Affectés à la vulgarisation du Coran auprès d’un large public et donc impliqués dans la gestion des biens de salut divin, les imams finissent par céder à la tendance de percevoir leur fonction prédicatrice au-dessus des profanes et de leur justice.
Pareille représentation du surplomb sacerdotal en son heure de gloire, avec la suprématie de la papauté médiévale apte à sacraliser ou à excommunier la papauté.
En islam, il n’y a pas d’église mais le tronc commun est la religiosité.
Le céleste vogue là-haut et le terrestre traîne en bas. Ici et maintenant les imams découvrent une source d’inspiration.
L’émir autoproclamé leur indique le droit chemin, assirat al mostaquime. Pour Baghdadi, les rois et chefs d’Etat, ces rénégats sont faits pour être dégagés manu militari.
A l’appui de sa revendication protestataire, le “Conseil national des Imams” cite les décisions prises en totale inconformité avec les normes applicables aux affaires à tonalité religieuse. Les mesures incriminées ont trait à la révocation d’imams et à la fermeture de mosquées après l’attentat de Sousse.
Musclé, le discours de BCE n’y est pas du tout allé par quatre chemins. La guerre incite à répondre par la guerre. Vous voulez la poigne de Bourguiba, vous l’aurez, comptez sur moi. Face à ce regain de vivacité, signe de vitalité, l’autoproclamé conseiller de BCE pour laisser tomber sa candidature aux élections présidentielles, doit maudire sa ritournelle.
Mais revenons à nos imams. Selon le Secrétaire général du syndicat, la loi antiterroriste et l’état d’urgence agressent le champ religieux sous le couvert d’une lutte engagée contre l’extrémisme takfiriste. Cette prise de position dévoile une opposition fondamentale.
L’esprit de l’Etat civil et la doxa charaïque, fondements de la bipolarisation sociale, demeurent peu compatibles malgré l’écart établi entre Ghannouchi et ses faucons.
Affublé d’un tout autre style, Abou Iyadh aurait précipité le pays dans les affres de la guerre civile. La réaction des imams contre l’offensive déclenchée pour venir à bout de la guérilla djihadiste, montre à quel point le combat livré au réformisme par le conservatisme n’a guère cessé depuis Bourguiba.
Aujourd’hui la raison du blocage économique est là. Conscient de l’extrême difficulté rencontrée sur la voie de la transition vers la modernité, Bourguiba aimait répéter une formulation qui lui ressemble tant : « Edwam Yonqob erkham ». Par sa durée, la persévérance troue le marbre. Sa guerre fut longue et l’actuelle protestation des imams confirme combien le marbre s’avère difficile à percer.
L’indignation des imams contre la révocation de prêcheurs soupçonnés de salafisme pro-djihadiste n’a rien pour déplaire à Baghdadi sans doute renseigné sur les pays convoités par lui.
Le carnage de Sousse précipita le télescopage provoqué entre deux visions du monde, l’une à connotation divine et l’autre à coloration humaine.