Justice contre politique… du mal

Le premier ministre israélien refuse l’idée même de la solution à deux Etats, prétendant une unité nationale au sein de l’Etat hébreu contre cette option, et promet de ne pas reconnaître toute décision unilatérale en écho à une mouvance mondiale, y compris dans le camp des puissances occidentales, favorable à la création d’un Etat palestinien et à des négociations israélo-palestiniennes sérieuses à même d’instaurer, enfin, la paix au Proche-Orient.
C’est là, désormais, une certitude et une conviction, aussi bien en Occident qu’au Proche et Moyen-Orient, qu’Israël ne connaîtra la paix qu’une fois les droits des Palestiniens recouvrés et l’Etat palestinien instauré aux frontières de 1967 avec Al Qods-Est pour capitale. Mais Netanyahu et son cabinet de guerre d’extrême-droite n’en ont cure. Emportés par leur folie génocidaire, ils entendent raser Gaza, exterminer ses habitants et s’approprier une terre avec son histoire et son patrimoine, au mépris du droit international, des conventions et des institutions onusiennes, des dirigeants du monde entier et même de leurs « amis » occidentaux qui les soutiennent inconditionnellement dans leur guerre de vengeance contre le peuple palestinien, contre les femmes et les enfants.
Se sachant soutenu sans limites par les Etats-Unis,  Netanyahu n’hésite pas à critiquer la Cour internationale de justice et à mettre en doute ses compétences, au risque de décrédibiliser l’ensemble de la communauté internationale. Il promet d’abord de « ne pas respecter les recommandations figurant dans l’ordonnance de la CIJ du 26 janvier », puis accuse la CIJ « de jouer le jeu des Palestiniens qui cherchent une solution politique sans négociations et de mettre en péril le droit de défense d’Israël contre des menaces existentielles » en organisant des auditions publiques. Celles qui ont démarré lundi dernier, 19 février 2024, sont destinées à fournir des avis consultatifs sur les répercussions juridiques des politiques et des pratiques israéliennes dans les territoires palestiniens occupés. Ces auditions de 54 pays et trois organisations internationales sont indépendantes de la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud et devront durer jusqu’au 26 du même mois. La Tunisie n’est pas en reste, le bâtonnier de l’Ordre des avocats, accompagné d’une équipe juridique, s’est rendu à La Haye dimanche 18 février pour déposer une plainte auprès de la CIJ contre l’entité sioniste pour crimes de guerre et génocide contre le peuple palestinien. La plainte a été déposée mardi dernier.
Considérant l’immunité et l’impunité totales dont a toujours bénéficié Israël depuis sa création, beaucoup s’interrogent sur l’utilité de la plainte de l’Afrique du Sud et de tout ce branle-bas de combat juridique et ne croient pas à la probabilité d’une condamnation de l’entité sioniste ou au respect par les Israéliens d’une quelconque condamnation, si elle est prononcée, tant que les Etats-Unis protègeront Israël sans conditions. Le génocide contre la population de Gaza que l’armée israélienne est en train d’accomplir selon des plans établis et d’une manière méthodique, sans qu’aucun pays, aucun mécanisme international, aucune conscience humaine, aient pu stopper, a tué tout espoir de voir la justice vaincre la politique de la loi du plus fort et celle de deux poids deux mesures. La politique du mal. Mais pas chez les Palestiniens. Pour eux, la moindre planche de salut est à saisir pour faire face à une colonisation immorale qui a trop longtemps duré et qui est soutenue par des puissances démocratiques en mal de conscience. Cette planche est la justice internationale. Ammar Hijazi, membre du comité juridique palestinien, expliquait à Al Arabiya, le 19 février : « Ce qui se passe à La Haye est historique, cela va instituer à l’avenir un processus juridique et politique complémentaire qui aidera à la résolution de la question palestinienne sur la base de références juridiques et non de desiderata du colonisateur israélien ».
Tout en soulignant que les Palestiniens ne se font pas d’illusions sur l’attitude des Israéliens vis-à-vis du droit international et des mesures préventives annoncées par la CIJ le 26 janvier dernier, qu’ils n’ont nullement l’intention de respecter, Hijazi explique qu’une dynamique juridique et politique mondiale inédite a suivi l’examen par la CIJ de la plainte de l’Afrique du Sud pour génocide contre Israël. Les audiences en cours depuis le 19 février examinent pour la première fois la légitimité de la présence d’Israël en terre palestinienne. En outre, cette dynamique juridique et politique mondiale inhérente à l’ordonnance de la CIJ du 26 janvier, a fait qu’une plainte a été déposée aux Pays-Bas contre le gouvernement qui fournit des pièces de rechange pour les avions F-35 à Israël. Le verdict a été l’interdiction de la livraison de ce matériel à Israël. La justice a décidé l’interdiction pour non-respect du droit international et en raison des mesures préventives de la CIJ. Hijazi assure aussi qu’une dynamique juridique est en train de prendre forme également contre les pays qui militarisent Israël, des plaintes vont, assure-t-il, être déposées contre eux auprès de la CIJ. En d’autres termes, un environnement juridique et un processus judiciaire seraient en cours de mise en place qui vont, à plus ou moins long terme, favoriser une action politique sérieuse qui contraindra certains pays à cesser de couvrir les crimes de l’entité sioniste et à permettre la tenue et la réussite de vraies négociations de paix.
Ce qui se passe est important, mais il faudra s’armer de patience, le processus sera long, hargneux et des batailles juridiques devront être gagnées avant de gagner la guerre contre le colonisateur. Pour le moment, ce sont les armes qui parlent et qui décident. La résistance palestinienne donne du fil à retordre à l’armée israélienne, mais le dénouement risque de défavoriser les Gazaouis et tous les civils palestiniens qui auront payé un lourd tribut pour une nouvelle tentative de briser les chaînes de la colonisation et de recouvrer la liberté.
« Nous sommes conscients que ce qui se passe à La Haye ne va pas soudainement faire changer les avis de tous les pays et réveiller les consciences les plus réticentes et qu’Israël ne va pas appliquer les décisions de la justice internationale parce qu’il ne respecte pas le droit international et parce qu’il a une addiction aux crimes et à l’immunité, mais le recours à la CIJ permettra à plus ou moins long terme d’instaurer le droit sur la base de la justice et non de la force des avions de combat et des chars». Le Palestinien est optimiste, nous devons tous l’être.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana