Sommes-nous seuls ? C’est probablement la question la plus profonde qui se pose aujourd’hui encore à l’humanité. Et si la réponse à cette question était non ? Serions-nous prêts à l’accepter ? Pour Avi Loeb, astrophysicien à l’université de Harvard (États-Unis), une technologie extraterrestre a récemment traversé notre Système solaire.
Comète, astéroïde, fragment de corps céleste. Au fil des mois, toutes les hypothèses concernant sa nature ont été mises sur la table. Y compris la plus folle de toutes : celle du vaisseau extraterrestre ! Une hypothèse soutenue — envers et contre presque tous — par Abraham Loeb, président du département d’astronomie à l’université de Harvard (États-Unis). « La méthode scientifique encourage à la prudence. Nous formulons une hypothèse, recueillons des preuves et testons cette hypothèse. Puis nous affinons l’hypothèse ou rassemblons plus de preuves. Mais les modes peuvent décourager la prise en compte de certaines hypothèses et le carriérisme peut diriger l’attention et les ressources vers certains sujets et les éloigner d’autres », explique-t-il.
En 2015, Ellen Stofan, alors scientifique en chef à la Nasa déclarait à l’occasion d’un événement public, s’attendre à ce que « des preuves de l’existence d’une vie au-delà de la Terre » soit trouvé dans les deux à trois décennies. Un point de vue alors partagé par Jeffrey Newmark, astrophysicien à la Nasa : « Je ne me demande pas si nous trouverons de telles preuves, mais quand. »
S’ils pensaient vraisemblablement plus à des formes de vie microscopiques, Avi Loeb, astrophysicien à l’université de Harvard (États-Unis), lui, pense que la preuve en question est passée par le Système solaire en 2017. Il détaille sa théorie dans un livre, traduit par Charles Frankel, qui vient de paraître aux éditions du Seuil : Le premier signe d’une vie intelligente extraterrestre
« Personnellement, je suis convaincu que ‘Oumuamua est la preuve qu’il existe ou qu’il a existé des civilisations sensibles autres que la nôtre, ailleurs dans l’Univers. Et j’aimerais que la communauté accepte d’accorder autant de crédit à ma théorie qu’elle en accorde à l’hypothèse de la supersymétrie ou du multivers. Mais je crois aussi que l’humanité n’est pas prête à accepter que nous ne soyons pas uniques. »
*‘Oumuamua, un objet interstellaire à la forme étrange
Mais sur quoi Avi Loeb appuie-t-il son hypothèse ? Sur quelques singularités relevées par les chercheurs qui ont étudié l’objet interstellaire. Sa forme d’abord. « Nous n’avons aucune image bien nette de l’objet. Seulement les données de onze jours d’observations — avant que l’objet s’éloigne trop de la Terre — par plusieurs télescopes, précise Avi Loeb. Elles montrent que la luminosité de ‘Oumuamua varie d’un facteur dix toutes les huit heures. » De quoi conclure que l’objet est bien plus long que large. Certains ont d’abord parlé de forme de cigare. Puis les données ont orienté, de manière statistiquement bien plus probable, vers une forme de disque.
« Quoi qu’il en soit, nous n’avons jamais observé dans la nature, d’objet aussi plat et/ou allongé, nous assure Avi Loeb. Et c’est sans parler du fait que ‘Oumuamua était aussi au moins dix fois plus brillant que n’importe quel astéroïde ou comète de taille similaire. » Un certain nombre d’explications ont été avancées.
*Une trajectoire qui défie les lois de la physique
« S’il n’y avait eu que cela, je serais passé à autre chose », nous confie Avi Loeb. Mais il y avait aussi l’anomalie de trajectoire qui apparait dans les données recueillies par les astronomes. Selon le chercheur de l’université de Harvard, celle-ci est « époustouflante ». « Les lois de la physique nous permettent de prédire la trajectoire d’un objet soumis à l’influence gravitationnelle du Soleil. Mais ‘Oumuamua ne s’est pas comporté comme prévu. » À distance de notre étoile, il s’est vu comme poussé par une force mystérieuse. « Cela arrive aux comètes aussi. Une sorte d’effet de « moteur-fusée » qu’elles doivent à leur longue queue de glace qui s’évapore. »
Pour que cet effet fusée explique la déviation de trajectoire de ‘Oumuamua, il aurait fallu que l’objet perde un dixième de sa masse. Pourtant, en scrutant l’espace environnant, les astronomes n’ont trouvé aucune trace d’eau, de gaz ou de poussière.
D’autres hypothèses ont été avancées. Celle d’une collision avec un autre objet, d’abord. Mais les données ne correspondaient pas. Puis celle que la glace portée par l’objet interstellaire ait été exclusivement composée d’hydrogène. Mais l’idée n’a pas tenu bien longtemps. Celle de l’action de la pression de rayonnement du Soleil a également été investiguée. Mais elle impliquerait une densité massique incroyablement faible. 1 % seulement de celle de l’air à la surface de la Terre. De quoi faire de ‘Oumuamua l’objet le plus poreux jamais observé dans notre Système solaire.
*‘Oumuamua, un vaisseau extraterrestre ?
« Pour moi, ‘Oumuamua ne ressemble tellement à rien d’autre de ce que nous connaissons dans l’Univers qu’il doit avoir été conçu, construit et lancé par une intelligence extraterrestre. Peut-être un voile flottant dans l’espace. Une bouée de communication. Ou un débris abandonné par une civilisation autre que la nôtre, avance Avi Loeb. J’ai conscience que c’est une hypothèse exotique. Mais les autres hypothèses avancées pour expliquer ces caractéristiques particulières ne le sont pas moins. Aucune ne parvient à réellement expliquer la trajectoire de ‘Oumuamua. Et pourtant, l’objet a dévié », n’hésite pas à lancer le chercheur en clin d’œil à Galilée.
« Soyons clairs. Je ne suis pas de ceux qui cherchent la lumière des projecteurs. Je ne suis pas « l’enfant terrible de l’astrophysique ». Je me pose seulement des questions. En essayant de ne pas me laisser déborder par des préjugés. »
(Futura Sciences)