La réforme du système bancaire en panne

Depuis près de trois ans, on parle de réformes du système bancaire, en particulier de celles des trois banques publiques, sans que cela se concrétise dans les faits. Entre-temps, la situation de ces banques s’aggrave et rend leur redressement plus coûteux pour la collectivité nationale et plus difficile à réaliser. Par ailleurs, le financement des entreprises demeure défaillant et insuffisant d’où les répercussions négatives sur la croissance du PIB et le niveau de l’emploi.

Il faut dire que le diagnostic actuel est peu brillant, le moins que l’on puisse dire.

Les banques tunisiennes souffrent d’une recrudescence des créances carbonisées qui dépassent parfois 15%, des réserves qui n’arrivent toujours pas à couvrir 70% des créances classées, de la régression des dépôts de la clientèle et de la régression des crédits d’investissement,…

Les banques souffrent d’une pénurie de liquidités et sont contraintes de mobiliser leurs titres de créances sur la clientèle tous les jours auprès de la BCT pour faire face aux besoins en trésorerie des entreprises.

Il y a lieu de remarquer que la restructuration des banques publiques n’est claire ni dans l’esprit des concepteurs du projet ni dans les textes de lois qui ont fait l’objet de l’approbation de l’ANC ou de l’ARP.

Certes il y a la recapitalisation de ces banques par l’injection de fonds publics : 500 MD pour la STB, autant pour la BH et 300 MD pour la BNA.

Mais cela est nettement insuffisant eu égard aux besoins de la clientèle entreprises et des ambitions de croissance économique du pays. Il faudrait doubler ou tripler la mise sur une période de cinq ans.

Pour alléger le fardeau de l’État la création d’un fonds de restructuration bancaire destiné à collecter le produit de la vente des participations minoritaires de l’État dans plusieurs  banques mixtes ou privées vu que son rôle dans ces banques est peu décisif, est une initiative salutaire.

Des quotas minimum de crédits à consacrer à l’investissement peuvent être imposés aux banques pour éviter la prédominance des crédits à la consommation, moins risqués et plus rentables que ceux à long terme.

Des acteurs économiques avertis tels Tarek Cherif, président de la CONECT pensent à juste titre que l’ensemble des capitaux des banques tunisiennes ne dépasse pas celui d’une seule grande banque marocaine !

En outre, il est essentiel que sans aller jusqu’à la privatisation de ces trois banques, l’injection d’une dose de capitaux privés allant de 20 à 40% de leur capital à travers la Bourse par appel public à l’épargne, est de nature à réajuster la gestion de ces banques dans le sens d’une meilleure maîtrise des risques et d’une rentabilité nettement plus grande. Il serait salutaire d’assainir le bilan des trois banques publiques qui en a bien besoin.

Il y a un impératif et une urgence à la fois : le changement de gouvernance dans la gestion des banques publiques. En effet il y a des normes à respecter en matière de gestion préventive des risques et d’octroi des crédits mais aussi d’indépendance et d’efficacité des organes de contrôle et d’audit.

En outre, il y a une nécessité vitale de créer une grande banque tunisienne à l’étranger avec des agences dans les pays africains où nous avons des ambitions fondées de développement des exportations et des projets d’implantation sur place d’entreprises tunisiennes.

Une stratégie de financement par filières devrait être instaurée pour les secteurs vitaux de notre économie comme l’huile d’olive, les industries agroalimentaires, le tourisme, les exportations.

Les banques privées souffrent de capitaux et de fonds propres très limités qui ont engendré une crise de liquidités. En effet, avec des capitaux équivalents ou légèrement supérieurs à 100 millions de dinars, ils ne peuvent pas faire face aux besoins de financement de leurs clients entreprises : fonds de roulement donc crédits à court terme et crédits d’investissement donc moyen et long termes.

Il faudrait en deux ou trois étapes sur un délai de cinq ans parvenir à tripler le capital nominal pour donner à ces banques les moyens de leurs ambitions. Par ailleurs la nécessité d’implanter des fonds d’investissement régionaux est urgente si l’on veut impulser le développement des régions intérieures défavorisées.

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