Parallèlement à ses grandes priorités politiques, la Francophonie s’est également intéressée aux questions économiques et s’est dotée de grands choix et de grandes priorités économiques. Ces choix expriment la spécificité de l’OIF dans le contexte international et sa volonté de mettre l’humain au centre des dynamiques économiques. La nouvelle stratégie économique de la Francophonie qui sera adoptée par les chefs d’Etat lors du Sommet de Djerba va consacrer l’engagement de la Francophonie en faveur du développement durable et inclusif.
C’est lors du XVe Sommet tenu à Dakar (Sénégal) les 29 et 30 novembre 2014 que les chefs d’Etat et de gouvernement ayant le français en partage ont adopté pour la première fois une stratégie économique pour la Francophonie. Il s’agit d’un tournant majeur dans l’histoire de l’espace francophone dans la mesure où les Etats membres ont décidé de faire de la coopération économique un axe majeur de l’espace francophone. Ce choix stratégique a été affirmé de manière solennelle dans la déclaration de Dakar dans laquelle les chefs d’Etat veulent « renforcer l’action économique dans l’espace francophone, ainsi que la coopération et la solidarité en faveur des jeunes et des femmes ».
L’ensemble des acteurs de la Francophonie se sont engagés à la mise en place de cette stratégie économique de la Francophonie (SEF). Ainsi, les Etats et gouvernements membres, l’OIF et les opérateurs de la Francophonie, les Conférences ministérielles permanentes, les réseaux partenaires institutionnels et professionnels, le secteur privé, les organisations d’intégration régionales, ainsi que les grandes instances internationales devaient-ils jouer un rôle important dans la mise en œuvre de la Stratégie économique de la Francophonie (SEF).
La SEF a développé une vision « qui place l’épanouissement de l’individu au cœur du processus du développement économique durable ». La réalisation de cette vision doit se faire par le biais de deux axes stratégiques : promouvoir une économie centrée sur l’homme et son épanouissement et renforcer l’espace économique francophone pour en faire un espace d’échanges, de coopération et de solidarité privilégié. Cette stratégie a enfin défini les modalités d’action pour atteindre trois objectifs : la mobilisation, la coopération et l’influence, et le plaidoyer.
Cette SEF a joué un rôle important dans le développement des programmes et des priorités de l’OIF et de l’ensemble des acteurs de l’espace francophone au cours des dernières années. Elle a été à l’origine de la formulation des deux planifications économiques quadriennales 2015-2018 et 2019-2022 qui ont permis la mise en place d’activités et de programmes visant le renforcement de la coopération économique au sein de l’espace francophone.
Or le monde, ainsi que l’espace francophone, ont connu d’importants changements qui justifient la révision de la SEF. La direction de la Francophonie s’est lancée dans cet exercice depuis le début de l’année 2020 pour répondre à ces changements et à ces transformations sans précédent.
Le premier niveau de changement est interne à la Francophonie
Il concerne l’élection de Madame Louise Mushikiwabo par les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres comme Secrétaire générale de la Francophonie lors du Sommet d’Erevan (Arménie) tenu en octobre 2018 et son arrivée à la tête de l’institution au début de l’année 2019. La nouvelle Secrétaire générale a été élue sur la base d’une nouvelle vision de la Francophonie basée sur cinq objectifs prioritaires : paix et démocratie, langue française, éducation, jeunesse et numérique. Elle vise à imprégner la coopération économique par ses nouvelles priorités.
Le second changement qui touche l’institution concerne l’élargissement de l’OIF qui est passée de 80 à 88 Etats et gouvernements membres pour renforcer sa place comme l’une des plus grandes institutions multilatérales. Cet élargissement exige la révision des priorités de l’institution afin de mieux répondre aux attentes des pays membres et d’intégrer les priorités économiques dans le document politique qui sera adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement et la révision de la programmation 2019-2022 de l’OIF lors du XVIIIe Sommet de la Francophonie prévu préalablement à Tunis en 2020.
Le troisième changement est lié aux transformations internes de l’OIF et au renforcement de la transversalité du numérique dans les programmes et l’action multilatérale francophone et l’avènement de la Stratégie de la Francophonie Numérique (SFN) comme une stratégie d’ensemble.
Le second niveau de changement est lié aux transformations sans précédent que le monde est en train de vivre au cours des dernières années et qui se sont accélérées lors des derniers mois avec la pandémie de la Covid-19
L’essoufflement de la globalisation a débuté depuis la grande crise financière de 2008, et même si les politiques mises en place ont permis de sauver le système global. En effet, après cela, nous n’avons pas pu retrouver une croissance globale forte et solide. Ce ralentissement a été renforcé par la montée des inégalités sociales qui ont largement réduit la légitimité de l’ordre global. A cela s’est ajoutée l’incapacité de la communauté internationale à trouver un consensus afin de lutter contre le réchauffement climatique et sauver la planète. Et enfin, les guerres commerciales récentes entre les grandes puissances commerciales ont pesé de tout leur poids sur la croissance globale.
Parallèlement aux difficultés de la globalisation, il faut également mentionner les grandes transformations de l’économie mondiale avec la digitalisation et l’apparition des industries 4.0 qui ont transformé nos modes industriels et le fonctionnement de nos économies.
Mais, le changement le plus important de l’économie mondiale est sans aucun doute la pandémie de la Covid-19 qui a touché le monde avec une férocité sans équivalent en temps de paix dans l’histoire du monde moderne. Parallèlement aux pertes humaines et aux difficultés de maîtriser la propagation du virus, cette pandémie a eu des conséquences majeures sur les plans économique et social. Le monde est en train de connaître la crise la plus profonde de son histoire provoquant une révolution majeure dans le domaine de la réflexion économique mais aussi dans celui des politiques économiques et des politiques publiques dans tous les pays comme dans les institutions internationales. La révision de la SEF doit favoriser la prise en compte par l’OIF des grandes transformations de notre monde.
L’ensemble de ces transformations, tant internes à l’OIF que dans le monde, justifie la décision de la Secrétaire générale de favoriser une révision de la SEF.
Cette décision a été à l’origine d’une grande mobilisation de l’OIF pour développer une nouvelle vision économique et une stratégie économique qui sera adoptée lors du Sommet de Djerba.