La dégradation de la note souveraine, un signal d’alarme

Après une accalmie de près de deux ans, le cercle vicieux de la dégradation de la note souveraine tunisienne par les agences de notation semble avoir repris. En effet, l’agence de rating Fitch vient de dégrader le vendredi 3 février la note tunisienne de BB- à B+. Cette dégradation vient rompre un répit qui a été entamé en 2014 après une descente aux enfers de la note souveraine et du risque tunisien depuis la Révolution. Plusieurs facteurs ont contribué à la stabilisation de la note tunisienne en 2014. D’abord, des facteurs politiques avec notamment la recherche de consensus et le début d’un dialogue national sous la conduite du quartet qui a évité à notre pays de sombrer dans l’abîme comme d’autres pays du Printemps arabe. Cette recherche du consensus a permis à notre pays de sortir de la grave crise de 2013 et nous avons pu dans cet élan adopter une constitution démocratique et ouverte, un pari qui était loin d’être gagné. Par ailleurs, ce dialogue a pu conduire à la mise en place d’un gouvernement de technocrates indépendant qui avait pour objectif de conduire la dernière phase de transition. Par ailleurs, ce gouvernement a réussi tout au long de cette année, non seulement à stabiliser la situation économique, mais à l’améliorer avec notamment une forte réduction des grands déséquilibres macroéconomiques, le maintien de la croissance et le rétablissement de la confiance des bailleurs.
Ces développements politiques et l’amélioration de la situation économique ont créé une nouvelle ambiance et ont renforcé la confiance de nos partenaires, ce qui a permis d’arrêter la descente aux enfers de notre note souveraine et faisant de l’année 2014 la première année depuis 2011 où il n’y a pas eu de dégradation. Mieux, la réussite des élections et l’avènement de nouvelles institutions démocratiques ont été à l’origine d’une amélioration de la note souveraine par les trois grandes agences de notation au début de l’année 2015.
Donc, notre pays a pu arrêter la baisse de notre note souveraine grâce à la réussite et aux avancées de notre transition politique, à la maîtrise et à l’amélioration de notre situation économique. Or, cette nouvelle dégradation vient rompre cette accalmie et montrer une détérioration dans la perception du risque de notre économie.
Cette dégradation soulève deux dangers. Le premier est lié au risque de voir les deux autres agences suivre leur consœur Fitch et dégrader la note tunisienne, ce qui pourrait nous ramener à la dynamique baissière des années 2011-2013. Le second danger est que cette dégradation est arrivée au plus mauvais moment, soit quelques jours avant une sortie importante sur les marchés et aura par conséquent, des effets négatifs non seulement sur le coût de cette opération mais aussi sur les volumes.
Revenons maintenant aux raisons de cette dégradation. Je tiens à souligner que ce rapport est assez dur et ne prend pas assez en considération les progrès que nous avons réalisés depuis quelques mois dont notamment les réussites dans la lutte contre le terrorisme, la réussite de la conférence 2020 et le frémissement que connaît le secteur touristique. Le rapport de Fitch, même s’il reconnaît quelques améliorations avec notamment l’adoption du Code des investissements ou la Loi bancaire et la Loi sur la Banque centrale, met l’accent sur certains dangers et risques notamment le risque terroriste toujours important même si nous avons fait des progrès. Le rapport souligne également les difficultés du secteur touristique et notre difficulté à rendre la destination Tunisie plus alléchante.
Mais, le rapport de Fitch met l’accent sur la détérioration de la situation économique pour expliquer la dégradation de notre note et la montée des risques. Particulièrement, il souligne le creusement des grands déficits, la faiblesse de la croissance et la crise grave des finances publiques. Il met en exergue aussi la faiblesse de l’investissement et les difficultés de sa reprise. Cette situation économique, la panne de notre transition économique et notre incapacité ont des difficultés à retrouver un nouveau chemin de croissance forte et sont au cœur de la dégradation de notre note et des frustrations et de l’impatience grandissante de nos partenaires.
La dégradation de notre note souveraine par Fitch est importante, c’est un signal d’alarme de la part de nos partenaires de la gravité de notre crise économique. Plus que jamais, nous devons accorder aux défis économiques une importance stratégique et en faire une question au centre de notre sécurité nationale. La réussite de notre transition politique dépendra des progrès dans le domaine économique et dans notre capacité à relancer la croissance, l’investissement et l’emploi. En même temps, la réussite de notre transition économique permettra d’offrir une lueur d’espoir à nos jeunes chômeurs et particulièrement les diplômés, et nous aidera à les sauver des vendeurs de chimères et des apprentis terroristes.
A nous de mettre l’économie au cœur de nos préoccupations pour la prévenir des dégradations futures et surtout pour redonner confiance dans la réussite de notre transition démocratique.             

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