Kalthoum Kannou, la juge qui briguela Magistrature suprême !

À J-3, elle est la seule femme à se présenter à l’élection présidentielle, Kalthoum Kannou, se jette dans la bataille ! Forte d’une longue carrière dans la magistrature et d’une expérience au sein de l’Association des magistrats tunisiens, cette femme au visage avenant, mariée et mère de trois enfants, croit dur comme fer en ses chances. Elle martèle très souvent que «sa candidature est un message fort pour tous ceux qui cherchent à tirer le pays vers le bas et à faire régresser la situation de la femme tunisienne». Nous l’avons rencontrée au cœur de sa campagne. Entretien. 

 

Supposons que l’on ne vous connaisse pas. Comment vous présenteriez-vous ?

Je suis une citoyenne tunisienne qui porte le nom de Kannou Kalthoum. Elle a un passé qui l’honore et qui honore les Tunisiens. Elle a le pouvoir de faire entendre sa voix pour défendre les droits humains, de défendre celles et ceux qui ont subi des injustices sociales et politiques.

À l’heure de cet entretien, une rumeur concerne votre désistement au profit de Hamma Hammami. Quelle est votre réaction ?

Je suis si surprise de l’audace de certains ! Comment osent-ils véhiculer de telles balivernes n’ayant aucun fondement ? Cette fausse info, au contraire, ne peut que causer du tort au candidat Hamma Hammami. Jamais l’idée d’un désistement ou le soutien d’un candidat n’a effleuré mon esprit. À ce jour, je suis avec mon équipe encore en pleine campagne.

Et dans cette campagne vous êtes en compagnie de votre époux, ce qui est si rare chez les autres candidats où le conjoint est invisible.

En ce qui me concerne, mon mari me soutient depuis le début de la campagne, il m’accompagne dans les régions du pays, c’est lui qui conduit notre voiture personnelle lors de mes déplacements. Il est venu spécialement de l’étranger pour me soutenir. Il s’implique beaucoup avec le comité d’organisation de ma campagne.

Votre avis sur le gouvernement actuel ?

C’est un gouvernement qui n’a pas trop duré. Il a pu malgré tout instaurer un climat sécuritaire et endiguer plus ou moins le terrorisme. Il a su également faire aboutir, dans de bonnes conditions, les élections législatives tout en continuant à travailler pour réussir la présidentielle. Ce n’est pas peu et je ne peux dire que ce gouvernement a échoué, il a pu assurer le strict minimum.

Êtes-vous toujours outrée par la présence des candidats de l’ancien régime ?

Je suis une personne qui n’aime pas exclure et je n’exclus personne. Même si chacun a le droit de se présenter, ce qui me dérange c’est l’image de ces candidats. Si j’étais à leur place, j’aurais la décence de ne pas me présenter, au moins pas dans l’immédiat, d’attendre un peu, au moins quelque temps. J’attendrais que les Tunisiens passent à une autre étape… Il est vrai que leurs candidatures sont dérangeantes actuellement.

Vous avez toujours eu une grande admiration pour Farhat Hached. Son fils a été candidat. Avez-vous la même admiration pour lui ?

Cela n’a rien à voir. Il ne porte pas les mêmes valeurs que son père et puis il n’a pas le droit d’exploiter l’histoire de son père qui ne lui appartient pas. Farhat est un martyr de tous les Tunisiens, pas uniquement de son fils.

Vous avez dit un jour «je veux gagner, il faut que je gagne, je peux gagner», cette citation est-elle toujours valable ?

Ma conviction n’en est que plus forte !

Si vous n’étiez pas candidate, quel candidat vous soutiendriez-vous ?

Je ne peux pas vous le dire.

Mais vous avez certainement un candidat en tête !

Effectivement, j’en ai un en tête : Kalthoum Kannou !

On sait que vous n’appartenez à aucun parti politique, mais peut-on connaitre votre orientation idéologique ?

Si aujourd’hui je me suis permise de me présenter à l’élection présidentielle, c’est parce que justement je n’appartiens à aucune tendance. La Tunisie a besoin de quelqu’un qui puisse rassembler et non d’une idéologie qui la divisera. Un président est quelqu’un qui appartient à un peuple et non à une idéologie ou à un parti. Là, surgit ma force, car je suis indépendante.

Vos priorités une fois présidente ?

