La Covid-19, le secteur privé et les dangers à venir !

Notre pays, comme tous les autres pays du monde, continue à subir les effets sanitaires de la Covid-19. Malgré le lancement des campagnes de vaccination, le virus continue à progresser et les infections à se développer.
Parallèlement à ses conséquences sanitaires, la pandémie a eu des effets économiques majeurs. Nous nous sommes intéressés à deux questions qui ont préoccupé la plupart des experts et des acteurs économiques et politiques. La première concerne l’impact de la pandémie sur la réflexion économique et les politiques économiques. A ce niveau, la pandémie de la Covid-19 a été à l’origine d’une révolution sans précédent dans le champ économique qui s’est traduite par le développement des politiques économiques non traditionnelles dans différents domaines, plus particulièrement les politiques budgétaires et monétaires.
La réflexion a également porté sur les effets macroéconomiques de la pandémie, notamment la croissance, les équilibres budgétaires et externes, ainsi que l’endettement et beaucoup d’autres préoccupations d’ordre global.
Mais, le secteur privé et l’impact de la crise sur les entreprises privées n’ont pas suscité un grand intérêt en matière d’analyses et d’études. Certes, beaucoup de rapports ont soulevé les conséquences de la pandémie sur les entreprises. En même temps, la plupart des gouvernements ont consacré une grande partie de leurs programmes de sauvetage économiques à des actions en faveur des entreprises privées pour les protéger contre les effets désastreux de la pandémie. Mais, jusqu’à présent, nous ne disposons pas d’une étude exhaustive quant aux effets de la crise sur les entreprises privées et leur résilience.
L’étude que vient de publier l’INS avec l’appui d’organisations internationales répond à ce manque. Cette étude publiée sous le titre « Impact de la crise de la Covid-19 sur le secteur privé formel » vient confirmer la gravité des dangers qui pèsent sur les entreprises du secteur privé et qui peuvent entamer leur résilience et leur survie.
L’intérêt de cette étude réside dans sa large couverture avec un échantillon de 2500 entreprises dans tous les secteurs de l’économie nationale.
Par ailleurs, les entreprises ont été réparties selon l’orientation de leurs activités vers le marché intérieur ou les exportations pour mesurer celles qui ont été le plus touchées par la crise.
Il faut également mentionner que l’intérêt de cette étude réside aussi dans sa régularité. Ainsi, ce sondage a été effectué à trois moments différents depuis le déclenchement de la pandémie : le premier après la fin de la première vague au mois de juin 2020, le second avant le début de la seconde vague au mois de septembre dernier et le troisième en pleine seconde vague et avant la fin de l’année 2020. Ce choix méthodologique est pertinent dans la mesure où il nous permet de saisir dans le temps l’évolution de l’impact de la pandémie sur le secteur privé.
La lecture approfondie des résultats montre les effets graves de la pandémie sur les entreprises privées et plus globalement notre tissu économique et social. La seconde conclusion est que les effets de la pandémie sont en train de se renforcer et les nuages d’assombrir l’horizon des entreprises privées. De ce point de vue, le recul des effets sanitaires de la pandémie va nous mettre devant de nouveaux dangers mortels qui concernent la résilience des entreprises privées et l’avenir de notre tissu économique et social.

