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Les talibans ont décidé de coopérer pour procéder aux dernières évacuations avant le 31 août. Le calme est ainsi revenu à Kaboul, même si la situation est toujours tendue avec les forces américaines qui ont perdu treize de leurs soldats jeudi, dans l’attentat qui a fait plus de 100 morts à l’aéroport de la capitale afghane. Joe Biden a toutefois averti samedi qu’une attaque était « très probable » contre l’aéroport de Kaboul « dans les 24 à 36 heures », tout en affirmant que la frappe américaine qui a tué deux membres de l’État islamique ne serait pas « la dernière ».
Samedi, les combattants talibans remettaient les Afghans candidats à l’exil aux Américains en vue de leur évacuation. Les milliers d’Afghans rassemblés depuis des jours aux portes de l’aéroport pour prendre place sur un des vols affrétés par les Occidentaux avant le 31 août, date limite pour le retrait des forces étrangères d’Afghanistan et la fin des évacuations, n’étaient plus visibles.
Seuls les bus disposant d’une autorisation sont désormais autorisés à s’avancer. « Nous avons des listes données par les Américains (…) Si votre nom est sur la liste, vous pouvez passer », a expliqué à l’Agence France-Presse un responsable taliban près du terminal passagers civils de l’aéroport international Hamid-Karzai. « Si votre nom n’est pas là, vous ne pouvez pas passer. » Samedi, un journaliste de l’AFP a ainsi vu une dizaine de minibus ou bus de taille moyenne décharger des passagers un peu tendus devant la porte principale de l’aéroport. Il n’était pas possible de déterminer d’où venaient ces bus ni qui les avait affrétés. Les responsables et gardes talibans ne laissaient pas les passagers être interviewés.
*Les candidats à l’exil contraints de laisser leurs bagages sur place
Les hommes et femmes étaient séparés et devaient marcher chacun d’un côté différent de la rue. Dans chaque groupe, on pouvait voir des personnes tenant des bébés dans leurs bras ou des enfants par la main, dont certains semblaient oublier la réalité du moment et vivre leur départ comme une aventure. Chacun était sommé d’abandonner ses bagages et ne devait conserver que ce qui pouvait tenir dans un petit sac en plastique. « À cause de l’explosion (l’attentat de jeudi), les Américains ne les laisseront rien emmener », a affirmé un responsable taliban. « Nous leur disons de prendre leur argent et leur or dans les poches. S’ils laissent des vêtements, nous les donnerons à d’autres gens. »
Lourdement armés, des combattants talibans circulaient sur les terrains et dans les bâtiments annexes de l’aéroport, alors que des soldats du corps des US Marine les observaient depuis le toit du terminal passagers. Après vingt ans de guerre, ces ennemis étaient séparés d’à peine une trentaine de mètres, avec une vue dégagée les uns sur les autres.
Les Américains pouvaient aussi voir des membres de l’unité Badri 313, une composante des forces spéciales talibanes, dans des véhicules blindés Humvee pris sur le champ de bataille à l’armée afghane, et maintenant surmontés du drapeau blanc sur lequel est inscrit en noir le début de la chahada. Les Américains et autres pays de l’Otan avaient prévu d’évacuer les Afghans ayant travaillé pour eux ces deux dernières décennies.
Mais leurs plans pour une exfiltration ordonnée sont tombés à l’eau en raison de la rapidité de l’avancée militaire des talibans, qui sont rentrés dans Kaboul et ont repris le pouvoir le 15 août, bien plus tôt que ce que les Occidentaux avaient prévu.
*112 000 personnes évacuées depuis la mi-août
Avant l’attaque meurtrière de jeudi, revendiquée par l’État islamique au Khorasan (EI-K), des milliers de personnes avaient pris d’assaut l’aéroport pour fuir leur pays. Ces Afghans, pour beaucoup urbains et éduqués, craignaient que les talibans n’imposent le même type de régime fondamentaliste et brutal que lorsqu’ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001, malgré les promesses répétées des islamistes qu’ils ont changé et qu’ils ne chercheront pas à se venger. Quelque 112 000 personnes, afghanes et étrangères, ont ainsi été évacuées depuis la mi-août, selon la Maison-Blanche.
Un photographe de presse a reconnu un ami journaliste samedi parmi ceux qui arrivaient par bus pour être évacués. Ce dernier avait travaillé auparavant pour le service de communication de la Force internationale d’assistance à la sécurité (Isaf) et était considéré comme pouvant faire l’objet de représailles des talibans. Ils se sont enlacés brièvement avant de se séparer. « Bonne chance », se sont-ils dit, l’un restant derrière, l’autre partant vers une nouvelle vie.
(AFP)