Consciente de la nécessité d’innover en termes de financement de projets en alignement avec les objectifs climatiques, la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC) a annoncé, lors d’un atelier de travail, organisé lundi à Tunis, une éventuelle sortie sur le marché financier non classique pour une émission d’obligations vertes à savoir le « Green Bond Framework ».
Il s’agit d’un emprunt émis sur les marchés financiers et dont le produit sert exclusivement à financer ou à refinancer l’intégralité ou une partie, des projets verts nouveaux ou existants, et contribuant positivement à la transition écologique. C’est la deuxième étape de tout un projet portant sur un ensemble d’activités structurées dont la première consiste en un diagnostic du marché d’investissement vert en Tunisie. Le marché international des obligations vertes a connu, en effet, une forte croissance ces dernières années se traduisant par une augmentation des émissions d’obligations vertes à l’international d’un volume de 37,6 milliards de dollars à 2 160 milliards de dollars en 2022.
A cet égard, deux objectifs ont été assignés à ce projet. Le premier étant, l’évaluation de la maturité du marché d’investissement vert en Tunisie pour une éventuelle émission d’obligations vertes. Le second, a ciblé l’identification des prérequis pour cette émission.
Le projet est en prospection
Néjia Gharbi, directrice générale de la CDC a félicité la mise en place d’un tel projet en Tunisie permettant de favoriser les investissements dans des projets faiblement carbonés tout en permettant un développement économique durable et résiliant face au changement climatique. « Il s’agit d’un instrument financier de grande importance pour la Tunisie permettant de lever des fonds sur un marché porteur », a-t-elle dit.
Elle a tenu toutefois à préciser que pour pouvoir sortir sur le marché, la Tunisie doit sortir avec de petits montants, faisant remarquer que le projet est maintenant dans une phase de prospection. « Nous devons avoir un « pipe » assez consistant pour pouvoir réussir cette première sortie sur le marché de financement vert », a-t-elle encore précisé.
La DG de la CDC a en outre indiqué que de par les exigences de l’Union européenne ou des bailleurs de fonds de manière générale, la sensibilité d’aller vers des projets verts s’accroît parce que c’est là où on peut trouver les financements, selon ce qu’elle a dit.
Elle n’a toutefois pas caché que ce projet pourrait ne pas être à la portée de toutes les PME parce qu’elles vont se retrouver contraintes de payer un coût supplémentaire en terme de « reporting ». Mais, la CDC s’engage à les assister et les accompagner par rapport à cet élément afin de les aider à aller vers un financement vert. « D’ailleurs, en dehors du coût élevé du « Reporting » et sa complexité, il est plus facile aujourd’hui, d’aller vers un financement vert que d’aller vers un financement classique », a-t-elle encore dit.
C’est une obligation !
De son côté, Bilel Sahnoun, Directeur général de la Bourse de Tunis a déclaré que le financement vert n’est plus un choix, c’est plutôt une obligation étant donné l’évolution de la réglementation partout dans le monde. Et de marteler que la Tunisie s’est engagée sur un certain nombre de mesures à commencer par un mix énergétique, allant jusqu’à 35% des énergies renouvelables à l’horizon 2030. Or, il s’est avéré, selon lui, que si aujourd’hui on est en retard c’est probablement à cause du financement de ces énergies vertes.
Et Sahnoun d’ajouter qu’aujourd’hui l’émission d’obligations vertes par le biais du « Green bonds » permettrait de trouver une solution plus rapide et de grande importance pour la Tunisie, surtout que le retour sur investissement pourrait s’avérer très rapide et surtout bénéfique pour tout l’écosystème tunisien ; investisseur, investissement et souscripteurs. Cela permettra aussi à la Tunisie de respecter ses engagements financiers et de promouvoir un développement durable.
Il faut créer les mécanismes les plus adéquats
Pour sa part, Alexandre Arrobio, représentant résident de la Banque Mondiale a fait savoir que le financement vert, et plus particulièrement les obligations vertes, est un maillon très important, d’une part parce que les priorités de la Tunisie devraient tourner autour d’un développement durable et, d’autre part, pour atténuer certaines problématiques et pouvoir s’adapter à d’autres. Ce projet est aussi de grande utilité pour la Tunisie parce qu’il contribue à la croissance économique et au développement du pays. Il faut seulement pouvoir créer les mécanismes les plus adéquats permettant de mobiliser ces financements verts et par la suite les optimiser.
Et d’ajouter que cette rencontre d’aujourd’hui s’inscrit dans une optique visant à approfondir les réflexions pour voir comment faire prendre conscience aux entrepreneurs et à la population de penser à la réglementation et comment trouver les mécanismes permettant de canaliser cette initiative lancée conjointement par la CDC, la Bourse de Tunis et le ministère des Finances.
Quant à Helen Winterton, ambassadrice de Grande Bretagne en Tunisie, elle a souligné que ce projet est de grande importance pour la Tunisie. « C’est une opportunité à saisir et c’est du challenge pour tous les secteurs d’activités notamment agricole et industriel. C’est aussi un appui à la croissance, à l’emploi et au développement vert dans le pays (…) c’est aussi une occasion pour lever des fonds et trouver des financements en dehors du financement classique », a-t-elle assuré.
Khadija Taboubi