Où en sont les économies arabes en transition ? Cette question est d’autant plus importante que la relance de ces économies ne peut que renforcer un processus politique de plus en plus mis à mal par l’insécurité, la montée des conflits et une grande instabilité politique dans la région. Cette question est également essentielle dans la mesure où les pays en transition éprouvent les plus grandes difficultés à remettre leurs économies sur la voie de la croissance en dépit des politiques de relance budgétaires et des politiques monétaires expansionnistes.
Le FMI vient de publier ses prévisions économiques pour la région arabe pour l’année en cours et les résultats sont plutôt faibles et contrastent avec les attentes importantes des fruits du printemps arabe. Clairement, la région va mal et la nouveauté durant l’année en cours, c’est que les pays exportateurs de pétrole ont rejoint les pays importateurs de pétrole et connaissent une situation économique morose. Ainsi, la croissance restera faible et ne dépassera pas les 2,9% pour l’année 2015. Mais, le changement important par rapport à l’année précédente concerne la détérioration des grands équilibres macroéconomiques. Ainsi, la balance courante passe d’un excédent de 6,4% en 2014 à un déficit de -1,9% en 2015 et le déficit budgétaire se creuse davantage en passant de -2,3% en 2014 à -7,9%. Il s’agit de l’effet de la baisse vertigineuse des prix du pétrole depuis quelques mois.
D’ailleurs, un des effets de cette baisse importante des prix du pétrole concerne les pays exportateurs de pétrole qui ont connu une forte détérioration de leur situation économique. Ainsi, la croissance économique restera aussi faible qu’en 2014 et ne dépassera pas les 2,4%. Mais, ces pays vont connaître une forte détérioration de leurs situation macroéconomique avec une balance de paiement qui passera d’une situation excédentaire de près de 10% en 2014 à un déficit de -1% et en même temps le déficit budgétaire passera d’une position légèrement excédentaire de 0,3% en 2014 à une situation nettement déficitaire de -8,4% en 2015.
La situation des pays importateurs présente les mêmes caractéristiques avec une faible croissance même si les grands équilibres macroéconomiques sont mieux maîtrisés. Ainsi, la croissance sera faible, même si elle est légèrement supérieure à celle de l’année 2014, et passer de 2,4% à 2,7 en 2015. La croissance dans ces pays bénéficiera du léger mieux que connaîtra la croissance européenne suite aux politiques expansionnistes de la Banque centrale européenne. Parmi les pays en transition ce sont le Maroc avec une croissance de 4,4%, l’Egypte avec 4% qui tiennent le haut du pavé. La Tunisie enregistre des performances moins fortes avec une croissance qui ne dépassera pas les 3% en 2015, selon les estimations du FMI. La situation politique et particulièrement l’éclatement des conflits en Syrie, au Yémen et en Libye et les risques qui leur sont liés pèsent beaucoup sur les perspectives de croissance de la région.
Parallèlement à la faiblesse de la croissance, les pays importateurs de pétrole n’ont connu qu’une faible amélioration de leurs situations macroéconomiques. Ainsi, le déficit public est resté élevé en Egypte et se situera à -11,8% en 2015, celui de la Tunisie à -5,1% et le Maroc à -4,3%. Les soldes courants sont moins élevés et se situeront à -3,3% en Egypte, -4,2% au Marco et -6,4% en Tunisie.
L’ensemble des prévisions publiées récemment par le FMI montre que la région arabe passe par une période morose avec une croissance atone et de grands équilibres macroéconomiques fragiles. Même les pays exportateurs de pétrole qui avaient échappé un temps à l’atonie de cette croissance, ont été touchés de plein fouet par la chute des prix du pétrole. Ainsi, la croissance demeure le grand absent de cette phase cruciale de transition et près de cinq ans après, ces pays sont en train de s’embourber dans des conflits sans fin et dans des guerres qui ont détruit leurs économies.
Dans ce contexte d’incertitude et de risques majeurs dans la région, il est impératif de retrouver la croissance. Certains moteurs de cette croissance sont en panne notamment les exportations du fait de la faiblesse des dynamiques économiques chez nos partenaires et l’investissement privé national et international du fait de l’incertitude et des risques politiques et sécuritaires dans notre région. Reste la locomotive de la relance budgétaire qu’il faut soigner et appuyer dans la mesure où elle peut redonner espoir et entraîner et convaincre dans son sillage l’investissement privé. Mais, pour que cette relance et particulièrement les investissements publics puissent jouer leur rôle, il est essentiel de se pencher sur les difficultés qu’ils rencontrent et il faut améliorer la capacité d’exécution des administrations notamment en accélérant les procédures de passation des marchés publics et en réglant les problèmes du foncier.
La morosité économique est en train de nourrir le désenchantement des transitions en cours. Il est urgent de retrouver la croissance, le grand absent de cette phase de transition, afin de redonner une nouvelle espérance et de permettre aux pays du printemps arabe de réaliser leurs promesses en termes d’emploi, de développement régional et d’égalité.