Flambée de nouveaux cas de Covid, ours qui rôde, démission d’un compositeur de la cérémonie d’ouverture… Ces jeux sont-ils maudits ?
« Cette vague va être très sévère. » Ces mots inquiétants sont ceux de Norio Ohmagari, directeur d’un centre hospitalier de prévention des maladies infectieuses et principal expert conseiller de la municipalité de Tokyo. Écrits mardi, ils n’ont pas tardé à prendre tout leur sens. Le nombre de cas positifs au Covid explose dans la capitale japonaise, où les Jeux olympiques seront lancés vendredi.
Mercredi, 1 832 contaminations ont été détectées, soit une progression de 55 % par rapport au même jour de la semaine précédente. Une telle hausse est inédite et le rythme d’augmentation a doublé. Il faut remonter à janvier pour trouver des chiffres du même ordre que ceux constatés ces derniers jours, en ayant en plus en tête que, début janvier, les données avaient été biaisées par une série de jours fériés avec moins de tests, ce qui avait entraîné un rebond mécanique ensuite. Norio Ohmagari estimait dès la semaine passée que d’ici peu Tokyo atteindrait une moyenne de 2 400 cas par jour. Et son collègue Mitsuo Kaku, directeur du Centre métropolitain de surveillance des maladies infectieuses, s’attend à 3 000 cas quotidiens, ce que Tokyo n’a jamais connu. Qui plus est, le taux de positivité grimpe, dépassant désormais 10 %, car le nombre de personnes testées, lui, reste stable, sous la barre des 9 000 en moyenne quotidienne calculée sur sept jours. Pour être testé gratuitement, il faut au préalable l’avis favorable d’un médecin.
*Un ours brun rôde
C’est dans ce contexte et dans une métropole sous état d’urgence (même si personne ne s’en rend vraiment compte, à part les restaurants privés de vente d’alcool et censés fermer à 20 heures) que doivent débuter les Jeux olympiques vendredi. Des Jeux qui ont la poisse, à un point qu’on peine à imaginer. À vrai dire, les épreuves ont déjà débuté, ce mercredi, avec un match de softball (sorte de baseball féminin), remporté 8 à 1 par le Japon face à l’Australie, mais sous haute surveillance après qu’a été signalée la présence dans les parages d’un ours brun d’Asie.
« Les Jeux auront lieu à moins d’un Armageddon », avait déclaré le doyen du Comité international olympique (CIO) Dick Pound pour signifier que rien, en gros, ne les arrêterait. Méfiance, car, jusqu’à présent, c’est à plusieurs reprises le pire des scénarios qui s’est produit. Quand, en tant que journaliste vivant au Japon, non soumise à des restrictions de déplacement, on passe de la société réelle (celle qui n’est pas habillée en uniforme bleu et gri estampillé Tokyo 2020 et n’a pas de costume avec des épinglettes « Tokyo 2020 ») aux sites olympiques, où l’excitation est palpable à deux jours de la cérémonie, on a la sensation de changer de monde. Dans le premier, parler des JO est presque tabou tant il y a de craintes face à cet événement, dans le second, on ne parle que de ça, avec passion, en oubliant cependant que le virus est présent des deux côtés.
*De nouveaux cas de Covid tous les jours sur les Jeux
Le fait que des athlètes ont contracté le Covid avant d’entrer dans le Village olympique et ont passé plusieurs tests avant d’être enfin repérés laisse pantois nombre de Japonais. Interrogés sur le sens de l’expression « Jeux sûrs » employée sans cesse, les différents protagonistes (gouvernement japonais, comité d’organisation, CIO) sont tous incapables d’expliquer exactement ce qu’ils entendent par là. Un point d’accord entre eux : « Il n’y a pas de définition. » Avec de nouveaux cas de Covid annoncés chaque jour parmi les athlètes ou autres participants, les Japonais se demandent ce que « sûreté » signifie. Une certitude à ce stade : cela ne veut pas dire « zéro Covid ».
Et comme les ennuis appellent les ennuis, le compositeur de la musique d’introduction de la cérémonie d’ouverture, un morceau de 4 minutes, a jeté l’éponge sur fond de scandale de maltraitance de personnes handicapées et l’ex-Premier ministre Shinzo Abe, qui s’était déguisé en Mario à la cérémonie de clôture des JO de Rio en 2016, puis a promu Tokyo 2020 depuis 2013, ne sera pas là vendredi. Le président français Emmanuel Macron sera le seul chef d’État des pays du G7 avec le Premier ministre japonais Yoshihide Suga.
(Le Point)