Entretien conduit par Nadia Ayadi*
Il avait gentiment accepté de se confier exclusivement à Femmes de Réalités malgré plusieurs refus de réapparaître ou d’être sous les projecteurs. À 42 ans à peine, Karim Gharbi n’a jamais été aussi délicat et aussi élégant dans son corps et dans sa tête. Pas même lors de son mariage en 2019 avec Nesrine, la troisième des filles de l’ex-président Ben Ali, dont il s’est séparé depuis.
Il compte restaurer les écoles et les lycées, bases de toute éducation et les établissements hospitaliers, base de tout bien-être physique et psychologique mais laissés de plus en plus à l’abandon. Des objectifs louables, d’autant que les infrastructures d’éducation et de santé du pays sont particulièrement délabrées, faute de budget et d’entretien.
Ce natif de Ksar Saïd semble de plus en plus prendre goût à la bonne cause de son pays. Notons également qu’il a été désigné ambassadeur de bonne volonté par l’ONU en 2017.
Une nomination qui n’a pourtant pas été suivie d’actions référencées ou rendues publiques par l’organisme, même si Karim Gharbi n’est pas à sa première action en Tunisie. « J’ai envie de reconstruire cette patrie », lance-t-il du fond du cœur. Une véritable volonté de pallier les défaillances de l’État. Parti de rien, il s’est aussi construit tout seul et s’impose aujourd’hui en vrai homme d’affaires dans le monde.
A Paris à 15 ans, il signe avec EMI France puis Virgin Middle East. Reconnu comme une bête de scène, il a été nominé dans la catégorie meilleur artiste du Moyen-Orient au MTV Awards et a reçu le prix du meilleur rappeur du Moyen-Orient.
L’émission « Urban fen », qu’il a animée sur Hannibal TV, lui a donné une importante visibilité dans le monde arabe. Mais s’il a essentiellement évolué artistiquement dans les pays du Golfe et la péninsule arabique, il n’a jamais perdu de vue la Tunisie. Réputé comme homme à femmes, il n’en est rien en réalité.
Après s’être marié avec Nesrine Ben Ali dont il a fait tatouer le prénom sur sa main, il a noué aussi des amitiés avec des célébrités dans différents domaines. L’homme n’a que faire des ragots et dans notre entretien exclusif, il se confie sans masque ni gants.
Karim Gharbi ou K2 Rhym, qui êtes-vous vraiment ? De simple rappeur national autodidacte, de famille modeste, à une notoriété internationale faisant partie des hommes d’affaires les plus importants. Quel est le secret de cette fulgurante réussite?
Karim El Gharbi est un citoyen tunisien avant toute chose … mais j’aimerais rectifier un détail dans votre question et surtout le terme « simple rappeur » ! Un rappeur, c’est loin d’être simple !
Un jeune qui prend son courage à deux mains pour créer n’importe quelle chose, qu’elle soit une réussite ou un échec. Il a eu le courage d’affronter un public, des jugements et des préjugés. Il est par conséquent loin d’être simple ! Je tiens à le préciser, car je tiens à ne pas occulter mon passé ni le cacher. Au contraire, j’en suis fier et c’est sans doute une étape qui a contribué à ma réussite (si vous le dites), car elle m’a appris tellement de choses. Il n’y a aucun secret ni de formule magique de réussite.
Les gens ont tendance à voir le résultat sur le papier glacé dans de belles photos, mais chaque réussite résulte d’un travail acharné, de concessions à foison et d’une opiniâtre volonté ! Il faut surtout y croire, tenter et retenter sa chance chaque jour que Dieu fait. Il faut savoir se relever quand on tombe et considérer que l’échec est lui-même un diplôme d’apprentissage pour ne plus refaire les mêmes erreurs. Vous voulez en connaître le secret ? Le voilà !Et il est très accessible. Il suffit d’y croire.
Vous paraissez un modèle pour les jeunes…
Si je suis un modèle pour les jeunes comme vous le dites, j’aimerais leur inculquer ces valeurs dans tous les domaines. Croyez en vous, osez et n’ayez jamais peur de l’échec.
Où vivez-vous aujourd’hui exactement ?
Je vis entre Tunis, Dubaï et Paris. Je me considère comme citoyen du monde, mais avec des racines tunisiennes bien ancrées dans ma tête et dans mon cœur.
Devant un état des lieux en Tunisie avec un bilan qui est ce qu’il est, quelle serait à votre avis la priorité dans une telle situation ?
Est-ce que le bilan est vraiment dressé ? Je ne le crois pas ! Un bilan ne se résume pas en chiffres, ni en équilibres comptables. Le constat le plus grave est ailleurs. On est en train de vivre une lutte pour le pouvoir qui dure depuis onze ans. Il nous faudrait sans doute une interview entièrement consacrée à ce sujet pour dresser un bilan.
Mais je vais essayer d’être concis pour vous présenter les priorités.
