Journée internationale de la liberté de la presse : Le devoir d’information, pierre angulaire de toute démocratie

Alors que le Monde célèbre la Journée internationale de la liberté de la Presse, le manque de neutralité ou d’objectivité de certains organes de presse en cette période électorale, l’interdiction de diffusion infligée à Nessma TV ou de l’émission télévisée « les 4 vérité » sur El Hiwar Ettounsi, la situation administrative confuse de nombre d’autres organes de presse (radio Shems FM, …), autant de facettes dans nos contrées, qui traduisent une tentative de mise au pas du quatrième pouvoir et qui devraient inciter les journalistes de tous bords à s’armer du souci d’informer tout en préservant leur objectivité et leur sens éthique, gage de crédibilité et de confiance au yeux du public.

 C’est connu : dans un régime politique démocratique, le pouvoir des médias, appelé à tort ou à raison, quatrième pouvoir est tantôt redouté, tantôt courtisé par les pouvoirs exécutif et législatif. C’est ce qui explique d’ailleurs les incidents précités et bien d’autres, qui plus est en période électorale.
Fruit de la révolution de décembre 2010 – janvier 2011, l’exercice de la liberté de la presse ou de la liberté d‘expression des journalistes et des citoyens s’érige désormais en tant que droit constitutionnel, mais cédant parfois à la facilité ou à un laxisme manifeste ou encore sous des pressions partisanes ou corporatistes, certains organes de presse et de journalistes subissent parfois impuissants des entraves qui réduisent immanquablement leur liberté d’expression et leur manière d’agir.
Dans une société démocratique, la liberté d’information ne peut interférer avec un certain nombre de contraintes et de limitations au nom de la garantie d’autres droits.
Or la banalisation de certaines pratiques en dépit de la loi sur l’accès à l’information (la transparence revendiquée par les journalistes soucieux d’obtenir un accès aux documents administratifs) continue d’affecter à différents degrés le métier des informateurs et journalistes.
Dans ce contexte bouillonnant d’instabilité aux enjeux cruciaux, il devient de plus en plus difficile  de ramer entre les récifs et courants populistes, contrerévolutionnaires ou intolérants. Surtout compte tenu de l’inachèvement et de l’opacité du cadre juridique et législatif réglementant l’exercice de l’activité journalistique qui ne rend pas la tache aisée aux chevaliers de la plume, du micro, du clavier de la caméra et de l’appareil photo.
Comment dans ces conditions assurer le devoir d’informer ?
Il est illusoire  pour tout journaliste digne de ce nom d’espérer disposer, dans l’exécution de son métier, d’une route balisée sans embûches. Il faudra d’armer de patience et de persévérance pour pouvoir conduire sa mission  à bon port et maintenir le bon cap la liberté d’expression et de presse
Pour ce faire il ne faut en aucun cas se départir de ses attributions essentielles, à savoir : alerter sur les risques qui menacent, dénoncer les dérapages, tout en proposant si possible des pistes, apporter des éléments de réponse, réclamer justice, …, car le journaliste doit rester une force de proposition et le portevoix des opprimés et des marginalisés ou exclus, peser sur les décideurs pour améliore la gouvernance et la gestion des biens publics tout en restant un outil de connaissance pour éclairer l’opinion publique et contribuer au relèvement du niveau de l’éducation et la culture des récepteurs.
Qu’il soit informatif, de commentaire ou d’investigation, le travail du journaliste se doit d’être déontologique et au service de la vérité et toujours chercher le point d’équilibre entre la complaisance et l’agressivité, tout en restant un rempart contre la propagation des injustices et de la corruption et malversations.

Les limites au droit à l’information
Certes se poser en directeur de conscience de la communauté n’est pas exigé du journaliste ou du reporter, mais un minimum de bon sens et de professionnalisme loin de la superficialité, des futilités, voire égarement et vulgarité souvent choquante, pour proposer une matière qui profitent aux récepteurs et à leur émancipation. En somme un contenu plus en rapport avec notre culture, notre éducation et nos traditions.
La quasi généralisation de l’usage de la vulgarité dans les dialogues frisant l’obscénité et l’indécence,  la multiplication des jeux de hasard et l’indigence de certains programmes menacent sérieusement nos jeunes générations qui sont en quelque sorte l’otage de cette matière notamment télévisée qui participe, au nom du divertissement, à une destruction en règle des valeurs. C’est ce qui fait d’ailleurs fuser des termes comme  « TV poubelle » ou « presse de caniveau ».
Le journaliste se trouve ainsi au-devant d’un devoir moral pour éviter les informations scandaleuses sur la vie privée des gens, débordements ou autres règlements de compte.
Il faudra également accorder l’attention nécessaire aux abus des publicitaires qui recherchent au-dessus de tout le buzz, quitte à tirer vers le bas la matière journalistique ou médiatique. Ainsi faisant l’information, la vraie, est souvent négligée dans la quête du sensationnel, de la fantaisie, de la séduction ou, pire, de la médiocrité et du conditionnement à travers des messages pour déclencher chez les récepteurs le réflexe  irréfléchi.
A l’évidence, Bien sûr chaque patron de boite médiatique a ses propres mobiles et motivations que ce soit le profit, le militantisme, l’influence, les visées politiques, les actions philanthropiques, …rare en tout cas qu’il soit totalement désintéressé.
On dit souvent qu’on a les médias qu’on mérite, mais un effort reste à faire pour éradiquer les ratés et mettre un terme aux abus de toutes sortes : l’atteinte à la vie privée, aux données personnelles, au secret de l’instruction et autres entraves à l’action judiciaire surtout lorsqu’il s’agit de sûreté de l’Etat ou d’enquêtes anti-terroriste, la censure ou les intimidations partisane, corporatiste ou gouvernementale.
En fin de compte le journaliste se trouve seul face à sa conscience sous les pressions de tous bords et devant des choix et surtout ses convictions, ses repères et ses certitudes malmenés par nombre d’interrogations :
Faut-il tout révéler quelles que soient les conséquences au nom du droit à l’information et de la recherche de la vérité ?
La séparation entre l’information et le commentaire est-elle toujours garantie ?
Y a-t-il des limites au promotionnel ?
L’économie du journalisme prend elle le dessus sur l’économie de l’information ?
Le passage de l’économie de l’information à l’économie des médias est-il consommé ?
Comment préserver en toute circonstance son indépendance et objectivité ?
Faut-il parfois succomber à l’autocensure pour préserver l’ordre établi ?
Faut-il amorcer une éducation aux médias ?
Il s’agit en fait pour le journaliste de savoir trouver le compromis entre les contraintes et le tolérable avec pour unique préoccupation de chercher à développer l’esprit critique et de consolider le sérieux et l’utilité de l’information pour en faciliter l’accès et constituer un véritable contre-pouvoir. Pour un avenir collectif meilleur.

Samy Chambeh

 

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