La crise de la globalisation et le retour du principe de souveraineté

Par Hakim Ben Hammouda

Les crises à répétition dont la dernière est celle de la grande pandémie de la Covid-19 sont à l’origine de grandes transformations. Ces crises ont démontré la fragilité de la globalisation et son incapacité à faire face aux grandes inquiétudes et aux grands bouleversements, à commencer par les crises financières de 2008 et 2009 en passant par le réchauffement climatique et l’accroissement de la marginalisation sociale, en arrivant à la pandémie de la Covid-19. Cette fragilité va constituer un défi majeur pour les promesses et les rêves de stabilité et sécurité affirmés par la globalisation et qui ont contribué à la construction de sa légitimité. Ces développements vont alors ouvrir une ère de grandes révisions et de critiques qui vont ouvrir la voie à un retour du principe de souveraineté nationale. 
Ces révisions vont toucher un grand nombre de questions et de principes défendus par la globalisation au cours de trois décennies. Ces remises en cause ont touché d’abord le rôle de l’Etat-nation dont la globalisation a annoncé la fin et son entrée dans l’histoire. Ces différentes crises ont été à l’origine d’un grand retour de l’Etat pour sauver l’économie et défendre les sociétés des pandémies et des grands dangers. 
Ces remises en cause ont également touché les questions économiques de la globalisation qui a été construite sur le principe de l’ouverture des marchés devant les mouvements des capitaux et des grandes firmes transnationales et la répartition des activités économiques selon le principe des grandes chaînes de valeur. Ces crises ont montré la fragilité de ce nouvel ordre global mis en place notamment pour se procurer les produits intermédiaires et les matières premières, ce qui a été à l’origine de grandes difficultés dans certaines chaînes de valeur industrielles, notamment dans le secteur automobile. 
Ces révisions ont été également à l’origine de grandes critiques de la globalisation financière que beaucoup avaient défendue dans la mesure où cette dernière contribuait au financement des économies à des coûts moindres et au financement de l’investissement. Mais, ces crises financières ont montré que la libéralisation financière a encouragé l’aventurisme financier et la cupidité des traders sur les marchés financiers et a failli conduire l’économie mondiale à la débâcle et à la chute sans l’intervention salvatrice des Etats. 
Les grandes crises ont ouvert l’ère des grandes révisions et des critiques à la globalisation néolibérales à un retour de la souveraineté nationale. 
La question qui se pose aujourd’hui concerne la nouvelle conception et le nouveau contenu de la question de souveraineté. 

Pour une nouvelle vision de la souveraineté nationale 
La question de la souveraineté nationale était au centre d’une grande effervescence intellectuelle et de beaucoup de controverses. Et, si un grand nombre d’intellectuels et d’activistes politiques ont convenu de la repenser face aux dérives de la globalisation et la fragilité que notre monde est en train de traverser, les divergences restent importantes concernant la nouvelle conception de la souveraineté nationale et ses conséquences politiques et pratiques. 
De mon point de vue, on ne pourra pas revenir à la conception traditionnelle de la souveraineté nationale, compte tenu des grandes transformations que le monde a traversées. Il est nécessaire par conséquent de définir une nouvelle vision qui cherchera à construire un nouvel équilibre entre l’ouverture nécessaire sur le monde global dans les domaines politiques, économiques et culturels et l’obligation de défendre nos intérêts nationaux et nos grands choix stratégiques ainsi que l’autonomie de nos politiques publiques. 
Cet équilibre peut être construit dans les politiques d’insertion dans les dynamiques d’intégration régionale d’un côté et dans le soutien de développement de l’effort national et de nos capacités. Ces politiques concernent différents domaines classiques de la souveraineté comme la défense nationale, la sécurité intérieure et nos relations internationales. Mais, de nouveaux domaines doivent intégrer cette nouvelle conception de la souveraineté, particulièrement ceux qui sont à l’origine des grandes peurs dans le monde, notamment notre sécurité économique, l’appui à nos entreprises dans la concurrence avec les sociétés étrangères, la sécurité alimentaire et énergétique, ainsi que l’égalité sociale. 
Les grandes transformations que nous sommes en train de traverser doivent nous inviter à ouvrir le domaine de la réflexion stratégique pour définir de nouveaux projets et de nouvelles visions qui nous permettent de nous insérer dans le système global et dans la dynamique de coopération régionale tout en mettant en place les fondements de l’indépendance de notre décision et de nos choix nationaux. 

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