Le chiffre tant attendu de la croissance du premier trimestre de l’année est finalement tombé. Et, il s’agit plutôt d’une bonne nouvelle. La croissance a été de 0,9% lors du premier trimestre par rapport au quatrième trimestre de l’année passée, ce qui porte la croissance globale en glissement annuel à 2,1% pour l’année en cours. Ce chiffre tant attendu confirme les prévisions de croissance pour l’année en cours établies en début d’année par la Banque centrale et l’Institut national des statistiques, ainsi que par les institutions internationales comme la Banque mondiale ou le FMI.
Les données publiées par l’INS nous donnent des indications sur les vecteurs de cette croissance et les secteurs qui y ont contribué. Et, l’agriculture aura été la locomotive de cette reprise. En effet, après une mauvaise récolte en 2016 qui a été à l’origine d’une croissance négative estimée à -8,1%, la pluviométrie laisse présager une bonne année agricole avec une croissance agricole de 4,9% au cours du premier trimestre. Il faut aussi mentionner les performances du secteur des services marchands qui ont été de 3,4% au cours de ce premier trimestre qui s’expliquent par une nette progression du tourisme de 8,6% du fait d’une augmentation du nombre de touristes de 35% au cours de ce trimestre, ce qui est de bon augure pour le reste de la saison.
Du côté des performances moyennes, il faut souligner celle des industries non manufacturières qui n’ont pas dépassé 0,2%. En dépit d’une forte progression des industries minières avec la reprise de la production (21,3%), les faibles performances de ce secteur s’expliquent par une chute de la production du pétrole et du gaz (-3%). Un autre secteur à la traine celui des industries manufacturières qui a enregistré lors du premier trimestre une baisse de -1,1% en glissement annuel. A ce niveau, la progression des secteurs des industries mécaniques et électriques (1,6%) et des industries textiles (1,2%) n’ont pas été en mesure d’absorber la chute de la production des secteurs du bâtiment (-7,9%), des industries agro-alimentaires (-4,2%) et des industries chimiques (-1,6%).
Ainsi, le premier trimestre a montré des signes d’un raffermissement de la croissance, ce qui constitue un signe positif après deux années d’une croissance médiocre. Mais, cette légère éclaircie dans notre horizon économique n’est pas exempte de nuages et de risques qui peuvent à terme l’assombrir et peser sur ce début de raffermissement de la croissance. En effet, cette croissance reste fragile et un retournement de tendance n’est pas à exclure comme nous avons pu le vérifier au début de l’année 2015. J’évoquerai quatre risques majeurs qui exigeraient un traitement sérieux de la part des pouvoirs publics afin qu’ils ne pèsent pas de tout leur poids sur ces premiers signaux positifs.
Le premier risque concerne le début de changement des politiques économiques actives mises en place depuis 2011 afin de soutenir la croissance. En effet, notre pays a rompu, au lendemain de la Révolution, avec les politiques économiques classiques qui font du marché et de l’offre et de la demande les principaux outils de formation des prix sur les différents marchés. Ainsi, avons-nous opté pour une politique monétaire expansionniste afin de soutenir l’investissement et la croissance. Par ailleurs, nous avons décidé de soutenir notre monnaie, en dépit de nos réserves limitées, afin d’éviter une chute qui pourrait renchérir les coûts de production des entreprises et peser sur leur compétitivité. Nous avons également opté pour une politique de relance budgétaire à travers les investissements publics pour renforcer la croissance.
Certes, notre pays n’a pas connu une relance vigoureuse de la croissance. Mais, nous restons persuadés que, sans ces politiques actives, la croissance aura été encore plus faible et plus fragile. Or, il me semble qu’avec les derniers développements dans les politiques monétaires et de change, nous avons entamé un début de sortie des politiques actives et nous nous remettons de plus en plus aux forces du marché pour déterminer les taux d’intérêt et le taux de change. Ce changement de politique pourrait à terme peser sur ce début de raffermissement de la croissance en renchérissant les coûts de l’investissement.
Le second risque qui pourrait peser dans les mois à venir sur ce début de reprise concerne l’attentisme de l’investissement et l’absence d’une reprise vigoureuse de la prise de risque de la part de nos investisseurs. De ce point de vue, l’adoption de la nouvelle loi sur l’investissement ne semble pas avoir contribué de manière fondamentale à une sortie de l’attentisme de nos investisseurs. Certaines études, notamment la dernière enquête d’opinion des investisseurs effectuée par l’ITCEQ, a montré les attentes de nos capitaines d’industrie dans des actions à prendre pour une plus grande amélioration de l’environnement des affaires, notamment dans le domaine de la lutte contre la corruption, du développement des infrastructures et de l’environnement politique.
Le troisième risque concerne la situation des finances publiques qui passe aujourd’hui par la crise la plus profonde de son histoire. Le déficit public et l’écart entre les dépenses et les recettes publiques ne cesse de s’agrandir et pèse de tout son poids sur la conjoncture économique. Certes, le dernier accord avec le FMI pour l’octroi de la seconde tranche en souffrance depuis le mois de décembre dernier nous donne un répit. Mais, la crise des finances publiques reste entière et exige des solutions et de nouvelles initiatives.
Le dernier risque et non des moindres est lié à la contestation sociale, du fait de l’incapacité des différents gouvernements à prendre à bras le corps la question sociale et à répondre aux attentes d’une plus grande égalité entre les régions et à une plus grande inclusion sociale. Jusque-là, le traitement de ces questions obéit aux méthodes classiques au cas par cas et ne parvient pas à changer d’optique pour définir des solutions globales et audacieuses. Du coup, nous courons le risque de voir ces conflits se poursuivre et peser sur les secteurs qui ont porté la croissance lors de ce premier trimestre.
Les résultats économiques publiés par l’INS pour le premier trimestre sont un signal positif, même s’ils sont faibles et fragiles. Pour renforcer ces résultats et en faire un point de départ à une relance vigoureuse de la croissance, nous devons poursuivre les politiques économiques actives, raffermir l’investissement, régler la crise des finances publiques et répondre à la demande sociale. n
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