Le « petit village des économistes », comme certains appellent le monde des économistes, est sens dessus dessous. Il traverse une crise étouffante et fait l’objet de nombreuses critiques et remises en cause. Les débats sur l’avenir de l’économie politique se multiplient au cours des dernières semaines. Beaucoup n’ont pas hésité à annoncer la fin de l’économie politique classique ou traditionnelle, telle que nous l’avons héritée de nos ancêtres historiques, le quatuor composé d’Adam Smith, l’Irlandais, David Ricardo, le Britannique, Jean-Baptiste Say, le Français, et Karl Marx, l’Allemand.
D’autres ont entrepris une campagne pour défendre le temple et apporter des réformes dans les théories et les idées pour protéger ce haut lieu de l’effondrement. Beaucoup estiment que ces tentatives de redonner vie à l’économie politique seront vaines, et ils se sont lancés dans la recherche de nouvelles idées et théories pour comprendre les transformations de notre monde, ses complexités ainsi que ses crises.
Nous faisons l’hypothèse que les raisons profondes de la crise de l’économie politique et du discours sur la fin de ce projet, ancrée dans une histoire qui remonte à plus de deux siècles, réside dans son incapacité à comprendre et à lire les grands bouleversements que le monde a connus au cours de ces dernières années. La fin de l’économie politique classique est au cœur d’une hypothèse majeure que ces fondements philosophiques, ces théories et les politiques publiques qu’elle a proposés étaient adaptés au monde du début de la révolution industrielle au XIXe siècle, ainsi qu’au développement du capitalisme au XXe siècle, contribuant ainsi à l’accumulation matérielle et à l’enrichissement des sociétés modernes.
Cette accumulation et l’enrichissement qu’elle a suscités ne se sont pas limités aux pays développés, mais ils ont également touché les pays en développement après leur sortie du colonialisme depuis le milieu des années 1950, leur permettant d’entrer dans l’ère de l’accumulation de masse et de la croissance capitaliste et matérielle.
Cette période historique, qui s’est étendue sur plus de deux siècles, a été l’âge d’or de l’économie politique classique, qui a été en mesure de comprendre la dynamique du monde d’hier et de formuler les politiques nécessaires pour sortir de la pauvreté et de la famine, et entrer dans le monde de l’abondance et de la société de consommation de masse.
La sortie du monde d’hier et l’entrée dans le monde immatériel, marquées par la montée des réseaux sociaux, sont au cœur de la crise de l’économie politique classique qui a perdu sa capacité à comprendre les grands changements du monde d’aujourd’hui. Elle a connu un déclin important et un recul sans précédent qui l’a fait descendre de son piédestal du haut duquel elle régnait sur l’ensemble des sciences sociales et humaines. Un règne et une domination qui ont procuré aux économistes la joie de dominer la sphère des politiques publiques pendant plus de deux siècles.
Les répercussions directes de la crise du cadre théorique et intellectuel de l’économie politique, et son incapacité à comprendre le monde d’aujourd’hui, se manifestent dans son échec à lire les multiples crises que nous vivons aujourd’hui et le triptyque des crises économiques, sociales et climatiques qui sont au cœur de la montée des risques globaux.
La crise de l’économie politique exige aujourd’hui la formulation d’un nouveau cadre intellectuel capable de penser et de corriger les crises du monde de demain.
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