Jeunes Consommateurs: Préserver les enfants de la pub


Ramadan est là, avec ses (trop) nombreux spots publicitaires en soirée, avant, pendant et après la diffusion des feuilletons et des diverses variétés. Et ce que l’on constate depuis quelques années, c’est que la jeune génération est courtisée par les marques de yaourt, de vêtements, de téléphones portables, d’articles de sport et autres objets de consommation… Dans la famille tunisienne moderne, ce sont en effet les enfants qui décident de ce qu’il faut porter, manger, boire, regarder ou écouter.
Or, les techniques d’approche sont de plus en plus sophistiquées, afin que les enfants achètent les produits censés être à la mode, ce qui pose de nombreux problèmes. Jusqu’aux sites internet qui se transforment en plate-forme de publicité ciblée. Sous d’autres cieux, des adolescents sont dépêchés auprès de leurs camarades comme ambassadeurs de certaines marques, voire recrutés par des agences de conseil en marketing qui étudient leurs codes, aidant ainsi les publicitaires à adapter au mieux leur message.
Tout cela n’aurait que peu d’importance, s’il n’y avait pas derrière, une machine à fabriquer des robots consommateurs en utilisant des enfants, ce qui va influencer le choix des jeunes de leur âge et qui va obliger les parents, dépassés par les événements et par les progrès de la technologie, à faire des dépenses excessives.

Acteurs nés
Selon le code des pratiques loyales en matière de publicité de la Chambre de commerce internationale « la communication de marketing ne doit pas exploiter l’inexpérience ou la crédulité des enfants ou des adolescents. La communication de marketing ne doit comporter aucune déclaration ou aucun traitement visuel qui risquerait de causer aux enfants ou aux adolescents un dommage sur le plan mental, moral ou physique. »
Une dame a attiré notre attention sur ce phénomène de façon inattendue : elle voulait que son fils de trois ans, blond aux yeux verts, soit inscrit dans une agence, pour jouer dans des spots publicitaires. Là, on lui a expliqué qu’il fallait lui faire un « press-book », sorte d’album photos où l’enfant doit poser comme une star pour être éventuellement sélectionné par les créateurs de brochures ou par les réalisateurs de spots publicitaires.
En discutant avec le responsable de cette agence, nous nous sommes aperçus qu’il y avait dans notre pays un grand business autour de la pub, aussi rentable que discret, pour ne pas dire secret. Et cela peut commencer très tôt, car il n’y a pas d’âge pour qu’un enfant devienne mannequin. Même âgé de quelques jours, un bébé peut figurer sur un emballage ou jouer dans un spot publicitaire et les vendeurs de couches ou de crèmes dessert ne s’en privent pas.
Or l’utilisation d’images d’enfants ou d’adolescents est devenue un sujet particulièrement inquiétant ces dernières années, car de telles images peuvent être utilisées de façon inappropriée. Ce problème s’est davantage compliqué avec l’avancement de la technologie, notamment Internet, et smartphones, avec des informations beaucoup plus faciles à obtenir et à diffuser. Or on sait que de nombreux pédophiles et autres obsédés sont à l’affut et peuvent détourner ces photos de leur objectif premier pour en faire un usage malsain.
Nous avons demandé l’avis d’un juriste pour qui « tout individu jouit du droit au respect de sa vie privée et d’un droit à l’image. La publication d’une photographie où une personne est clairement reconnaissable n’est possible qu’avec son consentement préalable, que l’image lui soit préjudiciable ou non. Dans le cas des enfants mineurs, la signature d’autorisation des parents de l’enfant ou de ses tuteurs légaux doit être obtenue par écrit. »
Aujourd’hui, les enfants apparaissent sur les écrans de télévision dès leur naissance, dans des publicités présentant des produits qui leurs sont directement destinés, tels que les biscuits ou les vêtements, mais aussi dans des publicités de produits ou services qui ne leurs sont pas destinés, tels que les lessives, les meubles ou encore produits cosmétiques.
Et notre juriste affirme que « la publicité ne doit pas mettre en scène l’enfant dans des situations susceptibles de le dévaloriser ou de porter atteinte à son intégrité physique ou morale. Elle ne doit pas être de nature à susciter chez l’enfant un sentiment d’angoisse ou de malaise. La publicité doit également éviter toute scène de violence ou de maltraitance, directe ou suggérée, que celle-ci soit morale ou physique. »

Besoins artificiels
De nombreux enfants sont également utilisés dans des campagnes publicitaires dont le but est de sensibiliser l’opinion publique. Or dans divers pays européens, des règlementations plus ou moins strictes limitent, voire interdisent cette présence et les enfants ne peuvent pas être utilisés pour présenter des situations, des produits ou des services qui ne leur sont directement destinés.
De son côté, le directeur d’une agence de publicité affirme que « la pub donne aux enfants le droit d’exprimer leurs opinions et de participer aux décisions qui les concernent, puisque leurs parents ne sont pas au fait des nouvelles modes. Avant même de les faire participer aux spots, on demande leur avis sur les nouveaux produits, ce qui leur permet de s’affirmer et de prendre conscience de leur valeur et du fait que de leurs opinions méritent d’être entendues. »
Un discours bien rodé qui cache l’emprise totale des marques sur les jeunes, qu’un enseignant, aux opinions plutôt classiques, critique en ces termes : « nos enfants sont envahis par la publicité qui crée des besoins artificiels, une structure mentale occidentale, où le paraître règne en maître absolu. Ils sont transformés en consommateurs passifs de produits conçus ailleurs, pour des besoins qui ne sont pas forcément les leurs ou qui ne correspondent pas à la société où ils vivent. »
Paradoxalement, les enfants et les adolescents que nous avons rencontrés, qu’ils soient mannequins ou simples consommateurs, n’imaginent pas leur vie sans spots publicitaires : « ça me permet de connaitre les tendances, de découvrir les produits nouveaux et d’être à la pointe des innovations », affirme ce lycéen de la banlieue nord assez branché nouvelles technologies.
Côté filles, une adolescente de quatorze ans soutient que « la pub nous permet de dénicher les bonnes affaires, les vêtements à la mode, les nouveaux chanteurs et plus généralement de mieux connaitre le monde moderne. » Elle en arrive à reprocher à sa mère de ne pas être à la mode, de « se laisser aller alors qu’elle est encore jeune et belle ». Parions que son père doit être entièrement d’accord avec elle…
Autre problème : ces dernières années s’est posée une question d’ordre éthique à cause de l’utilisation de photos d’enfants par certaines ONG, comme les images de petits africains maigres et affamés, diffusées pour aider à collecter des fonds. Des images qui ont soulevé la question de savoir si de telles photos montrent une image juste de la vie dans ces pays et si elles aident à promouvoir les droits de l’enfant.
Certains se demandent si ces représentations ne mettent pas trop en avant l’émotion au détriment de l’information. D’autres spécialistes ont critiqué l’utilisation de photos de jeunes africaines qui sourient et font partie du nouveau moyen de communication des ONG. On leur reproche de créer des sentiments pouvant faire ressentir de la pitié pour donner de l’argent, mais ne suscitent aucune mobilisation réelle.
Quoi qu’il en soit, c’est aux parents et aux enseignants d’expliquer aux enfants les messages cachés de la publicité, ses points positifs et ses dangers. Cela fait aussi partie de l’éducation moderne et surtout cela permet d’éviter à nos enfants des déceptions qui peuvent être pénibles… Espérons que nos chaines TV ne vont pas trop exagérer cette année !

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