La campagne Keffoise: Un tourisme nouveau

Quand ils séjournent dans une belle demeure située « rue des fleurs », au Kef, les invités doivent être conviés à des promenades champêtres au cours desquelles ils vont apprécier la nature environnante.

Protection de la nature

Elles commencent au bas de la rue qui devient la route menant à Sakiet Sidi Youssef. Très vite, les maisons s’espacent. A droite, la route longe la chaîne de collines pratiquement nues de « Sfaët El Asfour », puis, celles d’El Haria. A la fin d’un grand virage, Koudiat Soltane va fermer l’horizon.

Puis, après avoir longé, à droite, les collines boisées faisant partie des « forêts du Mellèg », on arrive devant ce qu’il reste de la clôture de la réserve naturelle de Saaddine. Elle s’étend sur 2600 hectares de collines, formés par les Jebel Tarabia (558 mètres), Gassâa (608 mètres) et Saaddine (601 mètres). Elle est traversée, au Nord, par un petit oued permanent : l’Oued El K’hol. Les collines, orientées Sud-Ouest / Nord-Est sont perpendiculaires aux vents humides. De ce fait, la pluviométrie et l’ensoleillement ont engendré trois microclimats et trois écosystèmes : un maquis haut à pins d’Alep et genévriers rouges ou oxycèdres, abritant des lentisques, des oliviers sauvages, du romarin et des bruyères, puis un maquis bas à genévriers de Phénicie abritant des pistachiers atlantiques, très rares, des câpriers et des cistes. Enfin, sur les dernières pentes orientées au Sud, croissent des espèces de climat sec : l’alfa et le « jujubier ».

Les berges de l’Oued K’hol sont garnies de tamaris, de lauriers roses, de joncs et même de Phragmites.

Sur la réserve croissent près de 90 espèces de végétaux dont certaines très rares : l’éphèdre, le marrubium alysson, l’echium suffriticosum par exemple et de magnifiques orchidées.

Dés l’entrée, après la zone de repos et l’écomusée, trois circuits de promenades sont proposés aux visiteurs.

Le premier, d’un kilomètre de long, convient particulièrement aux enfants et aux personnes âgées. On y rencontre, et seulement là, des touffes et d’echium suffriticosum.

Le deuxième circuit passe par l’Oued K’hol. Le long de ses trois kilomètres, on peut observer de nouveaux oiseaux tels que le « bec croisé des sapins » qui se régale de zgougous et le « rouge queue de Moissier » endémique. Il est la mascotte de la réserve. Beaucoup d’animaux qui viennent boire, sont visibles.

La troisième promenade, longue de 5 kilomètres environ, traverse l’Oued K’hol à certains endroits et demande des chaussures imperméables. Elle permet de rencontrer la plupart des représentants de la flore et de la faune.

Cette dernière est très diversifiée. Elle comprend le plus grand prédateur du pays : l’hyène rayée endémique et menacée ainsi que le plus petit mammifère du monde : la musaraigne étrusque, grosse comme un pouce et pesant 2 grammes ! C’est un concentré d’« exploits biologiques » : son rythme cardiaque varie de 900 à 1400 battements par minute et descend à 100 lors des périodes d’hibernation alors que sa température peut chuter de 36° à 12° !

On peut observer sur cette réserve 15 espèces de mammifères dont le chat ganté, ancêtre du chat domestique, le porc-épic et plus d’une quarantaine d’espèces d’oiseaux dont l’aigle royal, le circaète Jean Le Blanc presque aussi grand et le vautour percnoptère qui peut manger des tortues en les laissant tomber de très haut pour que leur carapace se brise.

La remontée vers l’écomusée en suivant l’oued Mellèg  est un plaisir des yeux : les panoramas vers le Sud avec en toile de fond : le Jebel Slata, à la crête hérissée et la Table de Jugurtha, mauve ou bleue vers l’Ouest, s’étend la plaine de Sidi Rabah, limitée par la frontière algérienne où le Jebel Ouenza épointé se dresse derrière les dents des Jebels Lajbed et Errabah.

