La renaissance du SPD, un revers pour la CDU… Les six leçons des élections allemandes

Olaf Scholz est en pole position pour être le prochain chancelier. Mais les conservateurs n’ont pas dit leur dernier mot. L’analyse des premiers résultats d’un scrutin historique.
Le suspense entretenu ces dernières semaines pour les élections fédérales allemandes de l’après Angela Merkel ne s’est pas totalement éteint avec la publication lundi matin tôt des résultats officiels provisoires. Les sociaux-démocrates (SPD) d’Olaf Scholz devancent légèrement les conservateurs (alliance CDU-CSU) d’Armin Laschet. Si les deux candidats affirmaient chacun hier soir être en position de former un gouvernement, ce scrutin n’en reste pas moins bien plus douloureux pour les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel, sur le départ, que pour le SPD.
Un sort semblable au parti socialiste français attendait-il leurs cousins allemands ? C’était à craindre après les 20,7% de l’élection de 2017, lorsque Martin Schulz menait la campagne. Ses 25,7% de dimanche (décompte officiel provisoire annoncé lundi matin par la commission électorale fédérale), le meilleur score du parti depuis 2005, sont une forme de renaissance pour le SPD. D’autant plus qu’il est parvenu à l’essentiel : arriver juste devant les conservateurs (CDU-CSU). « C’est une victoire pour le SPD, basée sur la défaite des autres, estime Paul Maurice, chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri. Il a montré qu’il n’était pas totalement enterré. »
Le SPD doit ce retour au premier plan à son chef de file, Olaf Scholz. Le ministre des Finances, actuel vice-chancelier, a fait une campagne sans faute. Profitant des faux pas de ses adversaires, il a capitalisé sur son image de bon gestionnaire, calme et mesuré. Et il est parvenu à convaincre les électeurs centristes qu’il était l’héritier naturel d’Angela Merkel. Il a également profité du soutien sans faille de l’aile gauche du parti, majoritaire, alors même qu’il défend des positions considérées comme bien trop libérales par une partie de sa base. Ces dissensions pourraient réapparaître lors des tractations des semaines et mois à venir pour former un nouveau gouvernement, dont Olaf Scholz espère bien prendre la tête.
Ce 26 septembre 2021 va rester un traumatisme pour les conservateurs (CDU-CSU). Jamais ils n’ont fait un score si faible à une élection fédérale : 24,1% contre 32,9% en 2017 et 41,6% en 2013. « Les pertes sont amères » a reconnu le secrétaire général, Paul Ziemiak, dès l’annonce premiers sondages sortis des urnes. Pour autant, leur candidat, Armin Laschet, s’accrochait à l’idée qu’ils puissent encore « former un gouvernement sous (leur) direction ». Un scénario qui n’est pas à exclure, si le SPD ne parvient à s’entendre avec les Verts et les libéraux du FDP pour former une coalition.
Le chef de la région Rhénanie-du-Nord-Westphalie et des chrétiens-démocrates (CDU) porte néanmoins une lourde responsabilité dans cette débâcle. Il a multiplié les bourdes depuis qu’il a pris le dessus sur le représentant du parti frère bavarois (CSU), le populaire Markus Söder, pour mener la campagne. On l’a notamment vu s’esclaffer pendant une visite officielle sur l’une des zones touchées par des inondations meurtrières, en juillet. Il a aussi payé le manque de soutien d’Angela Merkel. La chancelière sortante ne s’est impliquée que dans les jours précédant le scrutin. « Malgré les difficultés de son candidat, les conservateurs ont montré une certaine capacité de résilience, pointe Paul Maurice. On les donnait à 20% il y a quelque jours et ils ont finalement fait plus. »
*Verts : le verre à moitié vide
Avec entre 14,8% des votes, les « Grünen » font bien mieux que lors de la dernière élection (8,9% en 2017). Cela fait d’eux un partenaire de choix pour le parti vainqueur, dans le cadre d’une coalition à trois parties. Pour autant, le verre est également à moitié vide. Ils sont loin, finalement des 28% d’intentions de vote qu’ils comptaient en avril. Ils ont payé les ratés de leur candidate à chancellerie, Annalena Baerbock, accusée de plagiat dans son livre, d’avoir oublié de déclarer un bonus au fisc et d’avoir enjolivé son CV. Les Verts, durant l’été, ne sont pas non plus parvenus à tirer parti du désastre des inondations dans l’ouest du pays, en juillet, que les experts relient au réchauffement climatique.
*FDP : des libéraux décidés à entrer au gouvernement
Ils avaient refusé de participer au dernier gouvernement, considérant que leurs revendications n’étaient pas assez prises au sérieux. Les libéraux font un peu mieux qu’en 2017 : 11,5% plutôt que 10,7%. Avec les Verts, ils deviennent des partenaires privilégiés pour la prochaine coalition. « D’autant qu’ils ont fait un appel du pied aux écolos pour se mettre d’accord ensemble avant de discuter avec d’autres partis, une façon de se rendre incontournables à deux », relève Paul Maurice. Leur chef, Christian Lindner, sait qu’il ne peut plus se permettre de faire la fine bouche, comme en 2017. Mais il a deux exigences clefs pour les tractations à venir : le poste de ministre des Finances et l’absence de hausse d’impôts, défendue, justement, par le SPD et les Verts.
*Die Linke : l’effondrement
D’après les résultats publiés lundi matin, Die Linke doit se contenter de 4,9% des suffrages, ce qui exclut une coalition de gauche avec le SPD et les Verts, agitée comme un chiffon rouge, durant la campagne, par les conservateurs. Le fait d’avoir remporté trois circonscriptions directes permet à la formation de conserver des députés au Bundestag, même s’il n’a pas dépassé la barre des 5%. Ces élections confirment le déclin du parti anticapitaliste au niveau fédéral (11,9% des voix en 2009, 9,2% en 2017). A l’est, sur ses terres, alors que son électorat vieillit, les jeunes lui préfèrent l’extrême droite. Surtout, dans une Allemagne prospère, son image reste encore trop associée au parti socialiste de l’ex-RDA.
Avec son programme anti-immigrés, l’AfD avait fait une entrée fracassante au Bundestag, en 2017, obtenant 12,6% des voix. Quatre ans plus tard, le parti d’extrême droite est en léger recul, à 10,3%, à l’issue d’une campagne où les migrants, cette fois-ci, n’ont pas été un sujet. Fidèles à la stratégie du cordon sanitaire, les autres formations l’ont tenu éloigné des débats. Mais il est cependant arrivé en tête dans les régions de Thuringe et de Saxe. L’AfD, fondé par des économistes anti-euro, paye aussi son virage extrémiste. Dans ces élections fédérales, il a défendu une sortie pure et simple de l’Union européenne, poussé à plus de radicalité par son aile identitaire, de plus en plus influente.
(L’Express)

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