Avons-nous perdu notre souveraineté sur nos territoires du sud ? Au profit de qui ? Qui en est à l’origine ? Peut-on reconquérir nos terres ? Est-il trop tard ? A quel prix cette reconquête se fera-t-elle ?
Autant de questions qui, de prime abord, paraissent totalement dénudées de tout bon sens, et qui pourraient même être considérées comme subversives, voire totalement déraisonnables. Sauf que, voilà l’observation des faits, de la réalité des événements et des éléments sociaux de nos régions du sud, mènent, à juste titre, à un juste questionnement.
Ainsi, quels sont les éléments constitutifs de la souveraineté ? Au sens juridique du terme et au sens le plus commun, la souveraineté s’exprime à travers l’exercice par l’État de l’autorité reconnue sur une région et notamment par son organe le plus visible, que sont les services de sécurité, les services administratifs, les services publics et le contrôle territorial.
Ces éléments de la souveraineté sont les plus communs et les plus visibles, sauf que ce sont aussi les éléments les plus fragiles et les plus faciles à remettre en cause. La souveraineté réelle d’une nation sur une région n’a de sens et ne peut être solide que par la reconnaissance profonde et forte de l’appartenance de sa population à la nation.
Rappelons nous, au début de l’année 2011 et durant les années qui ont suivi, les différentes tentatives de taillader la nation en régions, puis en tribus; toutes furent vouées à l’échec, non pas grâce à l’autorité et à la force administrative, mais bien grâce à la cohésion de la population, à son sentiment profond de faire partie d’une nation unique et son rejet de toute zizanie entre ses membres. Aujourd’hui ce qui se passe dans les régions du sud pousse inéluctablement vers la perte de souveraineté de la nation (et non pas de l’ETAT) sur ces régions, avec le risque ou plutôt la stratégie non avouée de scinder cette région du reste du pays.
Alors analysons les éléments suivants :
- Qui offre des emplois dans ces régions ?, qui paie de confortables salaires ?
- Qui fait en sorte que toutes les opportunités d’emplois et tous les centres économiques soient systématiquement bloqués et fermés ?
- Qui détient les règles de mobilisation de la population ?
- Qui concentre la richesse, la liquidité et les devises ?
- Qui exerce sa souveraineté sur les pouvoirs administratifs locaux et accessoirement sur les corps de contrôle et répression de la fraude ?
- Qui finance et soutient les hommes politiques locaux et leurs partis ?
Lorsque la population ne vit plus et ne subsiste plus à travers les rouages classiques, transparents et réglementés de la nation et que cette dernière, est incapable de leur fournir la protection et le subside, Cette population se retrouve totalement dépendante d’un système parallèle qui se substitue à l’État.
Le système parallèle montre sa force et met en avant son autorité sur la région, en s’attaquant aux tentatives de la nation (supposée souveraine), d’activer des pôles économiques, de proposer des d’emplois et de créer de la richesse équitable. Le système mafieux de contrebande, de trafic et de financement du terrorisme, s’attaquera en premier lieu à la destruction du tissu économique créateur d’emplois et s’opposera à tous ceux qui pourrait en créer, puis aux infrastructures publiques et tout ce qui permet de servir les citoyens et améliorer la qualité de leur vie et enfin aux services publics de sorte que la population soit isolée, mais et surtout retournée contre l’État, qui apparaît comme les ayant abandonnés.
Pour schématiser, imaginons une petite région, où un groupe mafieux qui décide de prendre le pouvoir et d’asseoir sa totale souveraineté à la place de l’Etat. La première étape, sera de provoquer des grèves et le blocage des centres économiques, diminuant, de fait, la capacité d’employabilité de l’économie locale et créer ainsi, le plus de chômage possible ; en second lieu, installer, petit à petit un commerce parallèle qui recrute les chômeurs, ensuite s’attaquer à toutes les résistances (brûler la Poste pour que les fonctionnaires se retrouvent au chômage, attaquer la police et les douaniers qui ne collaborent pas, raquetter le boulanger, fermer le supermarché, etc..) et continuer à offrir, emplois, salaires et protection à la population qui finit par travailler pour le groupe mafieux.
A la fin de cette première phase en deux étapes, toute la population devient membre du groupe et tributaire de son travail, les autorités locales n’ont plus le contrôle que sur les signes extérieurs de souveraineté (et encore), le groupe s’enrichit et remplace l’État et la nation. Toute tentative de reprise en main par la force se heurte à la population, plus aucun investissement, ni entreprise, ni administration ne peut fonctionner que sous la coupe du groupe et même les organes administratifs finissent par céder. Voici comment la ‘petite région’ devient indépendante, le drapeau restant le dernier élément à changer.
Faisons un parallèle avec nos régions du sud et nous voyons comment nous avons totalement perdu la souveraineté sur ces territoires. Aujourd’hui pour un groupe terroriste armé qui se cherche une base régionale de repli, quoi de plus simple que de conquérir un territoire qui dépend déjà entièrement de son système ? La nation, ayant perdu la souveraineté populaire, ne pourra compter que sur sa force brute pour se battre contre une autre force armée à laquelle il faudra ajouter les soutiens que le système mafieux a eu le temps de mettre en place au centre même du pouvoir de l’État.
