La faim encore et toujours !

On pensait ce fléau, infamie des temps modernes, totalement dépassé et enterré dans les souvenirs lointains des avilissements de l’homme. On était persuadé que la famine et la malnutrition étaient définitivement effacées de notre univers et que désormais tous les humains pouvaient manger à leur faim et subvenir à leurs besoins.
Malheureusement, les derniers rapports des Nations unies viennent nous rappeler à la triste réalité et nous dire que la famine est de retour et que la sous-alimentation est en train de frapper les personnes les plus pauvres et les plus fragiles dans le monde. Ces rapports ont constitué un cri d’alarme sur l’évolution de la famine dans le monde en dépit des engagements pris par les pays et les politiques mises en place pour réaliser les objectifs du développement durable à l’horizon 2030. La lutte contre la famine et la malnutrition faisait partie intégrante de ce nouveau consensus quant aux objectifs du développement adopté il y a peu par la communauté internationale.
Le rapport publié il y a quelques jours par plusieurs organisations des Nations unies souligne que la faim et la malnutrition dans le monde ont enregistré une augmentation inquiétante au cours de l’année 2018. Cette progression apparaît après plusieurs années de recul, à partir de 2015 où la famine et la malnutrition sont de nouveau d’actualité.
Selon ce rapport, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde est estimé à 821,6 millions en 2018, soit une augmentation de plus de 10 millions de personnes par rapport à 2017. Ce chiffre augmente pour atteindre deux milliards de personnes si on inclut les personnes en situation d’insécurité alimentaire.
Ce rapport nous donne également la répartition géographique de ce phénomène menaçant. Et, sans surprise, c’est le continent africain qui vient en tête de ce classement avec près de 20% de la population globale qui sont victimes de cette ignominie. Les autres continents ont de leur côté enregistré un retour de la famine, notamment l’Asie avec 12% de la population totale touchés par ce phénomène et l’Amérique latine et les Caraïbes avec 8%.
Les pays qui souffrent le plus de ce phénomène selon ce rapport sont le Yémen, le Congo démocratique, l’Afghanistan, l’Ethiopie, le Sud Soudan et le Nord du Nigéria.
Mais, ce phénomène ne se limite pas aux pays pauvres et en développement. En effet, les pays développés ont également connu le retour de la famine au cours des dernières années avec les crises économiques et sociales, notamment auprès des couches pauvres et marginalisées.
Mais, le côté le plus effrayant est qu’il touche de plus en en plus les enfants. Ce rapport souligne que le nombre d’enfants qui souffrent de famine et de malnutrition dans le monde est de 149 millions d’enfants.
Le rapport récent des organisations des Nations unies vient nous rappeler avec ces chiffres chocs, la grande détérioration de la situation de l’alimentation dans le monde. Ce rapport brosse un tableau effrayant de l’évolution de ce phénomène et souligne que les objectifs fixés dans le consensus sur le développement et les objectifs du développement durable en 2030 d’enrayer la famine ne seront pas atteints.
Ce rapport s’est également intéressé aux raisons de cette évolution et de la détérioration des conditions de l’alimentation dans le monde. Il a mis en exergue le rôle des guerres, des conflits et de l’instabilité politique en général et les catastrophes naturelles qui ont joué un rôle important dans le retour des crises alimentaires.
Mais, en dépit de son importance, ce rapport ne s’est intéressé que de manière marginale à la question des politiques agricoles et des choix de développement mis en place dans ce domaine qui expliquent largement cette détérioration des conditions de l’alimentation.
On ne le dira jamais assez les politiques agricoles et les choix de développement agricoles ont été marqués depuis la Seconde Guerre mondiale par la prévalence des intérêts urbains et de l’industrie par rapport à ceux du milieu rural et de l’agriculture. Plusieurs raisons expliquent ces choix et cette orientation. La première est d’ordre idéologique et considère que le monde rural est le lieu de survivance des idées conservatrices et qu’il se rattache aux valeurs anciennes et rejette par conséquent le progrès et cette volonté de rentrer de plain-pied dans l’ère de la modernité.
Le second argument qui explique cette marginalisation de l’agriculture dans les choix de développement est plutôt d’ordre économique et se rattache à la vieille idée que la trajectoire du développement est à l’origine d’une marginalisation et d’un retrait du secteur primaire en faveur du secteur secondaire. Cette conviction a longtemps influencé les choix de développement dans les pays développés et dans les pays en développement et explique largement la marginalisation de l’agriculture et du monde rural depuis des décennies.
Parallèlement aux conflits et aux catastrophes naturelles, les choix de développement et la marginalisation de l’agriculture sont à l’origine de ce retour en force des famines et de la malnutrition. Aujourd’hui, nous avons besoin d’une rupture avec les choix passés afin de mettre le développement durable, l’agriculture et l’alimentation au centre pour mettre fin à l’ignominie de la faim et de l’insécurité alimentaire dans notre univers.

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