La poule aux œufs d’or se meurt

En 2010, la CPG était une compagnie prospère avec une production de 8 millions de tonnes de phosphates –  5è rang mondial – et des exportations qui rapportaient 2 milliards de dinars en devises. Elle alimentait le budget de l’Etat à concurrence de ses bénéfices  juteux.

Avec le groupe chimique, la CPG employait 8000 salariés. Après le 14 janvier 2011, la situation de la CPG n’a pas cessé de se dégrader : grèves, sit-in, blocages des sites de production et des moyens de transport par les chercheurs d’emplois, ont engendré une baisse catastrophique de la production et des recettes. La CPG a perdu ses clients à l’étranger et enregistre des pertes considérables depuis plus de quatre ans.

La perte d’autorité de l’Etat a laissé libre cours à tous les abus. La suppression de la sous-traitance dans le secteur public a engendré le recrutement massif des salariés de la sous-traitance par la CPG. Celle-ci a été obligée d’ouvrir des concours pour le recrutement dans les trois filiales créées pour la maintenance, la protection de l’environnement et le transport.

Le recrutement, pour satisfaire les revendications des manifestants, a atteint le sommet incroyable et inédit de 28,000 salariés. Ils sont grassement payés sans même travailler. Le salaire moyen à la CPG étant de 1500D par mois, c’est pourquoi, tous les chômeurs exigent d’être recrutés, même en surnombre et sans qualification.

Alors que les charges salariales et sociales ont été multipliées par quatre, les recettes ont été divisées par trois. C’est presque la faillite virtuelle, car c’est l’Etat, c’est à dire la communauté nationale qui paie, à fonds perdus pour compenser les pertes. Les défaillances sont multiples et à tous les niveaux : carrières d’extraction du phosphate à l’arrêt, blocage des transports depuis les carrières jusqu’aux laveries, blocage des sources d’eau qui alimentent les laveries et fermeture de la voie ferrée qui sert à transporter le phosphate jusqu’aux usines de Gabès et de la Skhira (Groupe chimique et société Tuniso-indienne de fabrication de produits chimiques). C’est à peine, si plusieurs camions appartenant aux barons du transport arrivent à se faufiler pour assurer le transport, à raison de 18 dinars la tonne alors que le tarif de la SNCFT n’est que de 4 dinars … la moins-value est considérable pour la CPG, mais il n’y a pas d’autres solutions. Tout le monde trouve son compte, sauf  le pays et ses intérêts.

La situation financière et sociale de la CPG ne cesse de se dégrader depuis 2011, enregistrant une baisse de la production de l’ordre de 70%. En fait, les résultats cumulés des trois années 2011-2012-2013 n’ont pas atteint les 8 millions de tonnes produits en la seule année 2010.

Au cours du premier trimestre 2015, la production a encore accusé une chute vertigineuse avec une baisse de 39% par rapport à 2014, soit 604.000 tonnes contre 983.000 tonnes. Les mines d’Oum Laraïess, Kef El Dour et Redeyef sont toujours à l’arrêt mais les salaires et les primes sont servis.

Actuellement, seul le site de Mdhilla fonctionne normalement, or il ne représente que 15% du potentiel de la CPG, il est donc nettement insuffisant.

Les reproches que l’on peut faire aux différents gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans ne manquent pas, car ils sont à l’origine des difficultés actuelles.

D’une part, l’Etat n’a rien fait pour diversifier l’économie régionale en investissant une partie des bénéfices retirés de l’exploitation des phosphates, ce qui aurait ouvert d’autres perspectives aux habitants de la région avec création d’emplois : textile-habillement, industries électriques, mécanique…

D’autre part, les projets d’industrialisation et de valorisation des phosphates n’ont pas été implanté sur place mais à Gabès, Skhira et Sfax. C’est avec Mdhilla II, donc assez tard, que le réinvestissement sur place va commencer. Encore faut-il que les 10% qui manquent à la réalisation de l’usine aboutissent, et que l’attitude passive et indifférente des pouvoirs devant la déliquescence de la Compagnie nationale et leur impuissance face aux perturbations sociales qui la paralysent. Ce qui est encore plus étonnant c’est l’attitude des salariés de la CPG qui n’ont pas levé le petit doigt pour défendre leur gagne-pain et déloger la “poignée de manifestants et de sit-inneur s ”, pour pouvoir travailler et préserver cette source de prospérité nationale.

Il y a là une inconscience profonde des intérêts supérieurs de la nation, mais aussi de la seule ressource économique pour les habitants du bassin minier. Les politiques et les leaders de la société civile doivent faire admettre aux demandeurs d’emplois que la CPG ne peut recruter tout le monde, car ce serait approche suicidaire pourla compagnie voire pour le pays.

Nous ne devons pas perdre de vue que la CPG, outre les salaires et primes diverses servies aux salariés, octroie à une partie de ses employés des avantages considérables en nature : logements, eau potable, électricité, jardins d’enfants,… la CPG finance également des activités sportives et culturelles outre les voitures et bons d’essence pour ses cadres moyens et supérieurs.

En contrepartie, la CPG a pollué l’environnement de façon durable : cultures et arbres fruitiers souffrent de la poussière des phosphates, l’élevage et les pâturages aussi, tandis que la nappe phréatique semble contaminée. Cela demande réparation. Ne parlons pas des dégâts subis par la santé de la population.

La solution à tous ces problèmes est sûrement difficile à trouver et si le gouvernement, secondé de façon concrète par la société civile, celle qui est de bonne foi et non pas celle qui pêche en eau trouble, n’arrive pas à une solution définitive par la négociation en mettant un point final aux revendications interminables, il faudrait alors passer au strict respect de la loi et aux sanctions sévères qui doivent punir les crimes que constituent les actes menant un patrimoine économique national à la faillite et à la disparition de 28.000 emplois, de quoi faire vivre plus de 100.000 habitants de façon directe et 200.000 de façon indirecte.

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana