Par Aida Ben Slima*
Le lancement et le développement par l’Office national de la propriété foncière (Onpf), depuis le 29 mars 2022, de plusieurs services en ligne, appelle un questionnement que nous formulons de la manière qui suit : dans quelle mesure la digitalisation des services de l’Onpf a-t-elle « révolutionné » les procédures administratives afférentes à la propriété foncière ? Les résultats de cette digitalisation ont-ils répondu aux enjeux de la rapidité, de l’efficacité et de la transparence propres au passage au numérique ? Ont-ils été à la hauteur des attentes des usagers ? Que faire pour lutter contre les mentalités réfractaires à la digitalisation ?
Plusieurs données empiriques laissent voir que l’Onpf est engagé de manière irréversible dans le processus de réforme et de modernisation de l’administration dans le contexte tunisien. De nos jours, il fournit divers services en ligne tels que « le certificat de propriété », « le certificat de copropriété », « le certificat de non-propriété », « le certificat des références d’enregistrement d’un contrat », « les exemplaires des titres fonciers », « le certificat d’enregistrement », « la consultation des titres fonciers », « la consultation des opérations immobilières ». Tous ces services facilitent les interactions des usagers avec l’Onpf en leur épargnant les déplacements physiques. Un autre indicateur fort de la digitalisation de l’Onpf consiste en la mise en place d’un système électronique visant à remplacer progressivement les procédures d’enregistrement traditionnelles des « documents, dossiers et archives physiques ». Tous ces services en ligne offrent une plus grande accessibilité aux citoyens, quel que soit leur lieu de résidence. Les utilisateurs peuvent consulter les informations foncières et accéder aux services de l’Onpf depuis n’importe quel appareil connecté à Internet. Tout cela permet de simplifier et d’accélérer les procédures et de réduire les délais de traitement et les erreurs éventuelles.
En effet, cette digitalisation des procédures à l’Onpf débouche sur une amélioration significative de l’efficacité administrative à trois niveaux complémentaires.
D’abord, la dématérialisation des formalités réduit considérablement les tâches manuelles, les déplacements et les échanges de documents physiques. Cela se traduit par des opérations plus rapides, une gestion plus fluide des dossiers et une communication facilitée entre les différents services. Les cadres et les agents peuvent ainsi consacrer plus de temps à des tâches à plus forte valeur ajoutée, améliorant ainsi l’efficacité globale de l’Onpf.
Ensuite, la digitalisation renforce la transparence en offrant une meilleure traçabilité des transactions foncières. Les informations sont centralisées et accessibles en temps réel, ce qui habilite les parties prenantes à avoir une vision claire et complète des dossiers fonciers.
Enfin, le processus de numérisation est à même de limiter les erreurs. Grâce à l’automatisation des tâches, la digitalisation diminue les risques d’erreurs humaines liées à la saisie manuelle de données et, par conséquent, garantit une plus grande précision et fiabilité des informations foncières enregistrées. De même, les délais de traitement des services sont significativement raccourcis. Les demandes de certificats de propriété, de copropriété, non-propriété, « des références d’enregistrement d’un contrat » peuvent être effectuées en ligne, évitant ainsi les files d’attente. Les réponses aux demandes peuvent être traitées plus rapidement, permettant ainsi des économies de temps et d’argent pour toutes les parties impliquées. Cette rapidité d’exécution profite tant aux citoyens qu’aux entreprises, renforçant ainsi la dynamique du marché immobilier.
Bien sûr, le processus de digitalisation engagé par l’Onpf ne va pas sans soulever des enjeux cruciaux liés à, au moins, trois points.
Le premier point concerne la sécurité des données. Pour faire face à cet aléa, l’Onpf doit consolider les mesures de sécurité pour protéger les informations relatives aux titres fonciers. Cela exige l’utilisation de « systèmes de cryptage avancés », de « pare-feux », d’accès sécurisé aux bases de données. Cela implique aussi la promotion, chez les cadres et les agents de l’Onpf, d’une culture de sensibilisation à la cybersécurité ainsi que l’organisation de formations régulières et continues sur la cybersécurité pour tout le personnel.
Le deuxième point est relatif à la maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de la communication, disponibles et en devenir, par le personnel de l’Onpf. La digitalisation nécessite une formation et une adaptation du personnel de l’Onpf à l’utilisation des nouvelles technologies. Il est crucial de mettre en place des programmes de formation approfondis pour sensibiliser et former les cadres, les agents et les employés aux outils numériques. Une gestion du changement efficace et une communication claire sur les avantages de la digitalisation aideront le personnel à maîtriser ces nouvelles pratiques et à maximiser les avantages de la transformation numérique. Il est important de veiller à ce que tous les cadres, agents et employés soient impliqués dans ce processus de numérisation afin de lutter contre les « mentalités de résistance au changement ».
Le troisième et dernier point concerne la réduction de la fracture digitale dans le contexte tunisien. La digitalisation de l’Onpf doit s’accompagner d’une démarche d’inclusion numérique, garantissant à tous les citoyens un accès aux services en ligne de l’Onpf. Pour relever ce défi, il est nécessaire que l’État fournisse des ressources et des formations pour aider les personnes moins familières avec les technologies numériques à utiliser les services en ligne. L’objectif est de garantir que la digitalisation des services de l’Onpf soit « démocratisée » et qu’elle profite à tous les citoyens, en réduisant les disparités d’accès et, par conséquent, en favorisant l’inclusion numérique.
Appuyé sur cette vision des choses, le processus de digitalisation, tel qu’il est mis en œuvre par l’Onpf, aura certainement un impact positif et significatif sur le marché économique tunisien. En simplifiant et en accélérant les démarches d’accès aux services de l’Onpf, la digitalisation favorise un climat d’investissement plus attractif pour les investisseurs nationaux et internationaux. Les délais réduits et la transparence accrue encourageront les transactions et faciliteront l’accès à l’information foncière, stimulant ainsi la croissance du secteur. De plus, une gestion foncière plus efficace contribuera à réduire les litiges liés aux propriétés, renforçant la confiance des acteurs du marché immobilier.
Une plus grande synergie avec les services de fiscalité faciliterait la collecte des taxes immobilières et la gestion des recettes publiques et réduirait les « effets négatifs et les distorsions » du système fiscal. Ce réseautage est de nature à améliorer l’efficacité opérationnelle de l’Onpf et celle de l’administration publique en créant un environnement favorable au développement économique et social.
Mais pour ne pas verser dans l’autosatisfaction qui n’est pas de mise dans l’évaluation des progrès réalisés par l’Onpf dans le cadre de la digitalisation de ses services, il y a lieu de proposer les recommandations suivantes :
– la simplification des procédures de prestation de publicité,
– l’inclusion de l’inscription dans les services fournis par l’Onpf,
– le développement de l’échange des données entre les parties concernées et des bonnes pratiques entre services,
– la rationalisation de « l’utilisation des ressources humaines » et
– la maîtrise par les cadres et les agents de la culture numérique.
Toutes ces mesures sont susceptibles de favoriser la capacité de l’Onpf à être au service des citoyens, à garantir des services administratifs de qualité à l’attention des usagers et, par extrapolation, à consolider son appui à la dynamisation de l’économie.
*Inspecteur en chef à l’Onpf