La pandémie…  et notre destin méditerranéen

En politique comme en football, il convient de ne jamais négliger le facteur chance qui avait grandement contribué à la construction de ce monde. On a coutume de dire de la chance qu’elle se provoque, mais il en va de même de la malchance, comme la démontre cette pandémie (Covid-19). Mais l’homme doit avoir cette capacité de transformer la malchance en une chance concrète, car il est impossible de s’incliner devant un fléau dévastateur, comme la pandémie, et continuer sur la même trajectoire sans qu’on discerne les voies d’une solution acceptable. Malheureusement, il n’y a plus de vision politique, au plein sens du terme, capable d’exploiter notre chance d’appartenir à la Méditerranée et de tracer, par conséquent, une perspective d’avenir claire, malgré le fait que les accélérations de l’histoire et les impulsions du présent semblent nous ramener sans cesse autour de cette  « Grande Mer  » des Hébreux,  » la Mer  » des Grecs, la  » Mare nostrum  » des Romains,  » El -moutawasset  » des Musulmans,  notre méditerranée embaumée du parfum de jasmin, où Neptune et Pluton se disputent encore l’Empire du monde.
Voilà, enfin, que nous devons saisir cette chance d’être méditerranéen,  pour agir  positivement et à tous les niveaux, afin d’éradiquer cette pandémie, annoncer les signes avant-coureurs d’une «prise de conscience» et confirmer, ainsi, l’inexorabilité de substituer aux politiques stéréotypées d’autres politiques plus souples et plus efficientes, des politiques qui s’inscrivent dans la marche de l’histoire. La Méditerranée demeure « une machine à fabriquer des civilisations » pour reprendre le mot célèbre de Paul Valéry. Cette machine a besoin, aujourd’hui, d’être remise à sa juste valeur si l’on ne veut pas tomber dans le piège d’une méditerranée virtuelle et d’un discours essentialiste qui risquent, « d’obscurcir la lecture des enjeux méditerranéens actuels », comme l’a bien mentionné l’écrivain Jean-Robert Henry dans son livre « Métamorphoses du mythe méditerranéen ».
La grave crise des équilibres régionaux et internationaux que traverse le monde et en particulier le bassin méditerranéen, constitue un nouvel appel à la conscience de nos gouvernants et nos peuples pour donner vie et efficacité aux structures de la coopération entre les deux rives, une coopération capable d’intégrer les composantes de cette réalité régionale telles que le développement, la sécurité, la santé, l’émigration, l’environnement, la gestion de la démocratie naissante et le dialogue des cultures.
Nous sommes tous concernés en raison des vagues terroristes qui frappent partout  et des flux migratoires qui découlent de toutes ces déflagrations. Les études approfondies menées par les spécialistes nous enseignent que le terrorisme dans les pays de la rive sud de la Méditerranée a été souvent, non pas tant de la diversité ethnique et du fondamentalisme religieux que d’une multiplicité de facteurs, au centre desquels, il faut le reconnaître, figurent la pauvreté, les maladies, l’exclusion et la marginalisation. Au nord de notre mer, les pays riverains subissent à l’intérieur de leurs propres rouages démocratiques un « violent contrecoup », selon les termes de l’analyste Gilles Kepel, qui se mesure, selon lui, par la percée des populistes de l’extrême-droite. Cette angoisse irrationnelle face aux flux de réfugiés ou d’immigrés et qui s’est aggravée depuis l’apparition de la pandémie (Covid-19), présente néanmoins un vrai risque d’une flambée de racisme et d’islamophobie.
Dans cette optique, et après que le processus de Barcelone lancé en 1995 n’a pas donné les résultats escomptés et que « l’Union pour la Méditerranée » s’est avérée mort-née, il faut proposer  une nouvelle politique commune visant le lancement de grands projets pour faciliter la coopération dans des domaines aussi divers que migration, sécurité, terrorisme, extrémisme, environnement, santé, énergie, technologies, recherche scientifique, éducation et culture, et aller de l’avant dans l’édification d’un avenir commun pour les pays de l’espace euro-méditerranéen, sur la base du respect mutuel, du dialogue constructif, des intérêts réciproques et du partenariat solidaire.
La Méditerranée: notre chance et notre destin. Ulysse l’a bien compris très tôt en demandant à ses marins de l’attacher au mât pour jouir du chant des sirènes sans succomber ni se perdre.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana