Sans être superstitieux, il faut croire que le soulèvement démocratique du 14 janvier 2011 n’a pas été, le moins qu’on puisse dire, un accélérateur pour la concrétisation des mégaprojets qui ont fait rêver les Tunisiens à la fin des années 2000.
L’abandon, sinon le report de ces projets ont été précédés, fallait-il le préciser, par la crise financière internationale qui a été déclenchée en 2008 aux USA. Toujours est-il que, à l’exception des travaux du port financier de Raoued qui avancent correctement, les deux autres projets à savoir les “portes de la Méditerranée” promu par Sama Dubaï et Tunis-Sport-city du Groupe Boukhater n’ont pas beaucoup avancé depuis.
Et pour cause, l’Etat tunisien a “offert” pour 1 dinar symbolique 800 ha de terrains en plein cœur de la Capitale sur les rivages du Lac sud de Tunis, assaini aux frais de la collectivité nationale, y compris l’ancien port commercial de Tunis à des investisseurs du Golfe qui se sont engagés à investir massivement pour créer une ville nouvelle. Curieusement, il n’ont pas été déchus du bénéfice de ce “cadeau” à ce jour Tunis Sport city est un projet aussi grandiose qui a tout de suite séduit par son originalité et sa puissante thématique sportive haut de gamme, bien qu’il soit un projet intégré avec une diversité de composantes : touristique, immobilière, implantations d’entreprises… les terrains prévus pour l’implantation de ce projet, certes stratégiques, situées entre le Lac Nord de Tunis, l’aéroport Tunis-Carthage, Carthage et Sidi Bou Saïd : 250 hectares bradés par l’Etat à 1 dinar le mètre carré. Pratiquement, un cadeau contre un investissement conséquent pour transformer le visage de la zone.
L’impact des exploits sportifs de haut niveau et des performances d’athlètes dans les sports nobles sur l’opinion publique internationale en termes d’image est exceptionnel.
Surtout que notre pays souffre depuis toujours d’un déficit en matière d’image, alors qu’il a besoin d’une image brillante pour attirer investissements extérieurs et touristes, d’autant plus qu’en l’occurrence, il s’agit de sports qui bénéficient d’une grande popularité comme le foot-ball ou encore d’une grande notoriété comme le tennis ou le golf.
A quoi sommes-nous en droit d’attendre de la réalisation de ce mégaprojet ? Création de 10.000 emplois permanents contre 5 milliards de dollars à investir.
Il est permis de rêver, en attendant la concrétisation dans une dizaine d’années, d’un certain nombre de composantes du projet pour effacer la désolation du paysage actuel de terrains vagues abandonnés aux herbes folles.
Il convient de remarquer que l’Etat tunisien a consenti dans le cadre de cette convention plusieurs engagements coûteux vis-à-vis de l’investisseur émirati.
D’abord, réaliser toutes les infrastructures nécessaires et amenées de fluides indispensables au bon fonctionnement de la ville jusqu’au périmètre de la zone : routes, électricité, eau, télécoms, assainissement,…
Ensuite, renoncer à imposer toutes sortes d’impôts douaniers et de taxes diverses relatives aux entreprises économiques qui s’installent sur place. C’est un manque gagner considérable pour le budget de l’Etat.
Depuis trois ans, le promoteur n’a pas cessé d’exprimer sa ferme intention de réaliser cette ville nouvelle de Tunis Sport City mais en y apportant des modifications et des changements relatifs aux composantes du projet et au plan d’aménagement de la zone.
Plusieurs correspondances ont été échangées et des réunions ont eu lieu entre des représentants délégués par Abderrahmane Boukhater avec les autorités tunisiennes à ce propos.
Parmi les propositions rejetées figurent en bonne place la réduction des espaces sportifs de 26 à 17 ha, le remplacement du parcours de golf de 18 trous à 9 trous (soit de 81 ha à 41 ha), une seule île artificielle subsisterait au lieu des deux îles prévues avec port de plaisance.
Les espaces prévus pour accueillir les équipements publics : police, poste, protection civile… disparaîtraient au profit de l’immobilier : logements de luxe, bureaux et services privés.
Les pouvoirs publics tunisiens ont tenu bon et refusé toute modification proposée. Ils sont restés attachés à l’esprit et à la lettre du projet initial.
Le Groupe Boukhater a voulu réduire la superficie et le coût, supprimer certaines composantes, peu ou non rentables : et en même temps allonger la durée de réalisation jusqu’en 2017, en multipliant les étapes, afin de limiter l’ampleur des financements à mobiliser.
Et parallèlement à cela, faire monter en puissance les composantes immobilières du projet : plus rentables et sujettes à sous-traitance.
Finalement et malgré l’insistance de l’investisseur émirati, les ministères tunisiens de l’Investissement extérieur ainsi que de l’Equipement se sont montrés fermes et attachés au respect strict du plan d’aménagement, objet de la convention de 2007 avec ses différentes composantes. C’set pourquoi Boukhater a fini par accepter le maintien du projet tel quel et de signer le procès verbal des entretiens.
Bientôt les travaux vont reprendre semble-t-il en attendant les confirmations écrites de l’investisseur.
Il y a lieu de reconnaître que lorsque la durée de réalisation d’un projet s’étale dans le temps au delà de 5 ans, son impact de levier et de starter sur la croissance économique ainsi que le développement de la région et du pays, se trouvent amorties et atténués vis-à-vis des attentes légitimes de la population et des autorités cela est généralement pratiqué par les investisseurs dans leur souci de recycler les financements consentis et de relativiser les risques encourus.
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