Jeu périlleux !

Au fur et à mesure que l’étau se resserre autour de lui et de son équipe, Youssef Chahed, Chef du gouvernement, semble privilégier la politique du pire. Pour inverser la situation en sa faveur et tirer le tapis sous les pieds  de ses détracteurs, il a changé de mode opératoire.  D’un état de somnolence qui a été souvent décrié, il vire soudainement à un état d’agitation désordonnée.  En témoignent ses nombreuses apparitions publiques, une activité intense, des annonces à tout bout de champ qu’il a pris le plaisir de faire et des engagements parfois contraignants qu’il est en train de prendre.
Alors que tout le monde connait la réalité complexe que traverse le pays, nonobstant  le léger mieux que connaissent certains secteurs d’activité comme le tourisme, les exportations et la reprise timide de la croissance, ceux qui suivent l’actualité politique dans notre pays ne peuvent qu’être déroutés, voire interloqués. Youssef Chahed, cherche-t-il à gagner du temps pour se maintenir en place en faisant des promesses dont tout le monde est convaincu qu’elles n’auront pas de  lendemain ?
Avec des finances publiques en panne sèche, un système  de sécurité au bord de la faillite et une incapacité parfois manifeste à gérer des crises à répétition et des tensions latentes,   l’on se demande si le Chef du gouvernement a vraiment les moyens de sa politique et la capacité de joindre la parole à l’action. Dans l’état actuel des choses, il serait hasardeux d’avancer un quelconque jugement, tellement le brouillard est total et le jeu auquel s’adonne toutes les parties obéit à des règles obscures.
Cela est d’autant plus vrai, qu’au  moment où le versement des salaires dans la fonction publique et des pensions de retraite est suspendu,  chaque mois,  à l’obtention d’un crédit soit du FMI, de la Banque mondiale ou d’une tierce partie, et que les conditions imposées par les institutions de Bretton Woods pour la résolution de la crise des finances publiques et la poursuite de leur concours financier à notre pays sont devenues draconiennes, l’on se demande comment Chahed pourra  tenir ses promesses, dans quelle mesure il aura la capacité de respecter le  moratoire qui lui a été fixé par l’UGTT et surtout de satisfaire sa longue liste d’exigences.
Une UGTT qui,  malgré,  le clin d’œil que Chahed a cherché à lui faire pour mettre un terme à une longue période de désamour, afin de  la mettre à ses côtés dans les moments difficiles,   ne semble pas jeter du lest et encore moins  manifester une quelconque volonté pour favoriser l’apaisement. Toujours envahissante,  la Centrale syndicale aime  agir  sur plusieurs  fronts pour tirer son épingle du jeu, essayant d’imposer  des augmentations salariales dans le secteur public,  la majoration du Smig, l’activation du dialogue social, conformément à l’accord conclu le 27 novembre 2017 relatif au travail précaire, aux ouvriers des chantiers, à l’enseignement pour adultes et aux fichés par la police, tout en poursuivant  sa guerre pour chasser Youssef Chahed et son équipe  de la kasbah.
En changeant son fusil d’épaule, le Chef du gouvernement pourrait-il sortir gagnant de cette épreuve et surtout  fédérer des appuis sûrs lui permettant de mettre un terme à une crise politique qui n’a que trop duré ?  Dans la guerre qui l’oppose plus particulièrement à Hefedh Caïd Essebsi,  Directeur exécutif de Nidaa Tounes, Youssef Chahed, possède-t-il toutes les cartes qui lui offrent le luxe  de  satisfaire les caprices d’une UGTT toujours encombrante et garantir l’appui de bailleurs de fonds,  de plus en plus  exigeants en matière de gouvernance des affaires du pays ?
Dans quelle mesure, s’il consent à se soumettre au diktat de l’UGTT, il trouvera des arguments pouvant convaincre le FMI de continuer à l’accompagner dans cette phase difficile,  tout en faisant table rase de tous les engagements pris, notamment en matière de maîtrise de la masse salariale qui implique inévitablement un gel des salaires dans le secteur public pour les années 2018 et 2019 ?
Dans ce jeu périlleux auquel il est en train de s’adonner, Youssef Chahed ne semble pas prendre la mesure des défis qui l’attendent et,   surtout,  des conséquences qui peuvent découler de choix pris, non pour remettre le pays sur  une véritable trajectoire de reprise de l’activité et de restauration de la confiance, mais pour poursuivre une entreprise de règlement de compte politicienne. Au cas où les bailleurs de fonds internationaux se résoudraient à fermer leur robinet, Youssef Chahed a-t-il entre ses mains un plan b, une alternative sérieuse qui lui permet,  comme   ses détracteurs soutiennent,   de s’extirper  de l’emprise qui lui est imposée par le FMI ?
Quelle solution de rechange pourrait trouver  le Chef du gouvernement pour sortir de ce guêpier ? S’il consent à répondre positivement à toutes les sollicitations de l’UGTT, aurait-il une garantie de la part de la Centrale syndicale de s’arrêter là  et d’enterrer,  une fois pour toutes, la hache de guerre ?
Manifestement, Youssef Chahed semble n’avoir pas retenu les leçons  du passé. En voulant, à nouveau,  se jeter dans les bras de l’UGTT, quitte à lui faire des concessions contre-nature, il ne bénéficiera pas d’un sauf-conduit de sa part, elle qui cherchera toujours un responsable qui se plie à ses ordres.

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