La réforme des trois banques publiques est au cœur de la relance du processus de croissance économique à travers le financement des entreprises économiques et les projets de développement.
On parle beaucoup de cette réforme qui est au centre des engagements pris par notre pays vis-à-vis des institutions financières internationales notamment le FMI depuis trois ans, alors que sur le plan de la concrétisation, cette réforme n’a enregistré que peu de progression.
Il faut dire que le point de départ, ce sont les résultats de l’audit des trois banques. Peu d’indications ont filtré à propos de cet audit et même la commission des finances de l’ARP qui a réclamé l’accès à ce document, attend toujours, alors qu’elle doit statuer sur les projets de lois relatifs à la recapitalisation de ces banques, car il s’agit d’allocations de fonds publics.
Ce qui est connu, c’est qu’il y a un taux très élevé de créances carbonisées, irrécouvrables pour diverses raisons dont l’insuffisance et l’inexistence de garanties réelles, la faillite des projets qui ont été financés par ces crédits, la fuite à l’étranger de certains bénéficiaires de ces crédits.
Le déficit de liquidités dans les banques publiques, qui les met au bord de la faillite, découle en fait d’un problème de gouvernance : le non-respect des normes prudentielles et des critères de maîtrise des risques, un provisionnement insuffisant pour la couverture des créances douteuses,…
Ajoutez à cela un sureffectif de personnel, un manque de formation professionnelle, un système d’information inadapté aux besoins d’une gestion rigoureuse, pas ou peu de nouveaux produits adaptés aux attentes de la clientèle, pas ou peu d’efforts pour susciter l’épargne et attirer les bons clients,…
Nous croyons savoir qu’il y a une commission présidée par le ministère des Finances et aux travaux de laquelle participent plusieurs ministères dont celui du Développement et de l’Investissement et la BCT qui prend les décisions relatives à la réforme des banques publiques sur la base des résultats de l’audit.
La problématique actuelle est la suivante : la réforme des banques publiques est un tout, elle comporte plusieurs volets qui sont en fait interdépendants, si la concrétisation de ces mesures traîne dans le temps, la réforme sera-elle efficace au final, si jamais elle sera un jour achevée. A ce moment là, il faudra l’actualiser, car elle sera peut-être déjà obsolète.
Ce qui n’a pas encore été révélé clairement par le gouvernement, c’est l’objectif ultime pour ce qui est du statut final de ces banques : vont-elles rester des banques à capital public majoritaire même si à travers la Bourse, on fera un appel massif à l’épargne des particuliers ? Dans ce cas c’est l’Etat qui nomme la majorité des administrateurs chargés de le représenter au C.A et donc le directeur général parmi les hauts fonctionnaires avec séparation entre les deux fonctions : président du CA et DG.
Est-ce pour autant que l’on va changer de mode de gouvernance si l’on prend les mêmes en voulant faire autrement ? Ou bien sera-t-il fait appel à un partenaire stratégique, une banque étrangère qui en prenant pied dans la banque tunisienne pour la transformer de fond en comble exigera en fait d’être majoritaire au capital donc de briguer la direction générale ?
Alors ce sera la fin de l’Etat en sa qualité de banquier, il sera condamné à un rôle limité et peu responsable du processus du développement, celui de contrôleur du change.
Les députés de l’ARP l’entendraient-ils de cette façon ?
L’assainissement du portefeuille financier est une priorité absolue : les créances carbonisées doivent être confiées à une société de recouvrement, alors que les autres doivent faire l’objet d’un recouvrement efficace.
Certes, un des préalables de cet assainissement est la prise en charge par l’Etat de l’endettement lourd des entreprises publiques qui est de l’ordre de 3,8 milliards de dinars.
Le provisionnement doit couvrir 70% des créances douteuses pour respecter les normes de Bâle II, car nous sommes encore loin de Bâle III.
La recapitalisation des trois banques publiques est le volet qui a le plus progressé depuis un an. Il est vrai qu’il revêt un caractère prioritaire pour éviter la faillite des banques et par suite l’effondrement du tissu entrepreneurial tunisien, fait à 90% de PME qui souffrent d’une grande fragilité financière.
Les besoins sont évalués à 2,2 milliards de dinars, l’ANC a déjà voté 1 milliard de dinars dont 800 MD sont destinés à la STB.
Un fonds de recapitalisation des banques publiques a été approuvé par l’ANC, il est destiné à recueillir les fonds découlant de la vente des participations de l’Etat au capital de 8 banques privées où l’Etat détient des parts minoritaires entre 8 et 20% du capital, ce qui ne lui permet pas d’être décisionnaire. Cet argent sera injecté dans le capital des trois banques publiques.
La restructuration et la réorganisation de ces banques impliquent le renforcement des mécanismes de contrôle et des dispositifs de maîtrise des risques.
Un système d’information du type Global banking doit être mis en place répondant aux normes les plus récentes en la matière.
Tout cela doit aboutir à un véritable changement de gouvernance avec une mise au point de normes rigoureuses de gestion et prise de décisions de façon collégiale.