La pire des redditions

Chaque fois que je voyais les suceurs de sang, voraces et immoraux, pousser des ailes avec la bénédiction des chaînes satellitaires arabes qui jouent un jeu dangereux, ayant mené aux troubles dans notre pays, je sentais la honte et la frustration. Un sentiment d’impuissance et d’amertume profonde me gagnaient aussitôt. C’est qu’on assiste à un déferlement de clowns et de traîtres hauts en couleur, qui font semblant de défendre la démocratie et les droits de l’homme ! À force de semer des idioties à pleines mains, de lancer des déclarations pleines d’aigreur, de vitupérer contre le peuple, de ridiculiser l’État sous toutes les latitudes, les voilà arrivés au bout du gouffre, projetés dans les marécages de la trahison.
Dans cette «collectivisation» d’une infâme traîtrise, dans cette «démocratisation» d’un terrible vampirisme, je me rappelle, avec stupeur, le fameux égyptien, Mohammed El-Baradei, directeur général de l’énergie atomique dans les années quatre-vingt-dix. Devant cet homme au long visage, chauve et aux traits creusés, j’ai souvent éprouvé un sentiment de honte et j’ai toujours souhaité qu’il ne fût ni Arabe ni musulman. Exilé, cet homme qui a traqué l’abjection jusqu’au ridicule peut, aujourd’hui, se vanter d’avoir réussi, à l’époque, à créer l’unité des peuples arabes contre lui. Ses prises de position lors de la Guerre du Golfe criaient le ralliement avec les forces de l’occupation atlantique et ce, en dépit de ses convictions personnelles concernant l’inexistence d’armes de destruction massive en Irak.
Parce qu’il voulait rendre service à ses maîtres de la Maison Blanche et qu’il avait peur de perdre son poste, il n’a jamais osé dévoiler la vérité au grand jour. Il tenait ainsi à apparaître aux Occidentaux sous l’image d’un «Arabe de service». Il savait pertinemment qu’une telle position allait servir de précieux prétexte aux Américains pour détruire ce pays et écraser son peuple.
Quand on lui demandait les raisons qui l’avaient conduit à agir de cette façon honteuse, il répondait avec une logique que même le plus orthodoxe des Atlantistes n’aurait pas défendu : «La raison du plus fort est toujours la meilleure.» Et le voilà de nouveau sur la sellette, pour avoir trahi son peuple égyptien en participant en 2013, comme vice-président, aux horreurs commises par les Frères musulmans.
Ce qui m’exaspère et sape toutes mes convictions nationalistes et me fait douter de mon appartenance arabe même, c’est, en fait, moins la personne elle-même d’El-Baradei que le symbole qu’il incarne. Il est en effet l’image de ces «Arabes» de notre époque qui ont choisi comme métier d’écorcher vifs leurs frères. Il est l’image miniaturisée d’une situation arabe désastreuse où les frères s’entretuent, où plusieurs «élites» politiques se liguent avec les ennemis contre leurs propres nations. C’est en somme la pire des redditions.
À bien regarder les faits, les péripéties du tragique «printemps arabe» se trament avec «virtuosité» ! Qu’on se rappelle ce qui s’est passé en Libye, en Syrie, au Yémen et au Soudan, et le rôle joué par les traîtres dans l’embrasement des guerres civiles.
La trahison est un phénomène omniprésent dans notre histoire arabo-musulmane. Les noms et les crimes de plusieurs personnages sont à jamais associés dans notre mémoire collective à une trahison.
On sait déjà que la prétendue «opposition» tunisienne exilée, noyée dans ses aberrations, n’a quasiment plus de crédibilité. Mais n’est-elle pas en train de perdre définitivement aussi sa dignité en se prêtant à des jeux ignobles, sans vraiment se rendre compte qu’elle creuse ainsi sa propre tombe dans la poubelle de l’Histoire !?

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