En l’espace de vingt-quatre heures, les États-Unis ont pris deux décisions contre la volonté internationale et les organisations de l’actuel Ordre mondial. La première, en opposant le 20 novembre 2024 leur veto à une résolution de l’ONU sur un cessez-le-feu dans la bande de Gaza occupée. Il s’agit du quatrième veto américain depuis octobre 2023. La deuxième, en rejetant le 21 novembre 2024 la légitimité des mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’encontre du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant. Un coup fatal porté au crédit de la première puissance mondiale, à son discours sur la justice, la légalité, la liberté, la démocratie, les droits de l’homme, à la notion même de droit international. L’enjeu, pour le monde, est immense.
L’ordre mondial bâti en 1945 à la suite de la défaite des nazis, est fondé sur le droit international et la justice. Le légendaire héros national sud-africain, Nelson Mandela, s’y était implicitement référé lorsqu’il avait appelé la justice à subvertir le système de l’impunité. Car la paix est impossible si on laisse se répandre dans les méandres de la mémoire collective le venin de l’impunité. Aujourd’hui, cet ordre est remis en cause par l’un de ses bâtisseurs, les États-Unis.
Ce désastre stratégique majeur et ses variations montrent jusqu’où les dirigeants américains peuvent aller dans la course à la fatalité. Mais le problème reste à analyser plus finement, en fonction des particularités nationales américaines. Le geste de Joe Biden et de son administration à l’adresse d’un Etat voyou et ses criminels de guerre n’a de sens que si l’on comprend l’exploitation que les fondamentalistes évangéliques vont en faire. S’inspirant d’une religiosité fantasmagorique qui soutient qu’un éventuel retour du Christ dépendrait du retour du peuple hébreu à «la terre promise», la démarche américaine ne se limite pas à soutenir le droit d’Israël «à la légitime défense», un alibi extrêmement malsain pour éteindre la liberté et l’indépendance du peuple palestinien. Il participe d’un prosélytisme des plus dangereux. Le sionisme chrétien, dont le président Joe Biden est un fervent adepte, considère que l’existence de l’État d’Israël «ramènera Jésus sur terre, le fera définitivement reconnaître comme Messie et assurera le triomphe de Dieu sur les forces du mal, pendant que les juifs convertis au christianisme seront sauvés» ! De plus, la plupart des évangéliques tiennent à considérer Israël comme un modèle américain en miniature, puisque les deux peuples ont fondé leurs Etats sur la terre d’autrui, donc sur l’usurpation, l’occupation, le viol et la violence. Les juifs extrémistes ont, dans la justification de leur tendance génocidaire, un potentiel extraordinaire. Ils ont réussi ainsi à légitimer leur impunité, uniquement parce qu’ils ont été victimes d’un Holocauste terrible. Aujourd’hui, ils mettent tout en œuvre pour réécrire leur histoire sur la base de fausses données religieuses et historiques. Dans ce chaos affreusement tragique, la guerre de religion est relancée comme jamais. C’est ainsi que les Israéliens, soutenus par les Américains, cherchent à gagner la sympathie de l’opinion chrétienne, en essayant de faire croire que la guerre qu’ils mènent est une guerre entre «la civilisation judéo-chrétienne et la barbarie musulmane».
Dans l’impunité, les criminels de guerre fourniront toujours, à ceux qui les cherchent, les meilleurs prétextes à des guerres «saintes», même si elles sont totalement injustes.