La fuite en avant !

La célébration de l’indépendance du pays s’est déroulée, cette année, dans une atmosphère de tiédeur et de désintérêt. On a l’impression que les Tunisiens n’ont plus le moral pour faire la fête et que la morosité ambiante, l’inquiétude, l’absence de perspective, l’exacerbation des tensions et le jeu périlleux auquel se plaisent à jouer les partis politiques et les acteurs sociaux ont mis à mal leur confiance.
Le laxisme qui règne et le tourbillon dans  lequel est  pris  le gouvernement d’union nationale ;   obérant sa capacité  à gérer les affaires du pays d’une façon claire, franche et cohérente,  indiquent que les voies de sortie de la crise sont escarpées, voire même difficilement atteignables.
« Quand le droit n’est pas la force, il est le mal », affirmait Oscar Wilde. Malheureusement chez nous,  le droit a perdu sa force et tous les maux dont souffre le pays, avec le grand affaiblissement de l’Etat et la politique des mains tremblantes, sont en train de précipiter la Tunisie dans une sorte d’anarchie dont les conséquences risquent d’être incontrôlables.Au lieu d’arrêter les dégâts, on préfère  la fuite en avant. En lieu et place de tenir le Tunisien pour témoin de la grave situation que traverse le pays qui risque,  à tout moment,  de connaître le scénario grec, on préfère acheter la paix sociale au risque  même d’hypothéquer toute possibilité de remettre de l’ordre dans le pays, d’engager  les réformes les plus urgentes  et d’obliger les opérateurs économiques à faire  des choix particulièrement douloureux.
Est-il sage au moment où les finances publiques sont asséchées, les caisses de sécurité sociale risquent la faillite, le système bancaire croule sous des dettes accrochées de plus en plus lourdes, l’Administration est devenue une source de blocage insurmontable à tout processus de relance de l’économie, notamment de l’investissement, de voir le gouvernement décider des augmentations salariales dans le secteur public et privé qui, loin de restaurer la confiance, n’ont fait qu’accentuer le questionnement voire même la colère ?
Le non déblocage dans les délais impartis par le FMI de la deuxième tranche du crédit accordé à la Tunisie dans le cadre du mécanisme de soutien aux réformes économiques et financières  ne renseigne-t-il pas sur l’incapacité du gouvernement à opérer des changements significatifs sur la masse salariale du secteur public, les finances publiques et le secteur bancaire ?
Le vent de division qui a gagné l’UTICA, dont le Bureau exécutif a fini par donner son aval, sans engager une large concertation, à une augmentation de plus de 12% dans les salaires du secteur privé, a mis à nu les limites de la politique de l’achat de la paix sociale à n’importe quel prix. Pour des secteurs sinistrés n’aurait-il pas mieux valu chercher les voies qui mènent à la préservation de l’entreprise et des emplois que de précipiter la désarticulation de pans entiers de l’économie?
Manifestement, tout le vent d’optimisme qui a soufflé sur le pays à l’occasion de la conférence internationale Tunisia 2020 se trouve aujourd’hui évanoui. Dans quelle mesure il sera possible de relancer l’investissement créateur d’emploi et de richesses si très peu de choses sont faites pour améliorer l’environnement des affaires, restaurer la confiance et améliorer la compétitivité des entreprises ? Alors que les réformes sont bloquées et  la résistance au changement se fait de plus en plus sentir, le gouvernement semble préférer la politique de l’autruche en cédant rapidement aux pressions syndicales et en ne présentant pas à l’opinion publique, par le moyen d’une communication étudiée et directe, la réalité de la situation et le prix à payer pour arrêter cette descente aux enfers. Quelle circonstance atténuante peut-on donner aujourd’hui à un gouvernement qui a laissé Kerkennah depuis plus d’un an, une zone de non droit  et condamné une entreprise étrangère à l’arrêt de production ? En cherchant vaille que vaille le compromis et d’occulter le jeu dangereux de certaines parties, on est tombé   dans la compromission. Peut-on par la suite espérer convaincre les étrangers à investir en Tunisie ?
La seule circonstance atténuante qu’on pourrait donner au gouvernement Chahed concerne, peut-être, la défaillance de Nidaa Tounes, un parti qui, d’une solution, est devenu un véritable problème pour la Tunisie et pour le fonctionnement de ses institutions. Les derniers événements et scandales qui ont émaillé la vie de cette formation annoncent son crépuscule et fragilisent davantage un gouvernement qui n’arrive pas à prendre le bon cap.

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