Le dossier de la sécurité, même si elle est du ressort du chef du gouvernement. Mais elle c’est une notion qui est encore plus large, car il s’agit également de l’armée, de la douane… Je me rapprocherai des gens, de leurs soucis, j’essaierai de trouver des solutions pour éradiquer le chômage, le terrorisme. La santé est aussi capitale et c’est une priorité. Dans beaucoup de régions visitées les traitements basiques ne sont pas disponibles, que dire alors des traitements des maladies plus graves ? Il faut faire déjà la lumière sur ces différents dossiers urgents.

Mais le président tunisien n’aura pas le pouvoir absolu !

Un président peut dire non et peut être un contre-pouvoir !

Parlez-nous de votre proche famille.

Je suis maman de trois enfants. Ma fille ainée vient à peine de se marier. Elle est diplômée IHEC à la recherche d’un emploi depuis longtemps. Mon deuxième fils est encore étudiant et le troisième est un lycéen de 16 ans. Ils font partie de l’équipe de ma campagne.

Ils iront voter dimanche prochain ?

Bien évidemment ! Comme d’ailleurs pour les législatives, on a voté tous ensemble.

Ils vont voter pour le N° 3 ?

D’après vous ?

On ne sait jamais !

D’après vous, les Tunisiennes voteront Kalthoum Kannou ?

En tous les cas, des hommes et beaucoup de femmes me soutiennent.

Une fois élue présidente de la République, votre premier coup de fil sera pour qui ?

Sans hésiter pour ma mère qui est souffrante. Je lui offrirai cette bonne nouvelle. Mon second coup de fil sera dédié à la famille d’un martyr dont je tairai le nom. Cette famille m’aura soutenue jusqu’au bout. Je leur dirai que le sang de leur fils ainsi que celui de tous les autres martyrs n’aurait pas été versé pour rien.

Vous penserez à vos enfants ? À votre fille ainée qui est au chômage ?

Ma fille est en train de passer encore des concours pour décrocher un emploi. Je peux vous assurer qu’elle ne sera pas favorisée, elle ne profitera pas de la position de sa mère. Lorsque son tour viendra, elle travaillera comme tous les autres.

Et votre époux qui s’investit sans répit dans votre campagne présidentielle, sera-t-il convenablement remercié ? Dans le bon sens évidemment !

Mon mari n’attend rien de moi ! Il était militant au temps de Bourguiba et ses idées l’ont poussé à s’exiler en France où il a continué ses études de médecine. Aujourd’hui, il a déjà sa place et il y tient. Il est médecin à Lyon. Il continuera à s’occuper de ses malades !

Cela nous rappelle étrangement un président provisoire actuel, médecin et dont l’épouse qu’on ne voit jamais réside en France…

Mon mari est souvent avec moi et ne peut supporter de rester plus d’un mois sans venir en Tunisie. Cela n’est pas comparable !

Certaines radios privées se moquent des différents candidats et surtout de leurs affiches. On s’est moqué également de la vôtre en la comparant à une pub pour du shampooing. Comment avez-vous réagi ?

J’en ai beaucoup ri et j’ai trouvé cela très sympa.  Sauf que je voudrais dire à «Mégalo», l’auteur de cette réflexion, que je ne passe pas des heures et des heures dans un salon de coiffure. Il me faut à peine 20 mn.

Les promesses sont-elles toujours réalisables ?

Certaines promesses peuvent être réalisées dans l’immédiat. D’autres peuvent l’être dans le futur proche et d’autres à long terme. L’important, c’est que l’on tienne parole. Ce que je refuse, ce sont les fausses promesses, les slogans vides et les paroles en l’air.

Un message aux Tunisiens pour conclure ?

Espérons que les prochaines élections, qui voient pour la première fois dans l’histoire tunisienne la présence d’une femme dans la compétition, soient un modèle phare pour la Tunisie comme nous l’avons tous rêvée lors de la Révolution. Que notre dignité et notre liberté soient les valeurs de la Tunisie de demain. Bâtissons tous ce rêve !

Le rêve est permis !

 

Propos recueillis

 par Nadia Ayadi

 

Related posts

Affaire du complot contre la sûreté de l’État : Unimed réagit au jugement contre Ridha Charfeddine

Port de La Goulette : arrestation de six mineurs lors d’une tentative de franchissement illégal des frontières

Sousse accueille une croisière française avec 165 passagers à bord