La loi électorale devrait prévoir une solution «préélectorale» à l’analphabétisme, ont réclamé, samedi, des membres de l’Association tunisienne du droit constitutionnel (ATCD.)
«Personne n’a encore établi, jusqu’à aujourd’hui, un lien entre la rationalisation des candidatures et la parité horizontale. Le débat s’est limité sur le parrainage, alors que ce dernier écrase la rationalisation électorale», nous a affirmé Salsabil Klibi, professeure de droit constitutionnel, lors d’une conférence sur la loi électorale tenue samedi à Tunis.
Principe de parrainage des analphabètes
Quelles sont les techniques que l’on pourrait adopter pour rationaliser les candidatures? Plusieurs solutions ont été proposées dans le projet de loi.
Les députés de la Commission de la législation générale à l’Assemblée nationale constituante (ANC) ont voté vendredi dernier le principe de parrainage des analphabètes. Ce vote a été qualifié par le coordinateur général du réseau Mourakiboun, Rafik Halouani, d’«incident étrange». «Nous considérons ce vote comme étant une transgression du principe de la liberté de vote. Cette décision ouvrira la voie à des dérives dont notamment l’achat des voix», a-t-il estimé.
«Sans exagération, ce vote est une catastrophe. L’accompagnement des analphabètes, qui n’ont même pas de carte, à titre de preuve, pourrait influencer ces électeurs», a-t-il encore averti. Le nombre d’analphabètes en Tunisie est estimé à 1.800.000, selon les statistiques officielles.
Et de rappeler : «en ce qui concerne les précédentes élections, on a considéré, au sein de l’ISIE (I) que c’était un secret d’État. Mais ce n’est que le jour des élections que les analphabètes ont vu le bulletin de vote. C’est inadmissible.»
La dichotomie exécutive et législative
«Le parrainage des analphabètes n’est pas la meilleure technique dans des pays qui n’ont pas de traditions démocratiques», a averti Salsabil Klibi. Pour elle, outre l’option de l’achat des voix, les parrains et les parrainés pourraient être dévoilés, au lendemain des élections législatives ou présidentielles. Récompenses, pratiques dangereuses, stigmatisation et règlements de compte sont désormais opératoires. «Le parrainage dans les élections législatives est pire et très rarement adopté dans le monde», a-t-elle souligné, indiquant que l’Algérie et le Sénégal sont des exemples de pays qui utilisent ce mode-solution.
Logiquement, l’organisation d’élections législatives et présidentielles dans le même temps implique qu’une même formation soit gagnante. «Un électeur cohérent avec lui-même ne choisira pas, au même instant, deux idéologies contradictoires», a-t-elle précisé. Avant de poursuivre : «un Parlement ne présentera pas une motion de censure contre son parti.»
Ainsi, à la lumière des résultats des premières élections (législatives ou présidentielles), l’électeur pourrait prendre du recul pour rectifier le tir et équilibrer le jeu politique de son pays. «Il est dangereux pour une démocratie naissante de mettre l’exécutif et le législatif dans le même panier», souligne-t-elle.
Madame candidate
Dans les deux cas, présidentiel et législatif, la place accordée à la femme est à repenser. La parité horizontale n’a pas fait objet d’accord à l’Assemblée nationale constituante (ANC). «La parité horizontale rationalisera le processus électoral dans la mesure où elle réduira énormément le nombre de candidatures», ajoute la constitutionnaliste.
Des listes avec autant de têtes de liste femmes qu’hommes éviteront toute «discrimination».
Ce système de parité horizontale mettra même en pratique les dispositions de l’article 46 de la Constitution relatif à la garantie des droits des femmes à l’égalité des chances.
Le mode de scrutin, le proportionnel avec le plus fort reste et la fixation d’un seuil électoral, agissant sur la répartition des sièges pourraient servir de solution. Salsabil Klibi propose un seuil de norme, de 3 à 5 voix. L’exercice du droit de vote, que ce soit au niveau du sexe ou d’une catégorie, est un droit affirmé dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.
Chaïmae Bouazzaoui