La BCT autorisée à financer le budget de l’État: quelles conséquences ?

La décision du Parlement tunisien d’adopter un amendement autorisant le financement direct du budget de l’État par la Banque centrale de Tunisie a suscité un débat animé quant à ses implications sur l’indépendance de l’institut monétaire et la stabilité financière du pays. Cette mesure, bien que présentée comme une solution aux déficits budgétaires croissants, soulève des inquiétudes quant à son impact sur l’économie et les réserves en devises.

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a approuvé, mardi 6 février, un amendement qui suscite des préoccupations quant à l’indépendance de la Banque centrale de Tunisie et à l’équilibre financier du pays.
Cette réforme, adoptée par une majorité à l’Assemblée des représentants du peuple, permet à la Banque centrale de Tunisie d’accorder un financement direct au budget de l’État. L’amendement autorise la BCT à prêter jusqu’à 7 milliards de dinars (environ 2 milliards d’euros) à l’État, sans intérêts, remboursables sur dix ans, avec une période de grâce de trois ans.
Le gouvernement prévoit initialement de contracter un prêt de 3 milliards de dinars (environ 885,27 millions d’euros) pour couvrir une partie du déficit budgétaire de l’exercice 2024, arguant que les ressources propres de l’État sont insuffisantes pour couvrir ces dépenses.

Une mesure temporaire…
Malgré les assurances du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane Abassi, quant à l’impact limité sur l’inflation, qui est estimée à près de 8% en Tunisie, les retombées de ce prêt sur les réserves de devises méritent une analyse approfondie.
En effet, l’emprunt autorisé par le Parlement pourrait entraîner une réduction significative des réserves de devises du pays, avec une diminution attendue à l’équivalent de 14 jours d’importation. Cette diminution pourrait potentiellement fragiliser la position financière de la Tunisie sur les marchés internationaux et affecter sa capacité à répondre aux fluctuations des taux de change.
Ceci est encore vrai, à l’heure où les réserves de devises jouent un rôle crucial dans la stabilité économique d’un pays, fournissant une protection contre les chocs externes et garantissant la solvabilité sur les marchés mondiaux. Une réduction de ces réserves pourrait donc compromettre la capacité de la Tunisie à faire face à d’éventuelles crises économiques ou à maintenir sa crédibilité financière auprès des investisseurs étrangers.
Par conséquent, bien que le gouvernement puisse considérer cet emprunt comme une mesure temporaire pour combler le déficit budgétaire, il est impératif de surveiller de près ses effets à long terme sur les réserves de devises et la stabilité économique du pays. Des politiques monétaires et budgétaires prudentes et transparentes seront essentielles pour atténuer les risques potentiels et maintenir la confiance des marchés financiers.

28,4 milliards de dinars en crédits
Sur un autre plan, le budget de la Tunisie pour l’année 2024 prévoit une mobilisation de crédits d’un montant total de 28,4 milliards de dinars. Parmi ces fonds, environ 16,4 milliards de dinars sont destinés à être obtenus par le biais d’emprunts étrangers. Cependant, l’accès à de nouveaux financements s’est considérablement compliqué après que le Fonds monétaire international (FMI) ait placé la Tunisie sur sa « liste négative » pour la première fois depuis son adhésion en 1958.
Les raisons de cette inclusion sur la liste négative du FMI sont liées à des retards dans les consultations et les réformes nécessaires au redressement économique du pays. En effet, le FMI souligne la nécessité pour les autorités tunisiennes de s’engager fermement dans un programme de réformes structurelles. Ces réformes visent notamment à restructurer les entreprises publiques surendettées, qui pèsent lourdement sur les finances publiques, et à réduire les subventions sur certains produits de base.
Et dans l’état actuel des choses, la situation économique de la Tunisie est critique, et l’urgence d’une action efficace se fait de plus en plus ressentir. Les réformes proposées par le FMI sont essentielles pour rétablir la confiance des investisseurs, renforcer la résilience de l’économie tunisienne et garantir sa viabilité à long terme. Cependant, leur mise en œuvre pourrait être confrontée à des défis politiques et sociaux, nécessitant un consensus national pour surmonter les obstacles et ouvrir la voie à une croissance économique durable.
À l’heure actuelle, le gouvernement tunisien justifie cette décision comme une réponse nécessaire à des besoins financiers urgents. Mais cette affaire soulève toujours des préoccupations légitimes quant à l’indépendance de la Banque centrale et à la santé financière du pays. L’incidence potentielle sur l’inflation et les réserves en devises, ainsi que les défis croissants liés à l’endettement et aux réformes structurelles, nécessitent une évaluation minutieuse des politiques économiques.

M.BB

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