Kaïs Saïed et le génie pour faire le vide autour de soi

«Si je suis désavoué par une majorité d’entre vous, ma tâche deviendra évidemment impossible et j’en tirerai aussitôt les conséquences»                                                                                             Général de Gaulle

Cette déclaration du Général de Gaulle à la veille du référendum de 1969 est symbolique de sa conception de la République, fondée sur le respect et la confiance des Français.
Pour lui, une impopularité présidentielle est inconcevable, parce que la mission du chef de l’État repose exclusivement sur la confiance du peuple.
Par le recours fréquent au référendum, le président de la République pose périodiquement la question de confiance à la Nation et il se retire si celle-ci est rompue.
La Constitution confie en effet des prérogatives importantes au chef de l’État mais, selon un principe, qui est le socle de toute démocratie, ce pouvoir a une contrepartie: la responsabilité permanente devant le peuple.
Contrairement à toute logique, l’institution présidentielle aujourd’hui chez nous, est prise dans l’engrenage d’une rupture toujours plus profonde avec la nation. En effet, la chute est vertigineuse si l’on prend en compte la cote de confiance au chef de l’État après un an de mandat.

Sans la confiance populaire un président est condamné à l’isolement
Selon le sondage réalisé par Emrhod Consulting, du mois d’octobre 2020 soit une année après le discours d’investiture du président, 48% des Tunisiens seulement se disent  satisfaits du rendement du président de la République, contre 58% au mois de septembre soit 10 points de perte en un mois, ( le dernier sondage d’Emrhod crédite Saïed de seulement 41% d’intentions de vote).
La confiance populaire, pour un président de la République est tellement importante qu’on l’imagine comme la courroie de transmission entre Carthage et le monde des réalités du pays et sans elle le Président est condamné à l’isolement et à l’impuissance. En effet, seule la confiance du peuple permet de légitimer l’action publique et de surmonter les intérêts particuliers et les obstacles.Il n’existe pas du tout d’autorité en démocratie ni de réforme possible en dehors de la confiance populaire.
On dit souvent que la Tunisie est un pays ingouvernable, jamais d’ailleurs il n’y a de peuple ingouvernable mais ce qu’on voit de nos jours, ce sont des chefs qui veulent gouverner sans la confiance du peuple.
Monsieur le Président, la Tunisie est tout à fait gouvernable. Oui, elle est même réformable, mais sous réserve de la confiance du peuple en ses dirigeants. Il est inutile d’édicter des normes si la confiance n’est pas au rendez-vous. Il serait même impossible de relayer les choix de société et de les faire vivre sans une confiance mutuelle

Sans une majorité parlementaire que peut faire un président ?
Le président de la République peut-il vraiment tout faire ? Non, jamais. D’ailleurs la victoire à la présidentielle est une étape nécessaire mais elle est loin d’être suffisante et les mesures promises par les candidats ne pourront être mises en œuvre que si le vainqueur obtient la majorité à l’Assemblée nationale.
Le président est chargé de nommer le chef du gouvernement mais ce rôle est conditionné à une logique politique. En clair, le président n’a pas les coudées franches et il est généralement contraint de choisir, bon gré mal gré, un chef de gouvernement de la même couleur politique que l’Assemblée nationale. Il n’y a pas d’obligation constitutionnelle à nommer un chef du gouvernement issu de la majorité à l’Assemblée mais il y a une logique institutionnelle et politique, pour que l’exécutif fonctionne, il faut que le chef du gouvernement obtienne la confiance de l’Assemblée. Donc si on a une majorité qui se dégage à l’Assemblée, il est clair que le président doit nommer un Premier ministre issu de cette majorité, sans quoi, ce serait ouvrir une crise institutionnelle alors que le président doit jouer le rôle d’arbitre du bon fonctionnement des institutions

Kaïs Saïed, un président isolé, il est même seul contre tous
La popularité en politique est fragile, trop fragile et  souvent éphémère et ce particulièrement pour le cas de notre Président vu que son élection était un « vote-sanction » contre les partis politiques en place et Kaïs Saïed incarnait aux yeux de tous l’intégrité morale.
En effet les 2,77 millions de voix, soit 72,71 % des suffrages croyaient qu’il était capable de lutter contre la corruption et de redonner espoir à tous ceux qui sont toujours exclus des fruits du développement de leur pays, sauf qu’après un an au pouvoir, on  découvre qu’il s’est bien fait isoler à Carthage.
Le Président Kaïs Saïed manque d’expérience, de soutien et de prérogatives constitutionnelles pour concrétiser son projet politique, d’abord  a-t-il vraiment une vision pour le pays !? La Constitution actuelle permet-elle au président de la République de faire autre chose que de se consacrer à la défense, à la diplomatie et à être le garant suprême de la Constitution et de l’unité de la nation ?
Mais le chef de l’État n’a fait que dénoncer et  condamner  les invisibles, les interférences extérieures, les collusions entre politiques et clans d’affaires, les chambres noires, les traîtres, les pourris et les corrompus, les comploteurs et tous ceux qui spolient l’argent du peuple.
Le président aurait dû s’approcher de certains partis politiques pour créer de nouvelles alliances au parlement pour les grands dossiers de la réforme constitutionnelle et du code électoral sur lesquels il peut compter pour affronter ses adversaires qui sont de plus en plus nombreux.

Votre politique de communication est un fiasco
La communication en politique, Monsieur le Président c’est d’abord une stratégie de séduction tellement importante pour une relation constructive. Mais vos discours, qui ne sont en réalités qu’un ensemble de mots prononcés sur un ton qui vous est propre et surtout sans aucun langage corporel, personne ne cherche à les écouter.
Permettez moi de vous signaler qu’avec cette langue que vous utilisez, une langue littéraire savante bien recherchée et difficile, vous risquez de ne pas être compris, vous parlez trop vite et c’est le risque d’être mal entendu. En plus quelqu’un qui parle vite donne l’impression d’être sous pression et par conséquent met la pression sur ceux qui l’écoutent.

*M.K Architecte

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