Le tiers nord de notre pays, y compris le Sahel, souffre depuis plus de deux mois d’une sécheresse relative alors que nous sommes en plein cœur de l’hiver : autant dire une catastrophe pour les céréales, les cultures arbustives en sec, les légumes d’hiver,… mais aussi pour les stocks d’eau dans les barrages-réservoirs, les lacs collinaires et la nappe phréatique réunis. Que serait-ce au mois d’août ?
Est-ce une raison nécessaire et suffisante pour crier sur les toits : « la Tunisie aura soif cet été » ou encore « le spectre de la pénurie d’eau étend son ombre sur les périmètres irrigués » ?
Non. Cela est cependant largement suffisant pour tirer la sonnette d’alarme à l’occasion de la journée mondiale de l’eau sur notre stratégie de gestion de l’eau, de remettre en question notre comportement de gaspillage de l’eau, de revoir nos projets de mobilisation des ressources en eau et en fin d’adopter une culture de rationalisation de cette denrée précieuse.
Il s’agit de prendre en compte notre stress hydrique et de mettre en marche un programme pour contrer le réchauffement climatique.
Nos amis du ministère de l’Agriculture ont eu enfin la bonne idée d’élaborer, mieux vaut tard que jamais, une charte de l’eau et de rationalisation de sa consommation, signée par plusieurs autres départements ministériels partenaires, trois mois avant l’irruption de la période estivale.
C’est l’agriculture qui est le grand secteur responsable de l’abondante consommation d’eau avec 80% de la consommation globale à cause des déperditions monstres de cette denrée rare dans les rigoles de distribution de l’eau d’irrigation en terre ou encore les fuites dans les canalisations vétustes de la Sonède qui engendrent des pertes énormes.
Ce sont toujours les vieilles techniques d’irrigation qui provoquent des débits criminels, alors que l’arrosage par aspersion ou mieux le goutte à goutte, selon le cas, permettent de rationaliser l’eau en agriculture : alors il faut investir à outrance dans ces nouvelles techniques.
Le tourisme, l’industrie et la consommation domestique se partagent les 20% restants.
Il convient de reconnaître qu’il y a une grande défaillance dans notre système de gouvernance de l’eau qui fait que d’une année à l’autre, nous souffrons alternativement d’inondations catastrophiques pour les hommes, villes et cultures et un an après c’est une sécheresse dévastatrice !
Alors que notre infrastructure hydraulique doit réguler la disponibilité de l’eau. Il y a là une faille grandiose qu’il est urgent de colmater avec des moyens adaptés, quitte à se faire aider par des experts étrangers et à recourir à des logiciels appropriés ou des expériences extérieures.
Le responsable régional de la FAO basé à Tunis a reconnu que son organisation donne des conseils dans ce but. En effet l’initiative régionale de la FAO relative à la rareté de l’eau pour la région Afrique du Nord-Moyen-Orient porte sur trois aspects.
Développer les capacités du pays relatives à l’évaluation de son potentiel en stockage de l’eau et du risque sécheresse pour mettre au point des mesures concrètes de prévention.
Dégager les meilleures options pour une gestion durable des ressources en eau, à mettre à exécution : mobiliser les eaux de surface, les eaux profondes,… favoriser les échanges d’expériences entre pays similaires pour mieux gérer les risques de sécheresse.
Il faut reconnaître que le rythme des réalisations en matière d’infrastructures hydrauliques, celui de la maintenance des ouvrages et de la rigueur en matière de gestion des eaux se sont relâchés depuis le déclenchement de la Révolution. En effet les politiques sont beaucoup plus passionnés et préoccupés par la lutte pour l’accès au pouvoir, les disputes partisanes sur les plateaux de TV et le partage d’un gâteau qui n’existe plus, que par les solutions concrètes à apporter aux problèmes de la croissance économique, du chômage des jeunes diplômés et au développement de l’agriculture.
Les technocrates du ministère de l’Agriculture ont occulté depuis longtemps dans leurs programmes, les travaux de DRS (Défense et restauration des sols) à réaliser sur les bassins-versants des cours d’eau même s’ils ont modifié le vocable qui s’appelle dorénavant CES (conservation des eaux et des sols) soit aménagement de terrasses avec plantation d’arbustes sur les pentes pour empêcher l’érosion des eaux courantes d’emporter les sols en place, d’où l’envasement rapide des réservoirs des barrages.
C’est ce qui est arrivé au barrage de l’oued Mellègue au bout de 40 ans, il n’a plus de capacité de stockage ou si peu, d’où la construction d’un deuxième barrage avec un coût exorbitant juste à côté.
Pour nous rassurer, le ministre de l’Agriculture, nous a informé qu’il y a 43 grands projets hydrauliques en construction pour un coût global estimé à 3,8 milliards de dinars dans les quatre ans.
A cela, il faudrait citer le plan de réhabilitation du réseau de distribution d’eau d’irrigation portant sur 60.000 ha de périmètres publics pour un coût de 280 millions de dinars à l’horizon 2020, auquel il faudrait ajouter 249 MD pour la rénovation des canalisations vétustes responsables des fuites d’eau.
Mais à court terme, la SONEDE qui est responsable de la distribution d’eau potable aux citoyens n’avoue pas ouvertement qu’il y aura des interruptions d’eau cet été dans beaucoup de régions, ne serait-ce que pour inciter les consommateurs à rationaliser leur comportement, alors qu’elle devrait promouvoir une culture de recyclage de l’eau et d’économie active par toutes sortes d’actions et de mesures incitatives mais aussi répressives.
Le recyclage de l’eau offre de grandes possibilités d’économie : récupération de l’eau de rinçage pour le lavage suivant pour les machines à laver le linge ou la vaisselle, dans les hôtels, restaurants et chez les particuliers. Utilisation de l’eau de pluie récupérée sur les toitures des immeubles et des villas et stockée dans des réservoirs souterrains (Majen) pour le nettoyage des sols, l’arrosage des jardins, le lavage du linge et tous autres besoins domestiques à l’exception de la boisson et d la préparation des repas. Interdiction de l’arrosage de gazon, du lavage des voitures à grande eau et de l’utilisation de l’eau potable pour le remplissage des piscines privées.
La rationalisation de la consommation d’eau a de beaux jours devant elle dans notre pays.
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