La première serait l’union sacrée pour le bien du pays et non pour le pouvoir.
Le pays est arrivé à cet état de fait non seulement à cause de la mauvaise gouvernance de ceux qui sont au pouvoir, mais aussi à cause de la mauvaise foi de leurs opposants.
Loin de moi l’idée de vouloir dénigrer tout le travail politique et les acquis de toutes ces années, mais je pointe du doigt et j’accuse les dirigeants politiques de mauvaise foi et je l’assume !Je les somme de prendre du recul et de songer au moins à sauver ce qui reste à sauver, en créant une conscience collective positive pour sortir de ce marasme.
Cela est possible, non pas par la diabolisation des ennemis politiques mais par des idées constructives. La solution est par conséquent avant tout culturelle et intellectuelle.
Viendra-t-il un jour où la Tunisie pourrait ressembler à Dubaï ?
Et l’exception tunisienne, on en fait quoi ? Cette exception qui a fait la force de ce peuple de titans, la beauté de ce pays, sa situation géographique ses formes, son odeur, son peuple …
Dubaï et les Emirats arabes unis sont un pays extraordinaire. Pour moi, la conscience collective de leur peuple a exaucé le vœu du père fondateur de cette nation.
Il avait réussi à tirer vers le haut les citoyens. Je ne crois pas aux copies. Je crois à l’exception de chaque peuple, sa culture et sa volonté d’évoluer. Je voudrais que la Tunisie évolue selon son exception et sa culture. Le résultat pourrait vraiment surprendre le monde.
Vous êtes aujourd’hui un véritable homme d’affaires. Quels seraient les grands axes d’une bonne stratégie pour le pays et vos idées pour sortir du marasme économique ?
Un seul mot d’ordre : libérer les énergies, arrêter le système des licences, des autorisations, laisser les jeunes travailler en toute liberté à l’échelle nationale et internationale, valoriser l’initiative privée et encourager l’émergence d’une nouvelle classe d’entrepreneurs.
Le monde est devenu un village où il faut s’ouvrir, découvrir d’autres cieux et sortir du diktat des modèles préétablis imposés par les institutions financières, essayer de tirer le maximum de profit pour le pays et non pour le taux d’intérêt.
On dit que l’essentiel de votre fortune a été construite grâce au bitcoin. Comment est venue cette idée ?
L’idée m’est venue presque par hasard au début. Je l’ai développée ensuite et je n’ai pas eu peur d’échouer …En effet, suite à un deal avec une société, mon client a tardé à régler sa facture et a préféré me régler en bitcoin au début. J’ai cru avoir été victime d’une arnaque. A l’époque, personne ne connais sait ni de près ni de loin la blockchain et le bitcoin.
J’imagine que même le payeur ne croyait pas trop en cette monnaie et qu’il avait juste voulu régler une dette de la manière la plus facile et la plus rapide. Avec le temps, le bitcoin a commencé à prendre de la valeur.
A force de m’impliquer, je n’ai pas arrêté de faire des recherches, de me documenter, de lire et d’apprendre sur les fluctuations du marché. Un jour, on m’a proposé le triple de la somme. J’avais bien évidemment refusé et j’ai commencé à réinvestir.
Avez-vous des ambitions politiques ?
Tout le peuple tunisien a des ambitions politiques de près ou de loin ! Je n’irais pas par quatre chemins. Je suis un citoyen tunisien et je n’économiserai aucun effort pour servir mon pays dans le cadre de mes droits et dans le cadre de la légalité.
Une journée type de Karim Gharbi ?
Pour moi, la journée d’un jeune entrepreneur commence par le sport. La forme physique aidant, cela me permet d’avoir les idées plus claires. Je me livre ensuite à mes activités quotidiennes : travail, suivi et surtout veille stratégique des actualités boursières, financières et bien sûr, suivi de l’actualité de mon pays. Je reste collé à mon smartphone à l’affût des informations. Il faudrait savoir que les Tunisiens vivant à l’étranger prennent l’actualité tunisienne très à cœur.
Nous savons que vous êtes un fan de foot. Quelle est votre équipe préférée à l’échelle nationale et hors frontières ?
Je ne vais pas donner l’impression d’avoir la langue de bois pour dire comme certains que je suis fan de l’équipe nationale et que je n’ai pas de préférences …Oui, je suis fan de l’équipe nationale comme tous les Tunisiens, mais je suis aussi stadiste dans l’âme et fier de l’être. J’ai aussi une équipe de cœur : le COT, une grande école de vie et de football. Je souhaite qu’elle redore au plus vite son blason. Hors frontières, je n’ai vraiment pas de préférence mais j’aime le beau jeu.
Avez-vous encore des relations avec la famille Ben Ali ? Quels sont les enseignements que vous en tirez ?
J’ai toujours des relations avec la famille Ben Ali. Je les assume ainsi que toutes mes autres relations …
Les enseignements sont réciproques. Beaucoup de respect partagé. Un vécu qui fait partie de mon histoire. J’ai beaucoup appris du défunt président. Beaucoup de faits biaisés et de contrevérités m’ont été révélés.
