Y a-t-il anguille sous roche ?

Les investisseurs pourront, et jusqu’au 2 novembre 2012, déposer leurs dossiers pour les appels d’offres de la cession d’une partie des biens confisqués appartenant au clan Ben Ali. Le butin du clan dépasserait les 9 milliards de dinars. Après plus d’une année de la confiscation, le processus de cession de ces biens a commencé le 27 juillet. La situation oblige à sauver ces biens, notamment les entreprises qui fournissent des milliers d’emplois, afin de réunir les 1.200 millions de dinars indispensables pour le financement du budget de l’Etat 2012. A quel prix et de quelle façon ces entreprises seront-elles cédées et quels sont les acheteurs potentiels ?

 

Après la mise en vente aux enchères de quelques voitures de luxe et yachts appartenant au clan Ben Ali, le gouvernement passe à la vitesse supérieure et s’attaque aux entreprises confisquées qui sont au nombre de 300. 13% des sociétés sont commerciales, 15 % immobilières, 11% financières, 14% de services et 8% de tourisme. Dans la cession de ces entreprises, les objectifs principaux du gouvernement c’est de préserver les emplois (plus de 15 000 emplois directs) et la pérennité des sociétés, et de dynamiser le tissu économique du pays en particulier le marché boursier qui peine à décoller malgré des perspectives considérables.

Pour y arriver, il faudrait que le gouvernement agisse efficacement dans la cession de ces entreprises.

Première décision à prendre : la nationalisation ou la privatisation, introduction en bourse ou appels d’offres. La commission de gestion des biens confisqués a classifié les 300 entreprises en trois lots : un premier lot des biens prêts à être cédés, un deuxième lot contenant les biens dont l’évaluation n’est pas possible actuellement et un troisième lot avec des entreprises en pleine évaluation.

 

Premier lot : des entreprises dont la vente est immédiate

Cela concerne toutes les entreprises prêtes à être cédées à savoir City Cars (99%), Ford (99%), Tunisiana (25%), Ennakl (59 %), l’International School of Carthage (100%), Carthage Cement (37%) et la Banque de Tunisie (13%). Deux sociétés de grand calibre, soit le premier opérateur de télécommunications Tunisiana sur le marché du mobile et la société Ennakl, concessionnaire de Volkswagen (49% du capital). Pour Tunisiana, l’Etat a lancé un appel d’offres international. Les candidats à ces appels d’offres sont les fonds d’investissement, les caisses souveraines, des sociétés de placement et d’investissement, des holdings et des sociétés financières. Ce qui veut dire que l’Etat a exclu la participation de tout opérateur téléphonique.

Le qatari, Qtel, (actionnaire à 75% dans Tunisiana) ne pourra pas prendre part à cet appel à candidatures et il s’est engagé à cela par écrit. Selon le ministère des Finances, des sociétés ont exprimé leur intérêt pour les 25% de Tunisiana à savoir la BERD (la Banque européenne pour la reconstruction et le développement) et l’IFC (International Finance Corporation). Il faut noter que l’argent de cette vente n’ira pas dans les caisses de l’Etat, car la part principale des 25% de Tunisiana, est acquise par Sakher El Materi à crédit, auprès d’un holding bancaire avec à sa tête l’ABC.

L’entreprise est endettée de 365 millions de dollars.

Contrairement à Tunisiana, dans l’appel d’offres d’Ennakl, l’Etat exige des experts du domaine automobile. L’appel d’offres sera national, étant donné que c’est une entreprise cotée en Bourse, et les investisseurs étrangers non résidents en Tunisie sont autorisés à acquérir 33% des actions du capital de la société. L’acheteur doit donc être tunisien, mais il peut s’associer à un consortium avec des étrangers.

Les appels d’offres seront évalués sur deux principaux critères.

Le premier, celui de l’expertise du candidat dans le secteur de l’automobile notamment dans l’importation et la distribution automobile, la gestion des sociétés multimarques et l’adaptation aux choix stratégiques du principal constructeur automobile du concessionnaire, Volkswagen ; le second critère sera la valeur de l’offre financière. A la lumière de ces deux principales conditions, l’acquéreur doit être un investisseur tunisien, mais en même temps il doit s’associer à un partenaire ayant de l’expérience en matière de concession automobile.

La cession sera annoncée en décembre. Quant à la valeur des parts de ces deux entreprises, la société qui est en charge de la vente de ces parts à savoir la BAT (la Banque des affaires de Tunisie) mandatée dans le processus de cession de la BT, Tunisiana, ISC et Ennakel, à la suite d’un appel d’offres, elle estime que ce sont des informations confidentielles surtout qu’il s’agit d’appel d’offres.

Avant la fin 2012, on lancera les procédures de cession de 99% de City Cars (concessionnaire de Kia), de 13% de la Banque de Tunisie, de 37% de Carthage Cement et de 100% de l’International School of Carthage. Jusque-là tous les éléments de transparence semblent être réunis.

Reste à savoir si la transparence au niveau des appels d’offres sera garantie. Après 23 ans de fraude, de corruption, de délits d’initiés et d’abus de pouvoir, peut-on faire confiance à nos institutions ?  Des pratiques malsaines relevées dans quasiment tous les appels d’offres lancés sous l’ancien régime. D’ailleurs, les acheteurs potentiels sont toujours connus d’avance. Nous ne pouvons qu’espérer le contraire. 

 

Deuxième lot : des entreprises dont la situation n’est pas encore claire

Au nombre de cinquante, ces entreprises sont divisées en sous-lots en fonction des secteurs d’activité : agricole, touristique, immobilier et de services.

A la suite d’un appel d’offres trois cabinets d’experts-comptables se sont chargés de l’évaluation de ces entreprises. En effet, le gouvernement ne possède pas assez de moyens et d’éléments de décision pour vendre ces entreprises. Dans son évaluation, les cabinets d’experts-comptables établiront un diagnostic détaillé de l’état des ces entreprises : situations juridique, financière et fiscale ainsi que l’évaluation du prix de référence. Après cette évaluation, l’Etat décidera de la cession ou pas de ces entreprises.

 

Troisième lot : des entreprises jeunes en pleine expansion

Cela concerne des entreprises confiées à la Caisse de dépôts et de consignation, précisément la CDC Développement et celles qui seront mises sous le contrôle de Karama Holding, le nouveau nom de Princess Holding de Sakher El Matri. La Caisse de dépôts et de consignation aura pour mission la gouvernance, la gestion, le développement et l’investissement dans ces entreprises. Selon M. Jamel Bel Haj, Directeur général de la CDC, la restructuration de ces entreprises pourra prendre des années avant qu’elles ne deviennent rentables.

Dans ce cas l’Etat songera à la cession de ces entreprises et la CDC pourrait participer à l’acquisition de ces sociétés. Prendra-t-elle des risques quant à l’utilisation de fonds publics pour investir dans des activités risquées à savoir des entreprises jeunes et immatures et dont la rentabilité ne surviendra qu’à long terme ? Beaucoup d’experts économiques et de responsables ont longtemps appelé le gouvernement à ce que ces entreprises soient introduites en Bourse, véritable levier de développement économique du pays.

Un secteur dont les perspectives sont énormes à condition d’en exploiter les ressources, mais le gouvernement semble ne pas être de cet avis.

Najeh Jaouadi

 

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