Le déplacement du président de la République, Kaïs Saïed, à Tunis ce mardi 2 février 2021 a fait couler beaucoup d’encre. Le Chef de l’État s’est, tout d’abord, offert un bain de foule sur l’avenue Habib Bourguiba, pour ensuite se rendre au ministère de l’Intérieur où il a rencontré des cadres sécuritaires et le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, qui assure l’intérim du département.
Il s’agit de deux endroits symboliques. On pourrait penser que c’était un message adressé, notamment à Hichem Mechichi. Et si c’était plutôt à Rached Ghannouchi, président de l’ARP (Assemblée des Représentants du Peuple) ? Ce dernier, rappelons-le, a attaqué Kaïs Saïed de front en affirmant que le rôle du président de la République est « symbolique », et que la Tunisie a besoin d’un régime parlementaire. En se rendant sur l’avenue Habib Bourguiba, Kaïs Saïed aurait sans doute voulu livrer plusieurs messages à son rival de Bardo.
« Le soutien populaire »
Tout d’abord, le bain de foule était une façon pour lui de montrer qu’il avait le soutien populaire. Un argument de taille qui assoit sa légitimité présidentielle. Plus encore : plusieurs citoyens ont scandé, devant le président de la République : « le peuple veut la dissolution du Parlement ! ».
Certains diraient que la sortie médiatique de Kaïs Saïed était montée de toute pièce. Dans tous les cas, sa riposte contre Rached Ghannouchi semble claire : « je dispose de quelque chose dont vous ne disposez pas : le soutien populaire qui réclame la dissolution de l’institution que vous présidez ». Une réponse sèche au « président symbolique » de Rached Ghannouchi.
D’un autre côté, la rencontre entre le Chef de l’État, Hichem Mechichi et les cadres sécuritaires au siège du ministère de l’Intérieur est un autre message visiblement adressé à Rached Ghannouchi. Probablement une manière de lui affirmer que la présidence de la République est, d’une part, soutenue par le peuple et, d’autre part, par les sécuritaires. Il existe, par ailleurs, un fait qui n’a sans doute pas échappé aux observateurs : malgré la crise sanitaire et les interdictions de rassemblements, une foule immense s’est rassemblée autour du président ce mardi…
Les institutions se déchirent
Cela montre, dans tous les cas, que la guerre des institutions fait rage et qu’elle s’est intensifiée. Le président de la République n’a pas encore reçu les nouveaux ministres qui ont obtenu la confiance de l’ARP, ce qui fait grincer les dents de Rached Ghannouchi et de ses alliés. D’ailleurs, des soutiens du Cheikh, à l’instar du controversé Rached Khiari, ont condamné la sortie remarquée du président de la République sur l’avenue Habib Bourguiba, parlant d’une mascarade. Jusqu’où cette guerre institutionnelle va-t-elle conduire la Tunisie ? L’absence d’une Cour Constitutionnelle se fait plus que jamais sentir pour trancher sur la question des nouveaux ministres. On constate, également, que les blocages du régime sur-mesure, mis en place depuis 2011, persistent… Les Tunisiens et la Tunisie sont les seuls perdants de cette guerre politique et institutionnelle sans merci qui frôle parfois le ridicule.
Fakhri Khlissa