La colère gronde chez les médecins spécialistes de libre pratique

 

Fini le temps du consensus, c’est le moment d’agir ! Très en colère contre l’absence de dialogue avec les responsables, les médecins spécialistes seront certainement acculés à prendre les mesures nécessaires pour réveiller le Ministère de sa léthargie. L’heure n’est plus à l’expectative, les problèmes de la médecine en Tunisie s’accumulent et s’aggravent, il faut trouver des solutions.

 

Nous sommes très déçus de l’attitude du gouvernement, des institutions publiques. Nous pensions qu’après le 23 octobre 2011, nous allions tous, dans un esprit d’ouverture,  travailler et réfléchir  ensemble pour  trouver  les solutions adéquates, disent les médecins.

 

Des institutions autistes 

Depuis quelques années, la profession est menacée par plusieurs  difficultés :au niveau de l’enseignement de la médecine,  de la formation des médecins, de la répartition géographique des praticiens, de l’activité privée complémentaire (APC), du blocage entre les deux systèmes de santé privé et public etc.   Avec la CNAM également les  complications ne sont pas minimes : liste réduite des maladies prises en charge, mauvais remboursements et lenteur dans les procédures.

Docteur Faouzi Charfi, Secrétaire général de l’Union des médecins spécialistes libéraux (UMSL) s’insurge  devant le silence total du Ministère et de la CNAM. «Nous sommes face à des institutions autistes» nous dit-il. Cela fait huit  semaines que nous attendions un rendez vous avec le ministre de la Santé et nous n’avons pas eu de réponse. Cela ne nous est jamais arrivé avec l’ancien régime. On nous a toujours reçus chaque fois que nous l’avions demandé. Voilà ce qu’ils nous disent maintenant : venez quand vous voulez ! Ce n’est pas sérieux ! Nous voulons un rendez-vous officiel, avec date et heure précises.

Malheureusement nous constatons, qu’en Tunisie, l’Administration est en train de changer.  Depuis sa nomination, nous avons rencontré une seule fois le ministre de la Santé, c’était au mois de janvier. Nous étions très contents, nous l’avions trouvé très réceptif et nous pensions que nous allions établir un bon  dialogue, pour réfléchir  et reconstruire ensemble. Nous lui avons proposé la tenue des états généraux de la médecine dans notre pays, pour  définir  quelle médecine nous voulons, quelle santé, à quel prix ?. Depuis cette entrevue c’est le silence total.  On ne nous appelle pas, on ne nous écoute pas. Nous avons  l’impression qu’  au niveau du ministère le travail se fait en cercle fermé. Le ministère crée des commissions,   qui ne nous paraissent pas représentatives de la majorité des acteurs qui ont leur expérience, leur point de vue et qui sont directement concernés par les problèmes de la santé en Tunisie. Cela a été le cas pour le problème de l’APC ;mais  le parti pris de certains membres de cette commission et le déséquilibre de sa composition était tel qu’aucune décision consensuelle n’a pu être dégagée, malgré toute notre bonne volonté.

 

La CNAM hors service

Du côté de la CNAM,  c’est aussi « une institution autiste ». Depuis le mois d’avril 2012 nous attendons un  nouveau contact avec la nouvelle PDG, que nous avons également rencontrée juste après sa prise de fonction   .  Nous avons demandé à ce que l’UMSL , qui compte le plus grand nombre  de médecins spécialistes, soit signataire de la convention cadre avec la CNAM pour pouvoir être intégrée dans le cercle des négociations  concernant l’assurance-maladie. Nous avons demandé la révision de la convention sectorielle qui date déjà de presque 6 ans( depuis 2006). Nous avons évoqué les problèmes de retard de paiement, de l’élargissement de la liste des pathologies et de la revalorisation des honoraires. Nous avons également proposé la tenue d’un conseil national de l’assurance maladie. Nous voulons un moratoire sur la CNAM. Celle-ci étant  une institution publique au même titre que les sociétés nationales, est  tenue de présenter chaque année un rapport moral et financier. Nous exigeons cette transparence et nous voulons avoir une vision globale de l’assurance-maladie en Tunisie.  Le ministre des Affaires sociales, a parlé d’un déficit de 100 milliards il y a quelques mois, qu’en est-il aujourd’hui? Pourquoi la CNAM refuse-t-elle de mettre tous les problèmes sur la table et d’en débattre dans un climat de vérité et de responsabilité avec tous les partenaires concernés. Nous n’avons cessé d’affirmer notre volonté d’aller dans ce sens…et nous sommes encore dans l’expectative. La CNAM doit considérer les médecins spécialistes et l’UMSL comme des partenaires responsables pour la réussite de ce grand chantier de l’assurance –maladie et non comme de simples utilisateurs ,suspects  de dépassements et dérives qu’on doit surveiller en permanence.

 

Il faut savoir faire entendre

Mais il n’y a pas que les médecins spécialistes qui sont confrontés à cette attitude d’exclusion de la part du ministère. Les pharmaciens, les cliniques, les médecins dentistes, tous ont les mêmes problèmes. Il serait d’ailleurs question de créer une intersyndicale et d’agir tous ensemble.  La tension monte de partout, avoue le Dr Charfi. Nous constatons chaque jour  la dégradation de la médecine tunisienne : les  conditions de travail se détériorent et par le manque de communication avec nos interlocuteurs, un laisser-aller s’installe qui n’arrange en rien la situation et ne présage rien de bon pour l’avenir.  « Si on ne veut plus nous écouter ,dit le Dr Charfi,   nous saurons nous faire entendre :  On prévient les autorités concernées  que les médecins spécialistes libéraux n’accepteront pas d’être exclus des décisions qui concernent leur profession  et leur avenir. Nous nous opposerons  au retour des anciennes pratiques. Nous tirons la sonnette d’alarme car le mécontentement s’accroit chez les spécialistes libéraux.Nous n’accepterons pas que la CNAM et le ministère de la Santé  travaillent «  en circuit interne » sans nous consulter,pour ensuite nous   imposer leurs décisions. Nous réclamons le dialogue direct,franc et responsable pour  reconstruire  ensemble notre système de santé qui est bien malade,en plaçant le citoyen  et le patient au centre de nos préoccupations. « Nous attendons nos rendez vous avec le ministre de la Santé et la P.D.G de la CNAM et s’ils ne nous écoutent pas, le syndicat se réserve le droit d’utiliser les moyens légaux mis à sa disposition pour se faire entendre », conclut  le Dr Charfi.

Samira Rekik

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