Les entreprises du secteur privé et la montée des dangers
Les résultats de l’étude montrent l’accroissement des dangers au cours des derniers mois de l’année par rapport au début de la pandémie. Ainsi, la part des fermetures définitives des entreprises est passée de 5,4% au cours du premier trimestre de 2020 à une part inquiétante de 10% à la fin de l’année 2020. Mais, les difficultés des entreprises privées ne se limitent pas aux arrêts définitifs mais concernent également les arrêts temporaires qui ont augmenté de 7,7% au cours du premier trimestre à 11,2% à la fin de l’année.
Ces résultats, montrent que le cinquième des entreprises (21,6%) s’est arrêté de manière définitive ou temporaire suite à la pandémie. Ce résultat, en dépit de son importance, nous donne une idée précise sur la gravité de la situation économique. En effet, cette étude a indiqué que 65,4% des entreprises de l’échantillon ne sont pas certaines de poursuivre leurs activités au cours de cette année. Pour saisir l’ampleur de la crise qui nous attend, il faut mentionner que les difficultés touchent particulièrement les petites entreprises dont 83,6% sont au cœur de la tourmente du fait de la crise de la Covid.
Cette étude a également mis l’accent sur les secteurs les plus touchés par la crise, notamment les secteurs des services, de la communication, des industries agro-alimentaires.
Cette étude a également souligné que les entreprises liées au marché interne sont plus touchées par l’impact de la crise Covid que les entreprises exportatrices.
Ces développements et les effets de la pandémie ont eu un impact sur la situation financière des entreprises et leur capacité à créer les emplois. Pour ce qui est des revenus, la majorité des entreprises (85,9%) ont indiqué que leurs revenus ont connu une baisse importante au cours de l’année écoulée.
Pour ce qui est de l’emploi, une majorité des entreprises ont indiqué que la crise de la Covid a eu des effets sur leur emplois (62,9%). Ainsi, plus du quart des entreprises (25,9%) ont eu recours au licenciement d’une partie de leur personnel et près du tiers des entreprises (30,5%) a diminué les heures de travail.
Cette étude a également permis d’identifier les canaux de transmission de la crise aux entreprises du secteur privé. Parmi ces canaux, la majorité des entreprises ont mis en exergue le recul de la demande, ce qui les a amenées à réduire leurs activités et leur capacité de production (79,55%). D’autres entreprises ont souligné la difficulté de l’accès au financement bancaire en dépit de l’appui accordé par le gouvernement dans ce domaine (54,9%). D’autres entreprises ont également souligné qu’une partie des difficultés est liée à la fermeture des frontières et à la difficulté de se procurer les matières premières et à les produits semi-finis.

La nécessité d’un rôle actif de l’Etat
Cette étude s’est également intéressée à l’évaluation du soutien de l’Etat aux entreprises du secteur privé. Le gouvernement a cherché à développer une série de mesures pour faire face aux impacts de la pandémie sur les entreprises et les sauver face aux dangers de cette crise.
Cette étude a montré que les entreprises ont beaucoup apprécié trois niveaux de décision de la part du gouvernement : le report ou la réduction des charges fiscales, le soutien financier direct et les garanties accordées pour obtenir les financements des institutions financières et bancaires.
Mais, cette étude a permis de mesurer l’impact de cet appui en cherchant à identifier le nombre des entreprises qui ont réussi à en bénéficier. Si l’on relève un accroissement du nombre des entreprises qui ont pu accéder à l’appui du gouvernement (25,5%) par rapport aux premiers mois, cet accès reste limité si l’on prend en considération l’ampleur de la crise. Ainsi, plus du tiers des entreprises (34%) ont souligné qu’elles n’ont pas pu bénéficier de l’appui du gouvernement même si elles ont déposé des demandes. Par ailleurs, un nombre assez conséquent d’entreprises ont indiqué qu’ils n’ont pas déposé de demandes du fait de la complexité du processus et de sa difficulté (14,5%).
C’est probablement là que réside le résultat le plus important de cette étude. Cela montre le décalage entre l’ampleur et la gravité de cette crise qui a mis à mal la résilience de nos entreprises et constitue un danger majeur pour l’avenir de notre tissu économique et la faiblesse des mesures prises par les gouvernements pour leur venir en aide et les sauver. Cette étude montre que la crise et l’impact économique de la pandémie ont été à l’origine de la faillite d’un grand nombre d’entreprises et qu’ils ont mis leur résilience à rude épreuve.
Cette crise et les dangers à venir exigent la définition d’un grand programme de sauvetage de nos entreprises et de notre tissu économique afin de lui redonner son dynamisme et d’en faire un acteur majeur dans la transition économique en cours.

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