On ne s’attendait pas à une relation aussi paisible entre le nouveau Président américain Donald Trump et la Présidente de la Réserve fédérale (FED) Jannet Yellen, tellement les relations pendant la campagne étaient mouvementées. Le candidat républicain à l’élection présidentielle n’a cessé d’attaquer la Présidente allant jusqu’à annoncer qu’il allait la remplacer immédiatement après son élection.
Et, le candidat de multiplier les critiques et les accusations contre la Présidente de la FED, connue pour ses sympathies démocrates. La plus importante critique concernait le maintien de taux d’intérêt bas alors même que la FED s’était déjà engagée à le relever. Pour le candidat de l’époque, le maintien d’une politique monétaire expansionniste par la FED visait à relancer la croissance et l’emploi et à favoriser par conséquent le candidat démocrate à l’élection présidentielle. Donald Trump avait également critiqué cette politique monétaire expansionniste qui favorisait la formation de bulles spéculatives sur les marchés financiers. Et, comble des critiques pour le camp Trump et ses électeurs, le candidat avait taxé Jannet Yellen de « pro-mondialiste », la racine du mal pour ces millions d’électeurs perdants de la globalisation qui ont constitué la force de frappe qui a mené le candidat aux portes de la Maison blanche.
Mais, les plus importantes attaques ont surtout porté sur l’indépendance de la FED et le candidat républicain a soutenu lors de sa campagne l’aile du parti républicain conduite par l’ancien représentant du Texas à la Chambre des Représentants, Ron Paul, qui cherchait à faire auditer la FED par le Congrès et à soumettre l’institution au contrôle et au droit de regard des élus. Une campagne qui cherchait clairement à remettre en cause l’indépendance de la Réserve fédérale qui était pourtant au centre de sa crédibilité.
Tous les ingrédients étaient ainsi réunis pour que nous assistions à des rapports difficiles et tendus entre le nouveau président et la présidente de la FED. Or, la relation apaisée qu’ils entretiennent et le mariage de raison qu’ils sont en train de vivre ont démenti tous les pronostics. Le Président ne cesse de multiplier les déclarations favorables à une présidente qui était au centre de ses attaques il y a seulement quelques mois. Ainsi, explique-t-il dans une interview au Wall Street Journal le 12 avril dernier qu’il « appréciait et respectait la présidente de la FED » et qu’il « aime la politique des taux d’intérêt bas » allant jusqu’à dire qu’il serait disposé au renouvellement de son mandat qui arriverait à son terme en 2018.
Or, si les observateurs commencent à s’habituer à ces volte-face du nouveau président américain, on a tout de même cherché à comprendre les raisons de ce changement de position vis-à-vis de la Présidente de la FED et plus particulièrement par rapport à la politique monétaire expansionniste suivie aux Etats-Unis depuis la grande crise de 2008. Ce changement d’attitude s’explique par les inquiétudes et l’incertitude que suscite l’une des plus grandes priorités de politique économique du nouveau président et qui concerne la baisse massive d’impôt, avec notamment la baisse de l’impôt sur les sociétés de 35 à 15% et la suppression des droits de succession. Cette grande réforme fiscale pourrait avoir des effets importants sur l’équilibre budgétaire et entraîner par conséquent un important déficit. Cette politique pourrait aussi se traduire par une forte poussée inflationniste.
Or, la hausse des déficits publics et de l’inflation devrait entraîner la hausse des taux d’intérêt américains. La montée des taux devrait se traduire d’un côté par un renchérissement du coût de l’endettement américain et surtout une hausse du dollar.
Or, la hausse du dollar aura des effets négatifs sur la compétitivité des entreprises américaines et leurs exportations et pourrait entraîner de nouvelles pertes d’emplois aux Etats-Unis. Un comble pour un Président dont tous les engagements dans la campagne visaient à protéger les perdants de la globalisation y compris en mettant fin au libre-échange et dont les conséquences immédiates de sa politique sont à l’origine de l’accroissement des difficultés de ces mêmes perdants.
L’ensemble de ces éléments expliquent le revirement du candidat devenu président sur les choix de politique monétaire et sa préférence pour la politique des taux d’intérêt bas qu’il a pourfendu avec force lors de sa campagne. N’empêche que les incertitudes sur les grands choix de politique économique aux Etats-Unis constituent une importante source de risque pour l’économie mondiale dans l’avenir. Les prévisions de croissance soulignent une reprise de la croissance qui passera de 3,1% en 2016 à 3,5% pour l’année en cours. Il s’agit d’une bonne nouvelle dans un monde marqué par une croissance molle. Mais, cette reprise sera contrainte par d’importants défis dont les incertitudes sur les grands choix de politique économique aux Etats-Unis et notamment l’avenir de la politique monétaire.