Le coup d’essai de Médenine en 2013 n’a permis au système mafieux, que de tester le niveau de perte de souveraineté et mettre en exergue la nécessité de continuer le travail de transfert de la population vers le système de l’économie mafieuse. Les coups suivants ont consolidé la faiblesse de l’État et surtout la connivence des politiciens.
Le test de Tataouine et de Rémada sont, en fait, le début du processus final de prise de contrôle total en impliquant cette fois l’armée. Le prochain coup sera mieux élaboré et il se prépare déjà. Les extrémistes et les frères musulmans de Tunisie, sont obligés de préparer un plan de secours, du fait que la population et la situation politique nationale et internationale se retourne contre eux. La déstabilisation du sud est l’un des éléments clefs qui leur permettra d’affaiblir l’État, de soutenir leurs frères en Lybie et d’asseoir le soutien de leurs frères turcs en Afrique du Nord.
En analysant cela, nous comprenons mieux pourquoi, autant de grèves sans raisons, autant d’arrêts de travail et de blocages inopinés, inexpliqués et sans raisons, pourquoi détruire les secteurs à forte employabilité (tourisme, transport, services, énergies, mines, etc…) et surtout pourquoi autant de pressions politiques, médiatiques et associatives, chaque fois que les circuits économiques de contrebande et de réseaux parallèles sont attaqués.
‘Plus il y a d’employés au chômage, plus il y aura de la main d’œuvre pour les réseaux mafieux ; et plus il y aura de contrôle de la population et plus il y aura de perte de souveraineté.’
Comme tout réseau mafieux, le système s’étend très rapidement aux arcanes du pouvoir politique central, en installant des infiltrés (des barons devenus hommes d’affaires) ou en s’offrant les services de politiques, d’élus, des acteurs de la société civile, des syndicalistes, des leaders d’opinions, des journalistes, des hommes de culture et des administrateurs, tout cela à faible coût (tout est relatif).
Si nous ne comprenons pas que combattre fortement, et fermement, la contrebande, la corruption, le système mafieux au plus haut niveau pour reprendre le contrôle des services publics et économiques sur notre territoire, est aujourd’hui la plus grande des priorités, afin de garder l’unicité de la souveraineté nationale, nous n’aurons rien compris et nous allons tout perdre.
Enfin de grâce, épargnez nous les discours parlant d’exclusion et de discrimination. Tout ce qui pourra être transféré dans ces régions en volume de financements et de projets, ne verra jamais le jour et l’argent public ira conforter le système mafieux. Car le système ne permettra pas que l’État reprenne le contrôle de la croissance et par-delà la souveraineté. Ceux qui prônent l’intégration du système en discutant avec les barons et les trafiquants, n’ont pas compris que c’est exactement ce que souhaite le système en établissant un pont avec le pouvoir central à travers ses pseudos élites, pour prendre le contrôle des rouages de l’État central. Apprenez les leçons de ce qui s’est passé et continue encore aujourd’hui ailleurs. Rappelez vous le sud de l’Italie il y a à peine 30 ans, rappelez vous la bataille de l’État et la guerre contre la Mafia, rappelez vous jusqu’où le système était parvenu (la Coupola, le premier ministre historique italien), rappelez vous que celui qui essaye de jouer avec les systèmes mafieux, finit toujours par perdre, rappelez vous que l’Italie en était arrivé où les provinces du Nord voulaient se séparer du Sud, rappelez vous le prix qu’a payée l’Italie pour combattre le système mafieux.
La Tunisie n’est pas tombée, car sa structure sociale jusque là était forte, son héritage républicain parfaitement ancré, son intégration économique solide et sa tradition administrative ancienne. Aujourd’hui la leçon a été comprise par le système mafieux et depuis cinq ans toute une stratégie à été mise en œuvre pour déstructurer, fragiliser, détruire toutes les assisses de ce qui à fait la force de la nation.
Le sud sous-peuplé, riche avec un potentiel de diversification économique très important, vaste mais aride, avec une structure sociale particulière, est le territoire idoine pour le système mafieux et sa conquête de souveraineté. Il suffira ensuite de remonter vers le Nord à travers les structures politiques du pouvoir, comme en Italie dans les années 80 à 2000, et cela a déjà commencé avec certains qui sont au parlement représentant des partis.
Si rien n’est fait en urgence, la prise de contrôle territoriale se fera bientôt avec l’arrivée ‘d’une armée aguerrie’ et opérationnelle (nos enfants, filles et garçons qui nous rappellent notre jeunesse de retour de leur stages professionnel en Syrie et en Irak). La situation en Libye et les enjeux internationaux chez nos voisins, font du sud de notre pays un territoire stratégique pour les terroristes. Les terroristes et les mafieux font généralement bon ménage (il suffit de voir comment en Afghanistan AL Kaida, les talibans et les trafiquants mafieux vivent en harmonie).
J’espère que nous nous trompions, ce serait autrement moins grave que si nous avions vu juste.