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Un membre présumé du commando qui aurait assassiné le journaliste saoudien Jamal Khashoggi en 2018 à Istanbul a été interpellé mardi matin à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle. Si son identité était confirmée, il pourrait être extradé vers la Turquie. Cette arrestation survient deux jours après la visite d’Emmanuel Macron à Riyad.
L’information a rapidement été reprise dans la presse internationale : Khalid Al-Otaibi, 33 ans, a été interpellé par la police aux frontières, mardi 7 décembre. Comme le souligne The Washington Post, cela “marque la première arrestation internationale pour ce meurtre sinistre qui a fait de l’Arabie saoudite un paria pour le reste du monde, pendant des années”.
L’agence Reuters, citée par le journal états-unien, rapporte que des démarches ont été entamées en vue d’une extradition vers la Turquie. “Al-Otaibi était l’un des 17 Saoudiens sanctionnés par le ministère des Finances des États-Unis en 2018 pour avoir fait partie de l’équipe impliquée dans le meurtre”, rappelle le quotidien.
Toutefois, les autorités saoudiennes ont mis en doute l’identité de la personne arrêtée. Un responsable saoudien s’exprimant à titre anonyme a déclaré au Washington Post : “les informations des médias selon lesquelles une personne impliquée dans le crime contre le ressortissant saoudien Jamal Khashoggi avait été arrêtée en France sont fausses. Il y a erreur sur l’identité. Ceux qui ont été reconnus coupables du crime purgent actuellement leurs peines en Arabie Saoudite.”
Critique du pouvoir saoudien, chroniqueur pour le Washington Post, Khashoggi avait été assassiné le 2 octobre 2018 au consulat d’Arabie Saoudite en Turquie. Son corps avait été démembré sur les lieux et n’a jamais été retrouvé. Le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane (MBS), avait validé l’opération, d’après une enquête de l’ONU et un rapport déclassifié du renseignement états-unien.
L’arrestation de ce 7 décembre “intervient deux jours après la rencontre du prince Mohammed avec le président français Emmanuel Macron, premier grand dirigeant occidental à se rendre dans le pays et à rencontrer le prince depuis l’assassinat de Khashoggi”, note The Washington Post.
En 2019, un tribunal saoudien avait condamné à mort cinq personnes pour le meurtre du journaliste mais ces peines capitales avaient ensuite été annulées.
De son côté, la Turquie “a ouvert un procès l’an dernier où sont jugées 20 personnes accusées d’avoir joué un rôle dans l’assassinat. Tous les suspects ont été jugés in absentia car on les croit en Arabie Saoudite. La dernière audience a eu lieu ce mois-ci”, rappelle le journal.
Toutefois, l’espoir que ce procès puisse révéler de nouvelles informations sur ce qui est arrivé à Khashoggi, ou déboucher sur des condamnations qui mettraient dans l’embarras la monarchie saoudienne, s’est amenuisé : la Turquie a cherché à se raccommoder avec l’Arabie saoudite et a cessé d’accuser publiquement Riyad d’avoir étouffé l’affaire, ou de pointer le rôle des hauts responsables saoudiens.”
Le journal britannique The Guardian précise que d’après une enquête d’Agnès Callamard, à l’époque Rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, Khalid Al-Otaibi serait un proche collaborateur du prince Mohammed, un des responsables de sa sécurité personnelle. Il aurait été présent dans la résidence du consul général en Turquie au moment du meurtre et des sacs contenant les morceaux du corps de Khashoggi auraient pu passer entre ses mains.
“Si c’est bien le responsable que j’identifie dans le rapport et qu’il se soit trouvé dans la résidence, alors je pense qu’il est un de ceux qui pourraient fournir des informations sur l’endroit où se trouve le corps”, déclare Agnès Callamard, citée par The Guardian.