L’appellation donnée à la Cisjordanie par les occupants est la Judée-Samarie. A connotation religieuse, l’étiquette métamorphose la guerre d’extermination menée par l’armée d’occupation.
Avec l’évocation machiavélique d’un lexique judaïque élaboré à l’ère judéo-chrétienne, il ne s’agit plus d’un procès génocidaire mais il devient question d’une légitime défense opposée au « terrorisme » du djihadisme. De même, pour l’«Organisation Armée Secrète » et les « Pieds-noirs », l’expression « Algérie française » énonce le rejet de l’indépendance. Ce pouvoir performatif du langage opère à deux étages. D’une part, œuvre la désignation et, de l’autre, intervient la force apte à imposer telle appellation aux dépens de toute autre dénomination. Au vu de cette gnose infiltrée entre les mots et les choses les Ghazaouis n’existent pas et Netanyahu bombarde Gaza.
La Judée-Samarie est à moi et vous, étrangers, que faites-vous là ? Ce refrain ne laisse qu’une alternative aux Palestiniens.
A l’aune de la réciprocité, il ne suffit pas d’appeler Gaza « territoire occupé » sans disposer de la force apte à le prouver. Car la parole performative est celle qui est suivie d’effet. Dans son ouvrage titré « Quand dire, c’est faire », J.L. Austin écrit : « Supposons par exemple que j’aperçoive un bateau dans une cale de construction, que je m’en approche et brise la bouteille suspendue à la coque, que je proclame “ je baptise ce bateau Joseph Staline” et que, pour être bien sûr de mon affaire, d’un coup de pied, je fasse sauter les cales. L’ennui, c’est que je n’étais pas la personne désignée pour procéder au baptème ». Le conflit palestino-israélien relève de la même dialectique, celle de l’effluve performatif.
Autrement dit, le discours prononcé demeure dépourvu d’effet sans la force de l’imposer au niveau de l’espace disputé.
L’histoire ajoute à l’actualité le sens donné au passé. Ainsi, échaudés par le racisme franco-allemand de l’époque hitlérienne, les juifs des années 40-45 organisent l’afflux mondialisé vers la Judée.
A ce propos, l’ouvrage d’Hanna Harendt « Le système totalitaire » dresse un décisif point de repère.
Aujourd’hui, à l’usage de l’expression Judée-Samarie par Netanyahu, les Palestiniens opposent l’appellation Al Qods Acharif. Dès lors, sous la pellicule religieuse, apparaît, au grand jour, la congruence des rapports de puissance. A l’échelle planétaire, Trump, secondé par sa poignée de milliardaires, proclame son projet de redessiner les frontières de l’univers. Le golfe du Mexique deviendra le golfe de l’Amérique. Le Canada sera le 51e Etat, Grœnland et Panama cesseront de fourbir l’épine mise au profit de la Chine. Quant à Elan Musk, l’homme le plus vulgaire de la terre, il ajoutera sa pierre à l’ample transformation planétaire.
Les charges performatives de ces propos ont à voir avec le pouvoir des milliards.
Le discours performatif est donc celui qui est suivi d’effets. Munis de cette boîte à outils, revenons au Moyen-Orient mis à feu et à sang. Nasrallah dit « Palestine occupée », Netanyahu dit « Judée-Samarie ». Là coulent et roucoulent, sans l’écorce de l’énonciation, les rapports de force. Pour que son discours soit, lui seul, performatif, l’un de ces deux locuteurs devait réduire l’autre au silence et c’est Netanyahu qui tua Nasrallah.
L’assassinat israélien des commandants palestiniens obéit à cette même problématique de la perspective performative.
Leurs propos, s’ils étaient suivis d’effets militaires, menaceraient la manière génocidaire. Il fallait donc les canarder l’un après l’autre, jusqu’au dernier. Hélas, une fois éliminé le dernier, d’autres leaders, apparaissent à la barbe de Méphistophélès. Alors, que faire sans la guerre ?
Sous l’actuelle trêve, la rémission du volcan répond à la question. g