Mais, à portée de main, des dizaines de fleurs profitent de l’humidité du sol pour s’épanouir. De petits « soucis » orangés, à l’automne, les fleurs d’or des calycotomes retrouvant leurs feuilles après les premières pluies d’automne, les cistes blancs ou mauves, les bourraches et les mourons bleu roi, les ombelles blanches ou jaunes des carottes, les houppettes violettes de nombreux chardons et les touffes roses des lauriers au début de l’été, tous se donnent rendez-vous, là ! On y croise de superbes papillons : le vulcain noir à points rouges, la « belle dame » un peu moins colorée, l’argus azur et le grand « machaon ». Mais aussi, à proximité de l’eau, les hirondelles, les martinets noirs et les pinsons des arbres.

A la belle saison, le guêpier au plumage bariolé, vole plus haut que les tourterelles des bois migratrices et quelques ramiers sédentarisés. Aux heures chaudes, les stridulations des cigales font vibrer l’air. Au ras de l’eau, des libellules au corps rouge, doré ou bleu nuit semblent danser.

Dar Alyssa

Nous estimons que cette « maison d’hôte » mérite nos compliments. Effectivement, dans un cadre très agréable, bien protégé de l’agitation de la ville, Dar Alyssa offre une ambiance cossue, une décoration très soignée et des chambres confortables, équipées de toutes les « commodités » de la modernité. Les menus, étudiés spécialement, présentent de la cuisine locale traditionnelle ou des mets internationaux.

Sa position au cœur de la ville permet aux visiteurs de se rendre rapidement aussi bien à la Kasbah, qu’au mausolée de Sidi Bou Makhlouf, le « patron de la ville », et à la « basilique » d’époque romaine qui sont tout proches les uns des autres. Puis, les curieux descendront vers le musée des Arts traditionnels, la belle mosquée de « Sidi « Kaddour » et les vestiges de la cathédrale Saint Pierre : Dar El Qous. Ils finiront leur visite par les thermes romains et regagneront leurs « pénates » au terme de promenades qui nous semblent intéressantes.

Regrets

Après ces longues et belles promenades dans la campagne kefoise, il nous reste pourtant certains regrets. La réserve du Jebel Saddine, malgré ses multiples attraits, ne semble pas bénéficier de l’intérêt des autorités locales.

Pourquoi ne pas « former » quelques jeunes volontaires chômeurs en vue d’en faire des « guides » sur la réserve et des « écoguides » ?

Pour avoir vu les grands vautours fauves revenir dans le parc national des Cévennes en France, où ils avaient disparu, nous proposons d’utiliser la même « technique », très peu onéreuse, pour faire revenir à Saaddine, les vautours qui ont émigré, faute de nourriture, dans l’Est algérien. Il suffirait de collecter 2 ou 3 fois par semaine, les déchets de boucherie, que les commerçants auraient gardés dans des « poubelles » et d’aller les répandre sur 2 ou 3 emplacements choisis dans la réserve. D’abord, tous les prédateurs, opportunistes : milans, buses, busards, hyènes rayées, chacals, renards et même sangliers en profiteraient. La nourriture étant abondante, les portées seraient plus nombreuses et plus visibles sur la réserve, par les visiteurs et les photographes. L’agitation dans les airs attirera immanquablement l’attention des vautours qui reviendront se nourrir et nicher sur la réserve.

Pourquoi ne pas faire participer les agriculteurs voisins à la « gestion » de la réserve ? S’ils pouvaient y installer leurs ruches – le miel bénéficierait d’un label ! – et y faire paître rationnellement leur bétail, ils la considèreraient autrement que comme une « entrave » à leurs activités traditionnelles.

Une réserve, protégeant l’environnement, pourrait mobiliser la jeunesse dans une tâche intéressante : y réintroduire, par exemple, la gazelle de Cuvier qui existait dans la région depuis le paléolithique ! Les fouilles de Sidi Zin voisines le prouvent ! Ou bien le caracal exterminé en 1930 ! Une éducation « environnementale » est non seulement agréable mais surtout éminemment utile et rentable.

Par Alix Martin

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