Les pays africains viennent de signer le 21 mars dernier un accord sur la création d’une zone de libre-échange à Kigali au Rwanda. Quarante pays présents ont signé cet accord qui devrait entrer en action après sa ratification par 22 pays membres de l’Union africaine.
Cet accord constitue la plus importante tentative pour construire une zone de libre-échange sur le continent africain. Elle cherche à lever les obstacles devant la circulation de marchandises entre les pays africains afin de renforcer le commerce entre eux. Il faut noter que cette initiative s’est fixé des objectifs ambitieux en cherchant à éliminer les tarifs douaniers sur 90% des produits dans les cinq à dix prochaines années. Ces traités incluent aussi d’importantes dispositions en matière de facilitation des échanges entre les pays africains afin de simplifier les procédures. Elle comporte, enfin, un volet réglementaire qui cherchera à unifier certaines normes entre les pays africains.
Cet accord est historique de notre point de vue et aura trois conséquences essentielles sur l’avenir économique du continent. D’abord, il faut mentionner que cette zone de libre-échange pourrait aider les pays africains à renforcer le commerce intra-africain qui reste fiable en comparaison aux autres régions. En effet, les échanges entre les pays africains ne dépassent pas les 16% du total des échanges, alors qu’en Europe, ils sont autour de 70%, en Amérique du Nord 55% et en Asie 45%. Les études effectuées sur l’impact de cette zone estiment que celle-ci contribuera à élever le commerce intra-africain à 50% de la totalité des échanges des pays africains.
Le second aspect qui justifie cette zone concerne l’essoufflement de la croissance africaine depuis 2016. En effet, le continent africain a montré une grande résilience après la grande crise de 2008 et a réussi à maintenir un niveau élevé de croissance en dépit des grandes turbulences économiques que traversait l’économie globale. Cette dynamique s’est essoufflée à partir de 2016 en retombant à une moyenne de 1,6%. Or, depuis, les pays africains connaissent les plus grandes difficultés à enclencher une nouvelle dynamique de croissance. Là également, les études effectuées montrent que cette zone de libre-échange va booster la croissance.
Mais, l’effet de cette zone de libre-échange ne se limitera pas au niveau de la croissance mais sera également au niveau de son contenu et de sa locomotive. Il faut mentionner que les échanges des pays africains et leurs exportations vers les pays développés, sont constitués essentiellement de matières premières. Or, le développement des échanges intra-africains va avoir des effets importants sur les structures économiques de ces pays et va favoriser le développement de nouvelles chaînes de valeurs et la transition vers une plus grande diversification économique du continent.
Ainsi, la signature de ce traité portant sur la création d’une zone de libre-échange est une décision historique qui pourrait transformer la face des économies africaines. Mais, la mise en place de cette zone ne sera pas un long fleuve tranquille mais plutôt, une longue route semée d’embûches. Trois remarques dans la mise en place de cette zone sont à formuler. La première est de nature politique et concerne la nécessité de convaincre l’ensemble des pays africains non seulement de signer ce traité mais surtout de le ratifier. Et, les difficultés ont commencé dès le début avec le refus du Nigéria, la deuxième économie du continent et le plus grand marché avec ses 190 millions d’habitants, de signer ce traité et de rejoindre pour l’instant cette zone.
Le second type d’embûches concerne la faiblesse des infrastructures qui pourrait influencer de manière négative le développement des échanges intra-africains. Il faut aussi mentionner la bureaucratie, la lenteur des démarches administratives et surtout la corruption qui règne dans beaucoup de services douaniers et qui pèseront sur l’avenir des échanges intra-africains.
Enfin, un dernier aspect sur cette zone de libre-échange concerne la présence de la Tunisie à la réunion de Kigali et la signature de ce traité par notre ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jihnaoui. Il s’agit d’une importante décision qui s’inscrit dans notre engagement depuis quelques années et notre plus grande implication dans la renaissance du continent africain. Cette signature confirmera notre plus grande ouverture sur les pays au Sud du Sahara et ouvrira sans nul doute de grandes opportunités à nos entreprises.
La signature de cet accord sur la création de la zone de libre-échange constitue un évènement de grande importance pour le continent et contribuera à une plus grande relance de la croissance. Notre présence dans cet accord contribuera également au renforcement de nos rapports de coopération avec les pays africains et à une plus grande présence dans la dynamique des échanges intra-africains.
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