Pourrions-nous les connaître ?
Je ne peux que les garder pour moi et moi seul. Cela m’a permis d’ouvrir les yeux sur beaucoup de choses. Je suis un homme qui respecte les valeurs et les codes. J’avais promis de ne jamais rien dévoiler. J’ai donné ma parole que je tiendrai toute ma vie.
Quelles sont les stars que vous avez invitées ?
Pour promouvoir l’image mon pays, je ne manquerai aucune occasion pour inviter quelqu’un qui rayonne à l’international.
Certains vous ont critiqué en ramenant Ronaldinho. Ils ont estimé que vous avez travaillé plutôt votre image que celle de la Tunisie. Qu’en pensez-vous ?
Je ne peux que leur demander d’en faire autant ! Ramenez-vos amis en Tunisie et bossez sur son image. Le pays en sera l’unique bénéficiaire.
Je ne voudrais pas entrer dans la polémique, ni riposter, mais malgré tout, je ne raterai aucune occasion pour promouvoir l’image de mon pays. Je soumettrai la personnalité sous la gestion des autorités comme je l’ai déjà fait avec Ronaldinho.
Mais si jamais il n’y a aucune réponse des responsables, que dois-je faire ? Laisser la star se promener seule en taxi ? Arrêtons ! Il y’a un minimum de logique et de logistique à mettre en œuvre !
Certains jeunes s’identifient à vous. Ont-ils raison ?
Je demande aux jeunes de croire avant tout en eux et de s’identifier à eux-mêmes. Le génie existe dans chaque jeune Tunisien. Pour les génies en herbe, je serai là pour eux, pour les orienter, leur transmettre mon savoir-faire s’ils veulent.
Comment feront-ils pour vous rencontrer?
L’année 2023 sera consacrée pour les rencontrer, pour les écouter et pour essayer de les aider avec ma propre expérience ou en invitant des experts dans différents domaines et ce, dans le cadre de conférences thématiques.
Pourquoi ne pas médiatiser vos très importantes actions humanitaires dans le monde et en particulier en Tunisie ?
J’ai même pris la décision de les occulter. Je veux juste laisser le fruit de mon travail parler de lui-même.
Certains vous critiquent en soutenant que vous êtes plutôt en train d’embellir votre image…
Ces critiques cachent la véritable action sur le terrain. Une déviation de l’opinion publique se fait au lieu de dévoiler le cœur du problème et la galère des défavorisés en Tunisie.
Vous êtes un fervent défenseur de la cause féminine. Vous la soutenez fortement, qu’elle soit rurale ou urbaine. D’où vient cette fibre ?
La femme est la première école de la vie.
Malgré une tradition et des acquis dus au militantisme de Tahar Haddad, aux principes inculqués par le leader Habib Bourguiba et les différentes figures tunisiennes à travers l’histoire, la femme tunisienne a encore un long parcours devant elle. Il ya une fausse parité entre la femme et l’homme en Tunisie. Cette parité doit être effective et institutionnalisée. Je vais peut-être vous étonner, mais je suis contre un ministère de la Femme. Pour moi, c’est réducteur si on tient à la considérer comme égale à l’homme.
Je propose par contre, une institution constitutionnelle pour la parité et une autre (économique) pour la femme rurale. Cette dernière est une véritable génératrice de richesse, hors des sentiers battus de la capitale.
Comment faites-vous pour séduire également autant de femmes, de la plus modeste à la plus nantie, de la comédienne à la journaliste jusqu’à la fille d’un chef d’Etat ?
C’est la seule question à laquelle je ne pourrais pas répondre. Il faudrait sans doute leur poser à elles la question…
Une petite recette au moins ?
Il n’y a aucune recette ! Chaque histoire a son charme, sa folie et chaque femme a son secret et sa beauté. Parfois, je séduis et parfois je suis séduit …
Toutes ces femmes si différentes n’ont dit que du bien de vous après la séparation. Quel en est le secret ?
Le respect ! Un seul mot, le respect.
Et pour vous, quelle serait la femme idéale ?
Question difficile ! Ce serait celle qui me rassure, celle avec qui je voudrais finir mes. Celle dans les bras de qui je voudrais mourir!
Aujourd’hui, votre cœur est libre de tout engagement. Pensez-vous au mariage ?
Comme chaque célibataire équilibré, je pense bien évidemment au mariage.
La majorité des Tunisiens est déçue de tout. Qu'est-ce que vous leur dites ? Quel serait votre message ?
Ayez de l’espoir, soyez maîtres de vos choix et ne laissez surtout personne vous voler votre pays.
L’exercice de la démocratie est le plus grand acquis de cette décennie. Ne la gâchez pas par des choix instinctifs ou idéologiques. Suivez l’appel de la raison.
*Rédactrice en Chef de Femmes de Réalités