Par Dr. Soumaya Ben Khelifa*
Depuis le 02 mars 2020, date de l’apparition du coronavirus en Tunisie pour la première fois, la situation sanitaire est devenue de plus en plus critique. En effet, le nombre de contaminés connaît chaque jour une croissance remarquable sachant que le gouvernement et le staff médical sont en train de déployer de gros efforts pour faire face à cette crise sanitaire inattendue. Le 28 Mars 2020, le nombre de contaminés par ce virus a atteint 278 parmi lesquels neuf citoyens sont décédés. En Europe et USA, la propagation de la coronavirus évolue d’une manière spectaculaire, ce qui a amené plusieurs pays à fermer leurs frontières et arrêter tout type de transactions.
Ce phénomène a soulevé chez les experts économistes et les financiers plusieurs inquiétudes au sujet de l’impact de cette crise sur la situation financière de notre pays surtout que les transactions économiques entre la Tunisie et l’Europe représentent environ 85%.
En premier lieu, la crise de Covid-19 peut, notamment, mettre en évidence l’augmentation du taux de chômage en Tunisie. En effet, les grandes entreprises et les PME ont été contraintes d’arrêter leurs activités durant cette période. Ainsi, le gouvernement et les institutions financières doivent intervenir pour réguler le secteur financier, arbitrer entre les intérêts contradictoires et surtout assurer la survie à long terme de ces entreprises. Dans ce contexte, le conseil d’administration de la banque centrale tunisienne a décidé de réduire de 100 points de base le taux de marché monétaire « TMM » pour le ramener à 6.75% le 18 Mars 2020 sachant qu’il a atteint 7.84% en Février 2020. Le graphique « 1 » montre que l’évolution du TMM a été pratiquement stable durant la période qui s’écoule entre Mars 2019 et Février 2020. Néanmoins, ce taux a diminué considérablement en Mars 2020 suite au déclenchement de la crise sanitaire.
Source: Banque Centrale de Tunisie
La Banque Centrale de Tunisie a imposé également une série de mesures exceptionnelles qui ont pour objet de réduire les effets économiques néfastes de cette crise. En effet, il y a eu la réduction des charges financières relatives aux emprunts contractés par les individus, ce qui contribue à l’augmentation de leur pouvoir d’achat pendant cette période. Il y a eu également injection de la liquidité pour les banques tunisiennes. Celles-ci ont participé à la création d’un fonds de solidarité au secteur médical en faisant récemment un don égal à 112 millions de dinars.
En second lieu, le marché boursier tunisien « BVMT » est affecté défavorablement par la crise Covid-19. En effet, l’indice de capitalisation TUNINDEX a suivi un trend haussier tout au long des mois de Janvier et Février 2020 pour atteindre un sommet (7204,39 points) en 28 Février 2020. Cependant, il a baissé brutalement le 16 mars 2020, en clôturant avec une valeur égale 6116,16 points et en enregistrant une baisse égale à 17,8% entre le 02 Mars et le 16 Mars. Suite aux mesures de précaution prises par le gouvernement telles que l’imposition du confinement chez soi et la fourniture des moyens nécessaires pour le faire, l’indice TUNINDEX a connu une tendance haussière durant les dix derniers jours en affichant une valeur égale à 6412,02 points le 26 Mars 2020, soit une hausse de 4,84%. Néanmoins, la dégradation de la situation sanitaire soulève de nombreuses questions complexes pour les investisseurs et les managers. Particulièrement, il important de savoir comment le marché boursier tunisien peut résister à la crise Covid-19 ? Ce marché n’est pas bien développé et il est susceptible aux crises ce qui peut déclencher un retrait massif des fonds. L’Etat et les autorités du secteur financier doivent ainsi intervenir pour rassurer les investisseurs en leur incitant à investir dans les actifs les plus rentables.
Source: www.bvmt.com.tn
Certes la propagation de la crise Covid-19 pourrait entraîner une détérioration de la conjoncture économique tunisienne. Cependant, le système financier tunisien contribue significativement à l’augmentation du niveau de l’inclusion financière. En effet, différentes mesures ont été implantées telles que : La gratuité des cartes bancaires pour les clients, la suppression des frais de retraits effectués par cartes sur les GAB, fourniture d’une large gamme de services de banque à distance permettant aux clients d’effectuer toutes les transactions courantes sans se déplacer en agence. De telle mesure contribue à l’augmentation du taux d’utilisation du paiement en ligne qui n’est pas bien développé dans notre pays. Enfin, toutes ces mesures peuvent renforcer d’une manière substantielle l’usage des services financiers, « principale dimension de l’inclusion financière ».
*Professeur adjointe de Finance à Carthage Business School,
au sein de l’UTC – Université Tunis Carthage