Kaïs Saïed face à son destin

Les décisions du 25 juillet 2021, date anniversaire de la fête de la République, ont fait entrer Kaïs Saïed dans l’histoire, celle des présidents tunisiens.  Bourguiba a mis fin à la dynastie des Beys, Ben Ali, à l’ère Bourguiba, la révolution a balayé Ben Ali et Kaïs Saïed qui met fin au règne des Ikhwanes. Les hommes d’Etat prennent des positions claires dans les moments cruciaux dans la vie d’une nation. Kaïs Saïed a glissé dans le costume présidentiel quand il a annoncé ce 25 juillet les décisions que tous les Tunisiens attendaient. Mais avec beaucoup de retard. Pourquoi a-t-il attendu si longtemps avant de répondre aux sollicitations des citoyens et aux recommandations des plus avertis et des spécialistes de tous bords ? Craignait-il la violente opposition de ses détracteurs qui ne rataient pas une occasion pour le mettre en pièces et tout ce qu’il dit ou fait ? Ou, lui fallait-il tout ce temps pour préparer son «coup» ?
Le 25 juillet 2021, la Tunisie a été engagée dans une nouvelle voie aussi sombre et incertaine que celle dans laquelle elle se trouvait avec Saïed à Carthage, Ghannouchi au Bardo et Mechichi à la Kasbah. Mais, elle était nécessaire et urgente pour mettre fin au système corrompu qui a gangrené l’Etat et la société et les menaçait de faillite et de guerre civile. Raison pour laquelle les décisions du président Saïed ont été quasi unanimement approuvées, même si la procédure constitutionnelle sur laquelle s’est basé Kaïs Saïed en activant l’article 80 de la Constitution s’est permis quelques dépassements dont l’accaparement de tous les pouvoirs.  Et sans la présentation d’une feuille de route qui trace la voie à suivre au cours de  l’étape suivante. Une situation qui a suscité des craintes à propos du devenir de la démocratie, des libertés et des droits de l’homme et qui a nourri les critiques les plus acerbes, présentant Kaïs Saïed comme un futur dictateur.
Mais Kaïs Saïed a vite fait de les dissiper en s’engageant à rétablir la marche normale des institutions de l’Etat au terme du délai fixé par la Constitution, soit 30 jours, et à garantir le respect des libertés, des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Dès lors, sera-t-il le réformateur tant espéré et celui qui aidera au redémarrage du processus démocratique et de son parachèvement ?
Aujourd’hui, une nouvelle page dans l’histoire de la Tunisie vient d’être ouverte dans le calme et l’approbation générale, hormis celle des partisans d’Ennahdha, mais le plus dur reste à faire. Les attentes des Tunisiens sont incommensurables, elles sont économiques, sociales, politiques, sécuritaires et surtout sanitaires. Les Tunisiens venus soutenir le président Kaïs Saïed devant l’ARP face aux pro-Ghannouchi ont aussi demandé le jugement de tous ceux qui ont volé et ruiné la Tunisie et les Tunisiens, la reddition des comptes qui apaisera la colère des Tunisiens qui ont été appauvris et dépourvus de tous leurs rêves et de tous leurs espoirs.
Sauf qu’il y a lieu de douter que le délai d’un mois suffira à engager toutes les réformes politiques, dont la révision de la loi électorale, et à assainir la scène politique des corrompus avant l’organisation d’élections anticipées. Il faut espérer que le président Saïed nommera rapidement un chef du gouvernement, que celui-ci formera à son tour son équipe gouvernementale aussi rapidement que possible et que l’ancienne pratique basée sur le partage partisan des portefeuilles ministériels sera définitivement abandonnée. Il faut aussi espérer que  les partis politiques et les organisations nationales s’engageront auprès du chef de l’Etat pour combattre la pandémie de la Covid-19, la corruption et la faillite économique, financière et éthique de l’Etat.
La situation en Tunisie est devenue invivable ces deux dernières années et en proie à  un «danger imminent» pour les Tunisiens. Ainsi, l’activation de l’article 80 de la Constitution de 2014 devenait-elle  imminente et la seule solution pour arrêter les dégâts, ce que Kaïs Saïed a fini par faire en cette fin de journée de célébration du 64e anniversaire de la République. A la grande joie des Tunisiens. Pourvu qu’ils ne soient pas à nouveau déçus par de faux espoirs et par la montée de nouveaux ego et de nouvelles guerres politiques.
Kaïs Saïed y joue son destin de président, d’homme politique et de citoyen intègre qui jouit de la confiance de la majorité des Tunisiens.

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