Enfin, la nouvelle loi sur l’investissement est entrée en vigueur le 1er avril dernier ! Quel parcours du combattant depuis l’annonce de la révision du code des investissements de 1993. Il faut dire que ce texte qui a joué un rôle important par le passé n’est plus adapté aux nouveaux contextes économiques —national et international—. Il fallait par conséquent le revoir de fond en comble et proposer un nouveau texte capable de répondre aux nouveaux défis de développement post-révolution.
Mais, même si l’ensemble des acteurs politiques et économiques étaient favorables à cette révision, comme le parcours fût long et tortueux au gré des soubresauts de la vie politique post-révolution ! Une première version de la nouvelle loi fût retirée de l’ANC en 2014 par le gouvernement Jomâa, car elle fût jugée trop complexe et avec un poids de l’Administration, notamment par le biais des démarches administratives, encore plus important que celui de la loi de 1993. Le gouvernement Habib Essid s’est attelé à la préparation d’une nouvelle loi plus simple et dont l’objectif était de relancer l’investissement notamment à travers la facilitation des procédures et une nouvelle gouvernance plus claire.
Mais, dès sa finalisation, ce nouveau projet de loi s’est trouvé l’otage de sourdes batailles politiques qui ont empêché son adoption par l’Assemblée. Et, ce n’est que quelques jours après l’avènement du gouvernement Youssef Chahed que cette loi fût adoptée sans même que la nouvelle équipe ait eu le temps d’y apporter sa touche et ses modifications. Il est clair qu’une nouvelle révision aurait retardé son adoption et renforcé encore plus l’incertitude sur l’investissement.
Ainsi, c’est au terme d’un long parcours du combattant que la nouvelle loi sur l’investissement fût adoptée avant la fin de l’année pour rentrer en vigueur le 1ier avril. Un chemin long et difficile marqué par les luttes politiques intestines qui ont renforcé l’incertitude et ont pesé sur les décisions d’investir. En effet, parallèlement au risque sécuritaire, à l’instabilité politique, le manque de clarté sur le nouveau cadre réglementaire a constitué un important frein à la reprise de l’investissement. Cette panne a contribué à la fragilité de la croissance économique que nous connaissons depuis quelques années.
Toute la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si la nouvelle loi va contribuer à une relance de l’investissement et à un retour d’appétit à nos acteurs économiques nationaux mais aussi aux investisseurs étrangers ? En un mot cette nouvelle loi contribuera-t-elle à un redémarrage de l’investissement ?
Nous pensons que l’adoption de cette loi est un pas important pour notre développement économique pour plusieurs raisons. D’abord, elle a permis de définir le cadre institutionnel de l’investissement et a levé par conséquent toutes les incertitudes qui lui sont liées. Par ailleurs, ce nouveau texte a introduit de nouvelles dispositions qui ont amélioré l’ancien texte. Ainsi, on dispose aujourd’hui d’une loi qui n’a que de 36 articles avec quelques textes d’application. Par ailleurs, ce texte a introduit de nouvelles dispositions sur les garanties ainsi que les obligations de l’investisseur. Ensuite, nous disposons d’un nouveau cadre de gouvernance de l’investissement avec trois instances : le Conseil supérieur, l’Instance tunisienne de l’investissement et le Fonds tunisien d’investissement. Toute la question ici est de savoir quel sera le devenir des anciennes institutions qui se sont multipliées avec parfois une efficacité qui laisse à désirer quant à leur rôle dans la relance de l’investissement et l’attrait de notre pays auprès des investisseurs étrangers. J’ai toujours pensé, à l’instar de beaucoup d’expériences réussies dans le monde, que nous devons regrouper toutes les structures en charge de l’investissement dans la même instance et que la nouvelle Instance tunisienne d’investissement pourrait offrir ce cadre qui réunirait l’ensemble des structures. Un choix qui nous permettra d’éviter les doubles emplois et de favoriser une plus grande coordination entre les différentes structures. Mais, surtout ces institutions doivent adopter de nouvelles méthodes de gestion qui mettent l’accent sur les objectifs et surtout les réalisations et leur capacité à sortir l’investissement de sa torpeur et à attirer des investisseurs étrangers.
La nouvelle loi contient aussi de nouvelles dispositions, notamment en matière d’incitations qui favorisent le développement régional mais aussi les nouvelles activités intensives en nouvelles technologies qui seront au cœur du nouveau modèle de développement. Cette loi a également mis en place des mécanismes de règlement des différends et assure un traitement juste et équitable à l’égard des investisseurs tunisiens et étrangers.
Cette loi constitue une avancée importante par rapport à la loi de 1993 même si on aurait aimé réduire encore plus le cadre réglementaire. Mais, aussi importante soit-elle, la reprise et la sortie des investisseurs de leur torpeur passeront par d’autres changements et améliorations. Et, le dernier rapport de l’ITCEQ sur l’environnement des affaires nous en donne quelques indications. En effet, selon ce rapport et l’enquête effectuée auprès de 1 200 entreprises, l’attentisme des entreprises s’explique aussi par l’environnement politique, la contestation sociale, le contexte sécuritaire, le développement de la corruption et les difficultés d’accès au financement. Des contraintes qui pèsent sur les investissements et encouragent l’attentisme des investisseurs.
La reprise et le redémarrage des investissements sont probablement aujourd’hui les plus importants défis auxquels est confronté notre pays dans la mesure où il nous permettra de retrouver la croissance nécessaire pour l’amélioration de nos finances publiques, de la lutte contre le chômage et de l’avancement d’une transition économique nécessaire pour la consolidation de la transition politique. Mais, cette reprise tarde à se dessiner et si la nouvelle loi a levé certains obstacles, il est important de redoubler d’efforts pour favoriser une reprise franche des investissements et du goût du risque auprès de nos acteurs économiques.
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