Jendoubi, président de la première ISIE, a annoncé son soutien à BCE “dans son projet de sauvetage de l’État tunisien, État de Droit et de la démocratie.”

Quant à Hechmi Hamdi, il a adressé une lettre ouverte au courant Mahabba, dans laquelle il appelle à soutenir le candidat “qui défend les libertés politiques, qui est prêt à accorder une prime de chômage contre un travail de deux jours et qui prône un islam modéré”, laissant donc le choix de la réflexion à ses partisans. Le Front populaire ne veut toujours pas prendre parti, empêtré dans ses contradictions, mais Zied Lakhdar, SG du Watad, a renouvelé sur Mosaïque FM l’affirmation que le Front ne votera pas pour “le fils de la Troïka” et a exposé deux scénarios possibles en concluant : “si Moncef Marzouki est réélu, on aura affaire à la même équipe que celle de la Troïka avec un bloc assez large d’Ennahdha au Parlement, ce qui conduirait à l’instabilité. S’il n’est pas réélu, la situation sera légèrement meilleure”. Il ne reste aux adhérents et aux sympathisants du Front qu’à choisir l’un des scénarios !

 

Jeudi 11 : pendant la nuit, les députés de l’ARP ont voté le budget de l’État 2015, chapitre par chapitre, à une large majorité allant de 179 voix (sur 127) pour le budget de la Défense à 143 pour le budget de l’Instance Vérité et Dignité, montrant par là que le souci du peuple tunisien dans son ensemble accorde le plus grand intérêt à la sécurité du pays. En revanche le Front populaire a voté contre ce budget, mais la loi de Finances 2015 préparée par le gouvernement Jomâa a été adoptée.

Moncef Marzouki anticipe. Il a déclaré sur Facebook que Béji Caïd Essebsi ne pourra pas être élu sans falsification des résultats, aussi Taïeb Baccouche, au nom de Nidaa Tounes, a-t-il considéré ces propos comme une mise en doute de l’honnêteté de l’ISIE et une menace contre la paix et la sécurité du pays. En réalité, il s’agit d’un souhait et d’un encouragement à certains éléments pour perturber le déroulement de la campagne électorale et du scrutin. D’ailleurs Chafik Sarsar a réagi vivement en déclarant qu’il s’agit là de propos irresponsables et qu’il a donc décidé d’appliquer des sanctions, l’ISIE a déposé plus de 70 recours devant le ministère public.

Suite de la campagne électorale BCE s’est installé au sein du quartier populaire de la “Cité Helal” (Tunis) après avoir constaté le triste état de délabrement et de saleté des rues, pour ainsi recevoir les doléances des habitants, tandis que Moncef Marzouki s’et rendu à Siliana où il a été accueilli par des “dégage”, selon Mosaïque FM.

 

Vendredi 12 : Hamadi Jebali après plus d’une année de “valse-hésitation”, a fini par décider de quitter Ennahdha parce qu’il ne se “reconnaît plus dans la ligne et les choix de son parti”. Il explique qu’il a “décidé de se consacrer à une autre activité, à savoir défendre les libertés”. Aurait-il l’intention de créer un autre parti ? En tout cas, Ennahdha s’inquiète de cette décision et Zied Laadhari, son porte-parole, a réagi à “cette triste nouvelle” en demandant à “ce grand monsieur” de réfléchir encore. De leur côté, les extrémistes Sadek Chourou et Habib Ellouz ont publié une lettre aux adhérents et sympathisants d’Ennahdha : ils font part de leur désaccord total avec la décision de neutralité de la choura et appellent à voter pour Marzouki. Ambiance !

Concernant le volet sécuritaire, le ministère de l’Intérieur annonce l’arrestation par la Garde nationale à Kasserine d’une cellule terroriste de dix membres, “Katibet Haraket Achabab”, chargée de l’aide aux terroristes des montagnes de la région et du recrutement de nouveaux membres. De son côté la présidence du gouvernement a décidé de “geler” les activités de “l’Association centriste pour la mobilisation et la réforme” du cheikh Adel Almi, le trublion connu, en attendant de la déférer en justice. Je pense que l’une des premières urgences du prochain gouvernement doit être de “faire le ménage” dans ce fouillis de milliers d’associations et de ne pas hésiter à “geler” leurs activités et à dissoudre celles qui s’avèreront suspectes.

 

Samedi 13 : Taïeb Baccouche, SG de Nidaa Tounes, a annoncé dans une conférence de presse la création d’une “coordination régionale pour soutenir BCE” au 2e tour, composée de militants des partis NT, Al Moubadara, le Mouvement destourien, l’Action nationale démocrate, l’UPL, Al Massar  et le Parti socialiste. Ce qui me fait penser à une “résurrection” de feu “L’Union Pour la Tunisie”, mais pourquoi la qualifier de “régionale” et pas de “nationale” ? Je considère que c’est une erreur que vont exploiter ceux qui opposent une Tunisie du Nord à une Tunisie du Sud !

La campagne électorale s’est déroulée très différemment pour les deux candidats.

Moncef Marzouki s’est rendu au Kef et à Dahmani, d’où il a été “dégagé” par la population et il a été l’objet de jets de chaussures après qu’il ait traité les Keffois de “collaborateurs de l’ancien régime” et “d’ennemis de la liberté”, alors que se trouvait dans la foule le père du martyr Socrate Cherni !

À Tunis, Béji Caïd Essebsi s’est accordé une promenade sur l’Avenue Bourguiba en compagnie de Férid Memmich, après avoir rencontré des personnalités du monde de la culture à qui il a promis de soutenir leurs efforts pour la généraliser.

À 21 heures, sur le plateau de Hamza Balloumi, il a exposé son programme électoral et a assuré que les pratiques de l’ancien régime ne sauraient être de retour s’il était élu et qu’il sera le garant de toutes les libertés, “y compris pour les nahdhaouis”. Au sujet de la loi sur les stupéfiants, il considère “qu’elle doit être révisée pour les jeunes consommateurs”. Le tout avec un ton rassurant et persuasif qui tranchait avec les cris et la fureur de son adversaire.

 

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana